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Saminaden Mootoosamy et Zul Ramiah : leurs chansons sont au service des politiciens

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La musique peut-elle influencer les electeurs dans leur choix ? Quelle est la fonction de la musique dite engagée et la personnalité de ses auteurs ? Deux semaines de cela, Saminaden Mootoosamy, pour l’Alliance Morisien et Zul Ramiah pour l’Alliance Nationale, sont entrés dans le même studio d’enregistrement à Route Berthaud, Quatre-Bornes, et avec les mêmes musiciens. Chacun a enregistré un morceau à la gloire de leurs blocs.

Saminaden Mootoosamy (alliance morisien) : « Je ne suis pas un chanteur politique »

Saminaden Mootoosamy.
Saminaden Mootoosamy.

Depuis 2014, Saminaden Mootoosamy, domicilié à Britannia, répond toujours présent à la sollicitation du MSM, lorsqu’on lui demande de coucher une chanson pour ce parti. Bien qu’il soit plutôt issu de la tradition de la chanson hindoustani, formé auprès de Bagoban, un des maîtres du gamaat et fait régulièrement des CD à l’occasion des fêtes tamoules, il trouve toujours le temps et les mots pour servir la politique du MSM. « Je n’ai jamais eu de discours politique, ma tendance s’inscrit plutôt dans la musique sacrée et il m’arrive de participer à des concours de chants organisés par la MBC », explique ce chanteur qui se définit comme un produit de la campagne, proche du petit peuple et qui refuse d’antagoniser ses relations au nom de la politique.

En 2014, c’est à la demande de Brenda Thanacody, un membre éminent du MSM et pressentie pour être candidate, qu’il accepte de mettre ses talents au service de l’ex-Alliance Lepep. « J’étais d’accord avec les thèmes de cette alliance et je souhaitais un changement et c’est comme ça que j’ai composé le morceau bhojpuri « voté voté » et ça a marché à merveille », se souvient-il encore. Depuis, il est resté proche du MSM, mais sans aucune ambition de devenir une personnalité de premier plan de ce parti au No 13. « Je ne suis pas un politique, mais un chanteur dévoué à la musique sacrée. D’autres le font mieux que moi et avec talent », nuance-t-il.

Mais dans les rangs du MSM, on ne l’a pas oublié.  Aussi, cette année, ce mois-ci, à l’occasion d’une fête, il est approché par Yogida Sawmynaden, qui lui propose de composer un morceau pour l’alliance morisien. « Je n’étais pas préparé à cela, cette rencontre était une pure coïncidence », assure-t-il. Mais, comme il épouse totalement la politique du MSM et « reconnaît les progrès accomplis depuis 2014 », il n’hésite pas une seconde à prendre la balle au bond. Comment va-t-il s’y prendre ?

« Comme dans toutes mes compositions, il faut une réalité et des faits qui me convainquent, je ne peux pas inventer. Ensuite, il faut faire passer l’émotion. Pour cette chanson de 2019, intitulée ‘Victoire pu l’alliance morisien’,  il y a un bilan de ce gouvernement qui s’impose naturellement. Mais je prends soin de ne jamais critiquer les adversaires », précise-t-il. Après être sorti du studio, il a remis la bande à un ministre,  qui l’a fait écouter à Pravind Jugnauth, leader de l’Alliance Morisien. « Il a du être satisfait et donné son feu vert pour l’impression des copies, parce qu’une semaine après, le même ministre m’a commandé une chanson pour la circonscription No 8, où  Pravind Jugnauth est candidat », explique-t-il. Sa chanson peut-elle influencer le choix des électrices et électeurs ?

« Oui, la musique peut agir sur les esprits grâce aux mots et à  l’émotion qu’elle dégage. Ce sont surtout les femmes qui sont plus sensibles aux paroles, et comme elles sont peu nombreuses à assister aux meetings, elles écoutent la chanson tranquillement chez elles. C’est là où la musique peut exercer une influence », fait-il ressortir. Et à la question de rémunération pour ses talents, il assure qu’il n’a rien demandé. « J’ai payé de ma poche la location du studio et le service des musiciens. »

Zul Ramiah (alliance nationale) : « La chanson politique est en appoint à l’action des politiciens »

Zul Ramiah
Zul Ramiah.

« La chanson ne contribue pas énormément à influencer les électeurs, elle est en appoint à l’action des politiciens », déclare Zul Ramiah, dont une composition intitulée « Bizin devir Zot », figure sur un CD sur lequel figurent trois autres chansons, celles de Wilson Felix, Harold Berty et Sam Valayden. Grand fan de Kishore Kumar dans les années 75, Zul Ramiah, figure connue de la chanson engagée et issue d’une famille très connue  dans la région de Bassin, a toujours estimé que la musique a aussi pour fonction d’éveiller les consciences.  « Mes valeurs sont la justice sociale, la fraternité, la solidarité et l’écologie.  J’essaie de les transmettre dans mes chansons, mais la musique est aussi un moyen de divertissement, avec une mélodie, j’essaie de réconcilier ces dimensions, mais je suis venue a la chanson engagée parce que j’étais fonctionnaire et je n’avais le droit de faire de la politique », explique-t-il.

En 1982, il signe sa première participation politique comme artiste en prêtant sa voix a une composition de Rama Poonoosamy, intitulée « La vie ki pe deroule » et en 2005, il reprend le morceau sous un autre titre, « Bizin sanzman », pour l’alliance PTr-PMSD-MR- Les Verts Fraternels. En 2019, il entre dans le même studio où, en 2014, il avait croise Saminaden Mootoosamy, pour signer  son titreà « Bizin Devir Zot ».

Véritable appel à renverser le gouvernement sortant, le titre cible en particulier la famille Jugnauth, que le chanteur estime incarner une véritable dynastie, avec des prétentions à diriger le pays de père en fils. « Navin Ramgoolam est rentré à Maurice en 1991 au moment où le PTr était au plus bas, alors que Joanna Bérenger a attendu des années pour apparaître publiquement, donner des interviews, elle est passée par toutes les étapes au sein du MMM. Pravind Jugnauth a eu un gouvernement des mains de son père. Comme un cadeau qu’un père fait à son fils. C’est digne d’une république bananière, dans aucune démocratie, on fait cela. C’est pour ça que je dénonce cette tricherie papa-piti », déclare-t-il.

Mais, dans le même souffle, il enchaîne  : « Les paroles ont une conséquence relative sur le choix des électeurs, ces derniers ont un manifeste électoral et des réunions pour être convaincus de faire le bon choix. Les chansons politiques servent à installer l’ambiance durant un meeting et, galvanisent les partisans et contribuent au message des politiciens sous une différente forme. Je n’ai pas cette prétention d’affirmer que je vais faire gagner les élections avec mes chansons », concède-t-il.

Après l’enregistrement du morceau, c’est au leader de l’Alliance Nationale, Navin Ramgoolam,  qu’il remet le CD.  « Je veux m’assurer qu’il n’y ait pas de travers dans les paroles, il faut qu’on se comprenne le sens des mots. C’est lui qui doit donner le feu vert au lancement officiel du titre », explique-t-il.  Plutôt que de parler de cachet, il dit qu’il obtient une rémunération qui le satisfait. « Je n’ai jamais quantifié le travail d’un artiste, même lorsque j’étais au ministère des Arts et de la Culture. C’est très difficile de mettre un prix sur une création artistique. Cela dit, je ne crois pas qu’un chanteur offre ses services gratuitement à un politicien, s’il ne reçoit pas d’argent, il y a une forme de deal », est-il convaincu.

 

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