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Sameer Sharma, économiste : «il n’y a pas de repas gratuit»

Au-delà de l’effet pour les emprunteurs, est-ce que cela aura un impact sur certains secteurs de l’économie ?

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En 2019, la dette des ménages mauriciens s’élevait à Rs 102 milliards et se situe aujourd’hui à Rs 170 milliards. Elle a grimpé en raison de l’inflation du prix des terrains, de l’augmentation des coûts de construction et des prix des denrées alimentaires, et compte tenu de la politique économique qui pousse les Mauriciens à consommer. Il s’agit d’une hausse massive de l’endettement des ménages afin qu’ils puissent continuer à financer la consommation et les achats immobiliers. Plus nous consommons dans un pays où nous importons la majeure partie de ce que nous consommons, plus la monnaie se déprécie, plus les importations, y compris celles liées à la construction, augmentent, et plus il faut s’endetter pour les financer. Nous avons donc une population plus endettée aujourd’hui et la vitesse de l’augmentation en cinq ans est spectaculaire par rapport à ce que nous avons vu depuis l’Indépendance.

L’action du gouvernement, dont les politiques de consommation et d’immobilier (ouverture de la banque foncière et du marché immobilier de plus en plus aux étrangers), en est la cause première. Ils voient donc la difficulté liée à l’endettement des ménages et veulent continuer à stimuler l’immobilier, tout en réalisant le problème d’accessibilité et d’endettement qu’ils ont créé. Cela explique pourquoi ils essaient d’offrir des prêts bon marché, parce qu’on ne peut même pas promouvoir la croissance au niveau national, avec le type de dette que nous avons. Le gouvernement est le meilleur ami du secteur immobilier et l’idée est de continuer à soutenir celui-ci.

N’aurait-il pas été mieux d’avoir pour ambition d’être un pays à revenu élevé que d’inciter des jeunes à démarrer leur vie d’adulte en s’endettant ?

Ce dont les Mauriciens ont besoin, c’est d’un plus grand nombre d’opportunités économiques au niveau local, grâce à un gouvernement qui promeut un environnement économique de concurrence libre et loyale. Le secteur privé est dominé par des oligopoles et de grandes entreprises qui exercent un contrôle quasi monopolistique dans certains secteurs, ce qui freine la création d’emplois, maintient les salaires à un bas niveau et freine l’innovation. Un paysage libre et équitable permettra de faire face à la concurrence. Il faut un meilleur système éducatif et un gouvernement qui crée un environnement propice à la croissance et joue le rôle d’arbitre équitable s’agissant de la gestion de l’économie. 

Nous avons besoin de réformes structurelles. Mais pour l’instant, il s’agit de populisme et le gouvernement se rend compte qu’il y a trop de dettes et que les prix des terrains et les coûts de construction sont inabordables. 

Le gouvernement est le meilleur ami du secteur immobilier et l’idée est de continuer à soutenir celui-ci"

Les « interest on loans » sont un des contributeurs de profits pour les banques. Ces dernières pourront-elles se projeter dans un avenir sans bénéfices sur les intérêts ?

Les grandes banques du pays gagnent aujourd’hui plus d’argent à l’étranger qu’elles n’en gagnent sur leur marché intérieur. Si un segment de leur marché intérieur est une source de perte de revenus, les banques veilleront à ce que l’autre section, par exemple les personnes plus âgées, paient davantage. Il n’y a pas de repas gratuit. On ne sait même pas comment le gouvernement paiera pour ces taux d’intérêt. Il est probable qu’ils fassent leur déclaration d’impôts par l’intermédiaire de l’administration fiscale mauricienne. Dans un pays aussi endetté que Maurice, nous ne faisons qu’alourdir le passif du gouvernement, ce qui a bien sûr des conséquences sur la valeur de la monnaie. Plus nous continuons à vivre au-dessus de nos moyens à travers des politiques populistes, plus la monnaie se dépréciera. Les prix des terrains augmenteront en raison de l’inflation et il faudra s’endetter davantage. Il aurait été plus intelligent de donner aux Mauriciens plus d’emplois dans un pays où les nouveaux investissements et les entreprises se développent et d’améliorer l’éducation plutôt que de transformer l’ensemble de la population en une population qui a besoin de l’aide de l’État.

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