
Depuis que le ministre des Finances a annoncé que l’âge d’éligibilité à la pension de vieillesse est repoussé à 65 ans, la polémique enfle. C’est le buzz sur les ondes des radios privées, dans la presse écrite, mais surtout sur les réseaux sociaux. Principal grief : l’exemple doit venir d’en haut. Le public estime qu’il faut cesser avec les salaires mirobolants, les avantages et la pension des élus.
Si l’on se fie aux chiffres (pas mis à jour en 2024), l’enveloppe de cette pension, qualifiée de manne tombée du ciel, dépasserait Rs 120 millions annuellement. Répartis parmi plus d’une centaine d’anciens parlementaires à la retraite.
Dans de nombreux pays, ils imposent un âge minimum pour en bénéficier. À Maurice, il n’y a pas de limite d’âge.
Exemple : un ministre peut espérer toucher une pension de Rs 70 000 par mois. Cette loi sur les allocations de retraite de l’Assemblée nationale date de 1976. Cette loi permet aux élus de bénéficier d’une pension après deux mandats, consécutifs ou non, et peu importe leur durée. Cette loi a été modifiée en 1996 pour permettre à des parlementaires élus en 1967 et qui ont servi jusqu’en décembre 1976 d’être éligibles à une pension. Grâce à cet amendement, ces députés ont été reconnus comme ayant accompli deux mandats, malgré le report des élections en 1972.
Après leur deuxième mandat, les élus ont deux choix : une pension complète ou un paiement forfaitaire (lump sum) et une pension réduite. Le calcul de la pension est basé sur le nombre de mois passés à l’Assemblée nationale, avec un maximum de 180 mois. Ainsi, plus un élu a été présent à l’Assemblée nationale, plus sa pension sera élevée. Des parlementaires élus en 2019 expriment un sentiment d’injustice, car leur mandat a pris fin en novembre 2024 sans qu’ils aient bénéficié d’une révision salariale. Ces parlementaires, confrontés à la hausse du coût de la vie, n’ont pas reçu d’ajustement de leur salaire. Il est aussi intéressant de noter que si un parlementaire décède en fonction, sa famille reçoit un montant équivalent à la pension annuelle qu’il aurait perçue. Le Premier ministre perçoit un salaire annuel d’environ Rs 7 millions, tandis qu’un député touche environ Rs 159 000 par mois avec divers privilèges. Sans compter les Rs 14 100 pour un clerk.
Pour les ministres, leur rémunération et les allocations de carburant, de loisirs et de duty-free s’élèvent à approximativement Rs 2 millions par an. Un ministre, dont le salaire est de Rs 330 000 par mois, perçoit un per diem selon le pays qu’il visite.
Voici le calcul qui fâche
Le calcul de la pension est basé sur le nombre de mois passés à l’Assemblée nationale, avec un plafond de 180 mois. En d’autres mots, plus la présence a été longue, plus la pension sera importante, selon un document officiel.
Les options pour les parlementaires qui ont obtenu deux mandats.
Option 1 : (Retraite sans Lump Sum)
- Député : Rs 25 000
- PPS (Junior Minister) : Rs 50 000
- Ministre : Rs 70 000
Option 2 : (Retraite avec Lump Sum)
- Député : Rs 18 000
- PPS (Junior Minister) : Rs 35 000
- Ministre : Rs 50 000
- Montant de la Lump Sum
- Député : Rs 1 000 000
- PPS : Rs 1 800 000
- Ministre : Rs 2 500 000
Reeaz Chuttoo : « C’est immoral »
Le gouvernement repousse l’âge d’éligibilité à la pension de retraite à 65 ans et demande à la population de faire des efforts. Le syndicaliste Reeaz Chuttoo qualifie « d’immoral » ce que fait le gouvernement.
« Certains parlementaires, pour ne pas dire la plupart, ont deux emplois. Ils sont députés et ont leur business ou leur emploi. Les travailleurs manuels, les femmes au foyer, les ouvriers des usines doivent se casser les reins jusqu’à 65 ans pour avoir droit à une pension dite universelle. C’est immoral de la part de ce gouvernement ». Le président de la confédération des travailleurs du secteur privé s’insurge contre certaines personnalités « qui ne méritent même pas une roupie de pension et qui se voient offrir des dizaines de milliers de roupies mensuellement parce qu’elles auraient servi pendant une courte période, comme l’ex-président de la République, les vice-présidents de la République.
C’est comme ci on les remerciait d’avoir servi leur parti. Il en est de même pour Navin Ramgoolam et surtout Paul Bérenger qui n’a aucun portefeuille et qui a une cohorte de conseillers ».
Reform Party : un affidavit juré
Pour montrer leur sérieux, les dirigeants du Reform Party ont juré un affidavit dans lequel le parti promet de mettre en œuvre les 80 points de son manifeste électoral, dont la réduction de leurs salaires.
Pour Ryad Subratty, secrétaire général du Reform Party, plus le mandat est court pour un élu, mieux c’est pour ses poches. Il lui suffit d’avoir un deuxième mandat pour être éligible à une pension. Il cite l’exemple Adrien Duval, qui a été Speaker et qui a présidé les travaux parlementaires durant quatre séances. Il aura droit à une pension, car il a un précédent mandat.
« C’est un système injuste. Il y a aussi le vice-président de la République qui touche après ses fonctions officielles une pension dépassant Rs 200 000 par mois. Il bénéficie de l’assistance de la Very Important Person Security Unit pendant la vice-présidence. Le gouvernement loue une maison à quelque Rs 100 000 par mois pour les fonctions officielles. C’est inadmissible, il faut arrêter avec ces largesses. »
Mandat après mandat, le pactole devient plus conséquent
Ils sont nombreux, parmi les ex-parlementaires, à estimer qu’il faut revoir le système. Toutefois, personne ne souhaite son abolition, car cela les avantage tous.
Une précision importante, donnée par un ancien parlementaire et qui s’éloigne de la situation des fonctionnaires percevant le BRP tout en touchant leur salaire entre 60 et 65 ans : lorsqu’un élu ou ministre a accompli deux mandats et n’est plus membre de l’Assemblée nationale, il a droit à une pension. S’il se représente et est réélu, il ne percevra alors que son salaire de député ou de ministre pendant son mandat en cours.
En revanche, à la fin de ce mandat, s’il est à nouveau candidat et réélu, sa pension sera calculée sur l’ensemble de ses trois mandats, même non consécutifs. Ainsi, plus le nombre de mandats augmente, plus la pension est élevée. Par ailleurs, un ex-parlementaire peut choisir de recevoir en une seule fois (« lump sum ») la totalité des contributions qu’il a versées. Dans ce cas, il ne bénéficiera pas d’une pension mensuelle. Il est également possible pour un parlementaire de ne pas participer au plan de pension.
Entre contributions et désillusions

Lui, c’est un vieux de la vieille. a siégé durant cinq mandats consécutifs comme député depuis 1995, sous les couleurs du MMM. « Ceux qui pensent à tort que les ex-élus roulent sur l’or avec leur pension à vie ne connaissent pas la réalité. Moi, je n’ai rien à cacher, car tout est officiel », affirme cet ex-élu de la circonscription no 1.
Il tient à apporter une précision : « Cette pension à vie que je perçois, j’ai contribué à hauteur de 6 % du total de mes allocations durant cinq mandats consécutifs en tant que simple député ». Et combien touche-t-il chaque mois, et ce jusqu’à la fin de ses jours ? « Je perçois quelque Rs 35 000 et des poussières mensuellement. Et j’ai contribué environ Rs 3 000 par mois à un autre fonds pour qu’à ma mort, ma femme puisse percevoir une pension à vie, même minime. »
Lui aussi trouve illogique que les parlementaires qui n’ont fait qu’un seul mandat, et qui ont pourtant contribué 6 %, n’aient droit à aucune pension. « C’est injuste, et j’ai en tête quelques camarades, dont Gérard Grivon et Sheila Grenade. Ils ont contribué pour grossir les caisses de l’État. »
Et qu’en est-il des avantages et autres bénéfices ? À cette question, Jean-Claude Barbier précise : « De mon salaire d’environ Rs 70 000 par mois, je devais payer le salaire du Constituency Clerk. Quant aux allocations pour l’essence, le téléphone fixe ou encore les timbres-poste gratuits, elles ont été supprimées et remplacées par une Facilities Allowance, ainsi qu’une allocation de Rs 8 000 pour un chauffeur, ce qui n’est pas suffisant ».
Concernant la voiture hors-taxe, l’ex-député tient à clarifier : « Le député est uniquement exempté du Customs Duty. Par exemple, si les droits de douane (« duty ») sont de 10 %, on ne le paie pas. Plus ces droits sont élevés, plus le prix de la voiture baisse proportionnellement au montant du Customs Duty applicable. Mais attention, sur un 4x4, le Customs Duty reste de 10 %, auquel s’ajoute la TVA de 15 %, qui reste due dans tous les cas ».
Pas d’augmentation sous la Covid-19
Les parlementaires élus depuis 2019 estiment être pénalisés. Leur mandat a pris fin en novembre 2024, mais ils n’ont bénéficié d’aucune révision de leurs salaires. Quelle en est la cause principale ? Le gouvernement n’a pas amendé la National Assembly Allowances Act. Habituellement, une fois le rapport du Pay Research Bureau (PRB) publié, il est d’usage que les autorités procèdent à des amendements pour une augmentation des salaires des parlementaires. Les hausses varient selon les postes occupés. Or, le rapport du PRB a été publié en octobre 2021. Avec la pandémie de Covid-19, un gel des salaires a été instauré pour les parlementaires. Ils attendent désormais la décision du Premier ministre pour une réparation à leur égard.
Cotiser 6 %, mais dépendre de la pension universelle
Examinons le cas spécifique de cet ex-parlementaire et ancien ministre. La loi régissant les allocations à vie prévoit qu’un élu ayant accompli deux mandats, même non consécutifs, bénéficie d’une pension à vie. Celle-ci correspond à un pourcentage de son salaire le plus élevé lorsqu’il était en fonction. Il est vrai que cette pension à vie est contributive à hauteur de 6 % du salaire mensuel, au même titre que les fonctionnaires tombant sous le Pay Research Bureau.
Toutefois, l’anomalie viendrait de ceci : bien que ces élus d’une fois contribuent pendant 60 mois à hauteur de 6 % de leurs salaires, une fois qu’ils ne seront plus candidats ou élus, ils ne recevront aucune compensation. Ils ne bénéficieront même pas d’un remboursement de leur contribution versée pendant ces 60 mois.
Cet ex-ministre témoigne sous le couvert de l’anonymat : « J’ai été ministre de 1995 à 2000 et je n’ai fait qu’un mandat de cinq ans et j’ai contribué 6 % de mes allocations durant cinq longues années au Consolidated Fund du gouvernement. Maintenant que je ne suis plus parlementaire, non seulement je ne reçois aucune pension, mais on ne me rembourse même pas ma contribution de 6 % pendant 60 mois. Ce n’est pas logique ».
En fait, cet ex-ministre dépend de la pension universelle. Il confie : « Depuis 2014, je vis au jour le jour, je me débats. J’ai pu avec mes économies financer les études de mes deux enfants. La vie n’a pas été facile pour moi. Tout est cher. Heureusement que je mène une vie toute simple, pas de fla-fla ».
Sa déception et le traitement cavalier qu’il estime avoir subis de la part de ceux qui ont pris une telle décision rejoignent le ressenti d’autres anciens élus dans la même situation, pour ne pas dire dans le même pétrin. D’où l’appel de ces ex-parlementaires pour une révision du système : selon eux, la pension aurait dû être calculée en fonction des contributions de chacun, et non uniquement sur les derniers salaires perçus en fonction.
Un ex-parlementaire répond aux internautes : « Toute pension est à vie »
La polémique sur les réseaux sociaux sur la pension à vie qu’obtient tout ex-parlementaire ayant fait deux mandats, même pas consécutifs, est pour cet ex-élu un faux débat. Car toute pension est à vie et celle des ex-députés est contributive et elle n’est pas offerte en cadeau pour services rendus.
Un ex-député mauve à la retraite a voulu témoigner. Il dit qu’il ne comprend pas le tollé soulevé par le fait que des parlementaires qui ont fait deux mandats puissent avoir une pension à vie quand ils ne sont plus députés.
« Contrairement à la Basic Retirement Pension (BRP) universelle, la pension à vie de tout ex-parlementaire qui a eu deux mandats est contributive et il a parfaitement et légalement le droit d’en bénéficier », dit l’ex-parlementaire.
Il explique comment le concept de cette pension à vie a pris naissance sous sir Seewoosagur Ramgoolam, Premier ministre en 1976. « Quand SSR en 1976 a introduit la pension à vie, l’idée était d’assurer une bonne retraite aux élus après avoir servi le pays. Or, au sein du Mouvement militant mauricien (MMM), tous les élus avaient refusé cette offre, jugeant qu’on ne pouvait prendre l’argent public sans rien donner en retour. Des années après, il y a eu des amendements apportés au concept de pension à vie et les parlementaires participent à un pourcentage de leurs salaires mensuels à cette pension. La pension est devenue dès lors contributive et, au sein du MMM, on a adhéré à l’idée d’accepter cette contribution. »
Rs 35 000 comme pension après quatre mandats
Ayant fait plusieurs mandats d’affilée, cet ex-député explique que tout le monde pense qu’il touche un sacré pactole à chaque fin de mois depuis qu’il n’est plus actif au sein de l’Assemblée nationale. « Savez-vous combien je touche ? Rs 35 000 par mois comme ancien député ayant servi mon pays durant une vingtaine d’années, est-ce cher payé ? », demande-t-il.
Cet ex-parlementaire tient à préciser qu’il aurait touché beaucoup plus s’il avait suivi sa première voie professionnelle. « Je me préparais à aller entreprendre des études en droit, mais j’ai choisi de rester au pays et de me porter candidat. Parmi le batch qui allait en Grande-Bretagne figuraient des Mauriciens qui ont fait carrière dans la magistrature et qui sont devenus des ténors du barreau et qui vivent d’une pension royale et méritée aujourd’hui. C’est ce qu’on appelle Opportunity Cost que j’ai perdu et on me reproche de toucher une pension à vie de Rs 35 000 mensuellement ? Peut-on vivre décemment avec cette somme ? D’ailleurs, je ne l’ai pas volée cette pension, j’ai bossé dur et j’y ai contribué durant quatre mandats. »
À l’époque, un élu percevait Rs 3 500 par mois. « J’étais enseignant et je touchais Rs 900 mensuellement en plus de mon salaire de Rs 3 500 comme député et je devais contribuer Rs 1 000 au parti, faites le compte et vous constaterez que, comme tous mes camarades, on ne roulait pas sur l’or, car on contribuait 6 % de nos salaires d’élus tous les mois ».
Pour lui, tout ce ramdam autour de cette pension à vie des ex-parlementaires n’est qu’un faux débat.
Un mandat, zéro pension
Quelques ex-élus ne bénéficient pas d’une pension à vie. Parce qu’ils n’ont eu qu’un mandat. Leur contribution durant leur unique mandat ne leur sera pas restituée (voir encadré plus loin sur le sort d’un ex-ministre avec un seul mandat forcé de survivre avec une simple Basic Retirement Pension).
Tous les parlementaires doivent contribuer les 6 % de ses allocations durant les 60 mois (dépendant de la durée du mandat) qu’ils ont servi à l’Assemblée nationale. Car la pension des élus est contributive, selon les Standing Orders.

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