Economie

Salaire minimal: Une bonne idée ?

Thème de campagne, le salaire minimal figure parmi les douze priorités de l’alliance au pouvoir. Un comité y travaille. Quelles pourraient en être les retombées ? S’il est bénéfique à l’économie, il comporte cependant des désavantages. Le gouvernement est résolu à introduire le salaire minimal promis sur les caissons des meetings. Il a agréé à la mise sur pied d’un ‘National Wage Consultative Council’. Cette instance aura des consultations avec toutes les parties concernées et soumettra ses recommandations au ministère du Travail. Il déterminera non seulement le salaire de base qui devrait être introduit à Maurice, mais aussi le salaire minimum pour différents types d’emplois, y compris les stages. Il s’appuira certainement sur une étude faite par un consultant de l’International Labour Organisation (ILO), François Eyraud, sur l’introduction d’un salaire minimal. Le salaire minimum est la rémunération minimale qu’un employeur doit attribuer à un employé pour un travail. Il vise à garantir un niveau de revenu aux employés et ouvriers. La logique d’un salaire minimal s’inscrit aussi dans le contexte de la lutte contre la pauvreté. Il faut souligner que le salaire minimum engendre toujours des débats, et est loin de faire l’unanimité entre économistes ou même syndicalistes et patronat. Car il a ses avantages et ses inconvénients.

Il booste la productivité

L’objectif du salaire minimal est d’améliorer l’équité et de soutenir les travailleurs peu qualifiés. Il peut accroître l’équité en relevant les bas revenus, et inciter les personnes en marge du marché du travail, notamment les moins qualifiées, à rechercher un emploi. « Sur le plan économique, les ménages les plus modestes seraient les premiers à en profiter, ce qui a un effet multiplicateur sur l’économie, car l’excédent monétaire injecté crée de la demande et stimule l’activité économique. La propension à consommer de ces travailleurs étant plus importante que la moyenne, l’augmentation de leurs revenus se répercuterait presque intégralement dans la demande », explique l’économiste Arvind Nilmadhub. Un salaire minimal peut également motiver les travailleurs, booster la productivité, contribuer à favoriser la croissance économique avec un PIB plus fort et aller dans le sens d’un pays à hauts revenus. Indirectement, il incite les travailleurs à devenir plus performants, en saisissant des opportunités de développement personnel, comme les formations, etc. Le salaire minimal révolutionnera le marché du travail et les droits des travailleurs seront respectés, car il mettra fin à l’exploitation.

Il gonfle les coûts

Le salaire minimal comporte aussi des désavantages. Cela peut affecter les entreprises, surtout les petites et moyennes, si elles voient leurs coûts augmenter. Du coup, elles risquent de ne pas recruter, ce qui augmenterait le chômage. Il y a aussi un risque de licenciements si des entreprises ne peuvent tenir le coût. Avec un salaire minimum supérieur à ce qui se pratiquait avant, les coûts d’opérations des entreprises augmenteront de plusieurs façons. D’abord, il faut payer plus, et si la productivité n’augmente pas et les revenus stagnent, l’entreprise se retrouvera en difficulté. Ensuite, les cotisations sociales et les prélèvements obligatoires (comme la contribution au NPF, etc.) s’appliquent au nouveau quantum. Un salaire minimum trop élevé risque aussi d’affecter les gens les plus vulnérables et qui sont bien moins qualifiés que l’activité économique et la compétitivité, car ils ne pourront se faire embaucher. Avec un salaire élevé, les attentes des employeurs seront grandes et les travailleurs devront « deliver ». Le salaire minimal peut déstabiliser les forces des marchés qui sont plus aptes à réconcilier l’offre des talents et la demande. Le Prix Nobel d’économie Gary Becker a écrit qu’« augmenter le salaire minimum, c’est augmenter le chômage ». Il ajoute que les travailleurs peu qualifiés seront les premières victimes de ces hausses du salaire minimum : « Un salaire minimum plus élevé réduira encore les occasions d’emploi des travailleurs peu qualifiés ». Pour les économistes, il existe d’autres moyens plus efficaces d’assurer la redistribution des revenus dans l’économie.

Hausse des travailleurs étrangers

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"1689","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-large wp-image-707","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"960","height":"540","alt":"Travailleurs \u00e9trangers"}}]] À Maurice, bon nombre de prestations sociales sont liées au montant du salaire. Par exemple, le remboursement des frais d’examens des enfants, l’admissibilité aux emprunts à taux préférentiels pour le logement, les subventions du gouvernement pour le coulage des dalles, l’allocation des logements sociaux, etc. Le réalignement du niveau des salaires avec un salaire minimum affectera ces prestations et bénéfices. Il y aura des répercussions même au niveau du fisc. Dans les pays développés, l’existence du salaire minimum peut encourager des entreprises à avoir recours à des travailleurs étrangers qui sont embauchés illégalement et qui acceptent d’être payés moins que prévu par la loi. Il y a un risque que ce phénomène se manifeste chez nous également, où d’ailleurs on entend souvent des cas d’exploitation de travailleurs étrangers. Un salaire minimal peut avoir un impact sur la compétitivité internationale de certaines de nos activités exportatrices, comme le textile ou le BPO. En revanche, il peut aussi forcer les entreprises à se restructurer pour devenir plus compétitives. [row custom_class=""][/row]

Amar Deerpalsing: « Le salaire minimum existe déjà »

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Le président de la Fédération des Petites et moyennes entreprises (PME), Amar Deerpalsing, estime que le concept de salaire minimum existe déjà, avec les ‘National Remuneration Orders’ fixant le salaire des employés dans plusieurs secteurs. « Les entreprises sont tenues de respecter ces ‘Orders’ et il y a des sanctions dans le cas contraire. Les ‘Remuneration Orders’ ne sont pas qu’une question de salaire. Les entreprises doivent respecter plusieurs facteurs, notamment les conditions de travail, l’aspect sécurité, les congés, les horaires, le bien-être des employés, la date du paiement des salaires, les cotisations sociales, etc. Il y a tout un arsenal légal pour protéger les intérêts des travailleurs », explique-t-il.
Il dit ne pas comprendre l’exercice qui consiste à  déterminer un salaire minimum. « C’est un ‘non-event’. Il n’est pas clair si l’exercice remplacera les NRB. Le salaire minimum n’est pas tout ce dont le travailleur a besoin. » À notre question, si une éventuelle hausse du salaire minimum impactera sur les PME, il dit que les entreprises peuvent être affectées par une hausse de coûts engendrés par une hausse salariale. « Dans certains cas, avec une hausse, l’employé peut se retrouver sans emploi si l’entreprise est dans l’incapacité de payer. Bien sûr, il faut attendre pour voir l’impact. »
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Dans le monde

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De la Grèce aux États-Unis, en passant par la Chine ou l’Allemagne, de nombreux pays ont mis en place un salaire minimum. Celui-ci garantit un certain niveau de revenu aux employés, mais il n’est pas partout calculé de la même manière. Certains pays, comme la France ou les États-Unis, définissent un taux horaire qui doit être multiplié par le nombre d’heures effectuées dans le mois pour obtenir un équivalent mensuel. D’autres le calculent sur une base hebdomadaire (comme les Pays-Bas) ou mensuelle (comme l’Espagne ou le Luxembourg). Le salaire minimum peut également être national ou régional, comme c’est le cas dans les grands pays comme les États-Unis, le Canada ou la Chine, où le montant est différent d’un État ou d’une province à un(e) autre.
Au sein de l’Union européenne, 21 pays ont adopté un salaire minimum. Les pays de l’UE qui n’ont pas de salaire minimum sont l’Autriche, le Chypre, le Danemark, la Finlande, l’Italie et la Suède. Dans ces pays et dans les pays européens non-affiliés à l’UE, comme la Norvège et la Suisse, le versement du salaire minimum est laissé à la discreetion de l’employeur et/ou des syndicats. Un salaire minimum a été institué pour la première fois en 1894 en Nouvelle-Zélande, suivie quelques années plus tard par l’Australie. Aux États-Unis, un salaire minimal existe depuis 1938.
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