Saison hippique : l’homme qui fabrique les casaques des jockeys

Vous connaissez le film « L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux », de Robert Redford ? Ici, c’est l’histoire d’un homme qui confectionne les casaques que portent ceux qui pilotent des chevaux… De fil en aiguille, il nous raconte le cheminement de ces vestes en soie qui habillent les jockeys.

Malgré la chaleur moite qui pèse sur la capitale, des hommes et des femmes avancent d’un pas pressé. Un parfum de briani flotte dans l’air. à quelques mètres de la cathédrale St-Louis, les machines à coudre, les paires de ciseaux et les ballots de tissus règnent en maître dans l’atelier Affejee.

Des bouts de tissus sont éparpillés. Dans cet atelier de couture connu pour son travail « soigné », de nombreuses personnes font le va-et-vient entre les morceaux de tissus, alors que la musique coule à flots et masque quelque peu le crissement des ciseaux.

Installé là depuis plus de 70 ans, l’atelier Affejee n’est pas un atelier comme les autres. Sa particularité : on y confectionne des casaques pour jockeys. Il s’agit de la partie supérieure de la tenue du jockey et elle fait partie intégrante du folklore hippique à Maurice.

Elle est portée avec des leggings et une toque. Les casaques, de couleurs vives, attirent invariablement les regards des turfistes et du public. Elles servent notamment à reconnaître une écurie dont elles affichent les couleurs.

50 ans d‘expérience

Son mètre autour de la nuque, Shareef Rusmally, l’expert en casaques, confie : « J’ai 50 ans d’expérience dans la couture. Il me faut deux jours pour confectionner une casaque simple, alors que les plus sophistiquées demandent une ou deux semaines, selon le modèle. Plus une casaque est compliquée, par exemple avec des étoiles et des bandes multicolores, plus il faut du temps pour la réussir. »

Pendant son demi-siècle de carrière, Shareef indique que « son chef-d’œuvre » a été la confection de la casaque d’African Ambassador, qui lui a demandé environ une semaine.
Les casaques sont cousues dans un tissu spécialement conçu, doux au toucher et aussi léger qu’un sac en plastique.

« C’est une toile compliquée à manier sur la machine et la couture n’est pas facile. Il faut que la casaque soit confortable, tout en garantissant la liberté de mouvement du jockey. Elle ne doit pas dépasser les 100 grammes pour ne pas ajouter au poids du jockey et ainsi faciliter la course du cheval », explique Shareef.

En premier lieu, il faut tailler la forme de la casaque sur de la toile, d’après le modèle envoyé par le Mauritius Turf Club, précise Shareef. Ensuite, il faut la coudre minutieusement à la machine afin de ne pas l’abîmer avant la confection finale. Avant et durant la saison hippique, les jockeys viennent essayer leurs casaques afin que Shareef s’occupe des ajustements si besoin est. Et la saison hippique 2018 ne fait que commencer...

Mahmood Pookhan : « J’arrive toujours à livrer les commandes à temps »

L’atelier Affejee ne confectionne pas que des casaques, mais également d’autres vêtements, comme des costumes. C’est tout sourire que Mahmood Pookhan, le gérant, nous accueille. Il explique que la rigueur est de mise, car il doit veiller à ce que ses clients soient satisfaits.

Mahmood Pookhan affirme qu’il se fait un devoir de livrer les vêtements à temps et qu’il parvient toujours à le faire. Quand nous l’avons rencontré, il s’affairait aux derniers ajustements et aux essayages pour le complet d’un futur marié.

Swapneel Rama : « Pas de préférence… »

Un jockey qui monte en course doit absolument porter la casaque qui représente son écurie afin de se distinguer des autres. Chaque écurie a une couleur et un style de casaque spécifique.

Le jockey mauricien Swapneel Rama explique qu’en général, une casaque est très confortable, mais il arrive parfois, en période de forte chaleur, que la matière s’échauffe. « Il faut faire avec. Tout au long de ma carrière, j’ai tellement monté pour plusieurs écuries que je ne peux dire que j’ai une casaque préférée », confie-t-il.

Écurie Gujadhur : cela va de… soie

Les turfistes locaux reconnaissent la casaque de l’écurie Gujadhur entre 1 000 ! Datant de 1904, elle est la plus vieille écurie du turf mauricien. Bleue et sertie d’une écharpe rouge, elle représente un « sacred thread ».

Cette casaque symbolise le succès, l’émotion et l’histoire de la famille Gujadhur. Elle a été portée par des jockeys de renom, dont le Mauricien Rye Joorawon, Noël Callow, Jeffrey Lloyd et Imran Chisty. C’est l’atelier Affeejee qui confectionne les casaques de l’écurie Gujadhur depuis plus d’un demi-siècle.

Pour la petite histoire...

Le style d’une casaque doit être une exclusivité pour son écurie. Khalid Rawat, Deputy General Manager/assistant secrétaire du Mauritius Turf Club (MTC), explique qu’avant l’invention de la casaque, les jockeys portaient des jackets (NdlR : veste). Mais même si elles étaient élégantes, ces vestes étaient beaucoup moins légères que les casaques.

Les couleurs et les modèles de casaques doivent être aux normes de la Fédération hippique internationale. Une instance régulatrice veille à ce que les casaques ne soient pas similaires. Au MTC, tout est fait pour qu’aucune casaque ne ressemble à une autre, explique Khalid Rawat.

Les propriétaires de chevaux désirant obtenir une casaque doivent au préalable informer le MTC de sa couleur et de ses motifs. S’il n’y a pas de problème, le MTC accédera à leur demande. Dans certains cas, le MTC peut proposer des modifications à être apportées, indique Khalid Rawat.

Le modèle de casaque doit être officiellement déclaré afin que personne ne le copie. « On ne peut pas mettre n’importe quel motif sur la casaque. Certains motifs ne sont pas acceptés. Par exemple, parmi les motifs acceptés par le turf international, on retrouve les étoiles et les bandes en forme de diamant », explique Khalid Rawat.

Il se peut aussi qu’il y ait deux ou trois casaques portant la même couleur et les mêmes motifs dans une course. On peut alors différencier les coursiers grâce aux toques des jockeys.

Par Jane Chamroo / Vaneeda Rungapadiachy