Il a pour mission de rendre ce qu’il a reçu. Donnant donnant. C’est le signe d’un vrai scout, mais qui ne l’a jamais été. Ruben est de ceux qui croisent votre vie et qui vous soufflent à l’oreille un petit mot, tendre et gentil. Cela vous paralyse, parce que cet homme est un vrai Mauricien.
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Né dans une cité qu’on ne présente plus avec le fléau de la drogue et ses problèmes, il est issu dans une fratrie avec une mère au foyer et un père fouettard ‘attendant’. « Mon papa était comme un Hitler tout craché, pas question d’aller à droite ou à gauche, il fallait aller là où il le voulait, sinon, ‘barré la caisse’ », nous dit Ruben tout sourire.
En fait, dans la famille, chacun pouvait faire ce qu’il voulait, « mais faire li bien ». Ainsi, Ruben s’est lancé dans la comptabilité, il a fait son ACCA, puis un BSC en Management, ensuite il a fait sa route tout en n’oubliant pas ses racines. « La base d’une vie est une plante profondément enracinée dans nos origines. Je viens d’une famille modeste et je vis modestement jusqu’à maintenant et j’en suis fier », lâche Ruben.
Depuis, tout directeur d’une entité de la SICOM qu’il est devenu, il se comporte comme un gentleman vis-à-vis de ses subalternes. « Il ne sert à rien de crier, de piaffer, il suffit d’avoir une approche humaine, de dialoguer, de tendre l’oreille et le problème est réglé, il faut juste prendre de la hauteur, c’est une philosophie de la vie, ‘pas bizin tape lestoma’ ».
Cet homme, qui porte veste et cravate, n’est pas peu fier d’avoir un frère tôlier spécialiste, un autre bijoutier, lui qui a épousé les chiffres alors que le pater était ‘atttendent’, nous dit que c’est sa foi dans l’homme qui l’a poussé vers le social. « J’ai réalisé que la vie des autres a besoin d’être guidée, c’est pour cela que j’aide du mieux que je puisse, j’organise avec l’aide de mes camarades des programmes culturels pour la sauvegarde de notre culture tamoule, mais aussi des sessions de musique classique pour les jeunes, leur apprendre les instruments de musique pour les inciter à ne pas aller vers des fléaux de la société ».
Il n’y a plus cette culture d’entraide, les jeunes ne pensent qu’à eux»
C’est quoi cette idée folle comme celle qui a inventé l’école, nous diraient les plus paresseux d’entre nous ?
La réponse ? Toute simple. « Notre groupe a créé une école de musique qui tient compte des besoins de nos jeunes. Il y a l’harmonium, le tabla, le vocal karnatik, le barat natyam, le veenai, le violon et d’autres encore. Si un jeune s’intéresse à l’art, à la peinture, à la musique classique, il ne verra pas les fléaux comme un aimant, au contraire, il deviendra presque un sage dans sa tête, un être aimant », nous dit Ruben.
Ruben a grandi parmi ce petit peuple renfermé sur lui, avec ses petites manies, ses caprices, ses lobbies, ses envies, son penchant politique tantôt rouge, tantôt blanc, ou alors un ‘cari mélanze politik’, là où la balance est favorable. « Toujours est-il que mon papa s’est toujours fait un devoir d’être au-delà de toutes ces configurations, il a toujours été droit, sévère envers ses enfants et je lui en suis reconnaissant pour ce que je suis devenu aujourd’hui », nous clame Ruben.
Père de trois enfants, Vellen, 18 ans, Mayuri, 16 ans, et Mannan, 7 ans, Ruben est marié à Selvy, il détient un ACCA Level 4 et un MBA de Surrey University. Il jette un regard assez navrant sur la drogue synthétique et les jeunes. « Auparavant, quand on voyait un vieux transportant difficilement sa tente bazar, on se pressait pour l’aider, mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est triste et grave. Il n’y a plus cette culture d’entraide, les jeunes ne pensent qu’à eux, ils veulent tout avoir sur un plateau et ne font pas d’efforts. Il y a un recul des valeurs, une absence de respect ».
Ruben est de ceux qui s’accrochent au passé, au sien, à ses parents, à son pays, d’où son engagement à se battre pour perpétuer la culture mauricienne, puis celle des Tamouls, puis la musique, la danse, le show. Pour lui, « il faut que je retourne l’ascenseur, la perche qu’on m’a tendue dans la vie pour être le financier que je suis là où j’exerce avec joie. Je suis comblé quand j’ai pu servir, quand j’ai pu donner sans ne rien attendre en retour (dixit Florent Pagny), car donner c’est servir avant tout et non pas voir dans l’autre qu’il va vous retourner quelque chose. Quand on donne, on le fait avec joie, ‘le ker kontan’ ».
Ruben aime faire plaisir, même s’il tend à se complaire à des shows spécialisés et autres entreprises sociales. Il est de ceux qui auraient pu tirer la chasse d’eau, porter des visières et ne penser qu’à lui et à sa petite famille. Il le pourrait royalement, s’il le voulait. Mais, non, ses racines, il ne les a pas oubliées. Il demeure ancré dans le quartier, aux côtés de La Source où nichent encore ses parents. C’est pour cela que l’incendie qui a frappé la Cathédrale de Notre-Dame de Paris l’a profondément touché. Il est un homme de cœur, qui chavire au moindre souffle de vent.
Maxime Le Forestier chantait qu’on ne choisit pas ses parents, ni l’endroit où l’on est né. Ruben Chadien est un homme simple, un Mauricien. Comme on n’en fait pas à la pelle. Malheureusement.
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