Interview

Roubina Jadoo-Jaunbocus : «J’ai rencontré ces trafiquants pour la révision de leurs peines»

La députée orange du n°2 se dit victime d’une machination. Elle affirme avoir été sollicitée par des trafiquants condamnés il y a 20 à 30 ans, pour que leurs peines soient réduites.

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Un mini-remaniement est intervenu au sein du gouvernement la semaine dernière. Est-ce que votre éventuelle convocation par la Commission d’enquête sur la drogue vous aurait privé d’un poste de ministre ?
Je n’ai reçu aucune convocation de la Com-mission jusqu’à présent. J’ignore aussi si elle va me convoquer. Je ne peux donc pas vous en dire davantage là-dessus. Quant à une nomination comme ministre, je ne vois pas d’où sort cette information bien qu’il est vrai que tout député aspire à être ministre. Je m’applique en tant que Parliamentary Private Secretary (PPS). Vallée-Pitot est un chantier à ciel ouvert. Des drains sont en construction à Tranquebar, alors que des routes sont réasphaltées au n°4. J’espère voir prochainement la réalisation d’un complexe sportif dans la circonscription n°2, notamment dans le Ward 4.

Vous avez dû apprendre que la Commission Lam Shang Leen s’intéresse aux avocats ayant rendu visite à des barons en prison…
Je n’ai rien appris du tout. Sauf qu’une campagne démagogique est menée dans les médias. Je m’aperçois, à ce stade, qu’il n’y a rien que des spéculations. Si la Commission compte me convoquer, je pense qu’elle devra en faire de même pour presque trois-quarts des membres du barreau mauricien.

La majorité des avocats ont dû, à un moment ou un autre, se déplacer jusqu’à la prison pour rencontrer leurs clients. Si un client demande à vous rencontrer à travers un Welfare Officer de l’administration carcérale, le devoir de tout avocat est de répondre présent en vertu de la Cab-Rank Rule. Qu’on soit rémunéré ou non.

L’opposition, surtout le PTr, est en train de paniquer. Pravind Jugnauth est un bosseur et il « mean business »

J’exerçais dans un cabinet londonien. Je pouvais être appelée devant la Old Bailey Court et un collègue devant la Magistrates’ Court l’instant d’après. Pour ce même travail, je pouvais toucher 1 000 livres, alors que lui devait s’accommoder avec 100 livres. Le Cab-Rank Rule est ainsi faite et l’on ne peut y déroger.

C’est vrai, j’ai rendu visite à des trafiquants de drogue en prison. Je ne comprends pas tout ce tapage fait autour de ma personne. Je ne l’ai fait qu’uniquement dans le cadre de leurs demandes pour une révision de leurs peines. Et ce, « pro bono », c’est-à-dire gratuitement.

Je ne les ai pas représentés lors de leurs procès. Ils avaient déjà été condamnés, 20, voire 30 ans auparavant. Ils ont décidé de faire appel à moi après que j’ai enclenché les procédures pour une révision de peine pour les frères Sumodhee dans le cadre de l’affaire L’Amicale.

Je n’étais même pas engagée en politique à l’époque. Je venais de travailler sur l’affaire Azaan (ndlr : l’appel à la prière par haut-parleur dans une mosquée de Quatre-Bornes). Les frères Sumodhee m’ont contactée. Ils m’ont expliqué qu’ils n’avaient pas de quoi payer mes honoraires et m’ont demandé si je pouvais quand même les représenter « pro bono ».

Après ce recours devant la Commission de pourvoi en grâce, avec plusieurs autres avocats, dont feu Guy Ollivry, nous nous sommes rendus à la prison pour écouter les doléances d’autres camarades d’infortune des frères Sumodhee. Mes services ont été retenus « pro bono » pour une motion d’une review of sentence, un point c’est tout.

Avocate pour trafiquants de drogue et politicienne, est-ce compatible ?
Je vous le répète. Mon travail auprès de mes clients consistait à enclencher les procédures pour une révision de peine. Je suis victime d’une machination pour démontrer je ne sais quoi. Une question avait été soulevée par Reza Uteem à l’Assemblée nationale à l’effet qu’une Parliamentary Private Secretary a rendu visite à des condamnés en prison. Un point que l’ex-Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, a démenti.

Je ne pratique plus depuis que j’ai prêté serment comme PPS. Je n’ai pas mis les pieds à la prison depuis ma prise de fonction. En fait, je ne m’y suis pas rendue depuis la dernière campagne électorale. Reza Uteem dit qu’il n’a jamais défendu un trafiquant de drogue, je dois lui poser cette question : quand une mandante en larmes vient solliciter votre aide pour faire libérer son fils sous caution parce qu’elle n’en a pas les moyens, que faites-vous ?

Moi, je ne peux lui refuser une aide. Laissez-moi toutefois vous dire que je refuse quasiment de défendre de gros trafiquants de drogue quand ils sollicitent mes services. C’est une question de principes. Une révision de peine, c’est différent. Surtout quand ces condamnés disent qu’ils sont des repentis.

Depuis que je suis députée à Port-Louis Sud/Port-Louis Central, j’ai organisé plusieurs sessions pour inciter des mandants à sortir de l’enfer de la drogue. Je suis victime d’une campagne et j’ai contacté des conseils légaux pour intenter des poursuites contre les auteurs.

Je n’accepte pas qu’on vienne me montrer du doigt alors que j’ai travaillé honnêtement. J’ai la conscience claire. Je me suis préparée à accepter des critiques lorsque je me suis engagée en politique. Il faut cependant qu’elles soient constructives et qu’elles ne soient pas au dessous de la ceinture.  Faire des amalgames est « cheap ». Pie ki gayn mang ki gayn cout ros.

Comment a été la réaction de la circonscription sur les circonstances entourant la nomination de Pravind Jugnauth comme Premier ministre ?
On n’a pas cessé de me poser la question de savoir quand il sera nommé Premier ministre…

À l’issue d’une élection ?
 Ils s’attendaient à ce qu’il soit nommé... D’ailleurs ils étaient nombreux à être descendus à Port-Louis pour être présents à la cérémonie de passation de pouvoirs.

Il y avait une maigre foule…
 Il y avait beaucoup de mandants du n°2. Pravind Jugnauth a fait ses preuves comme ministre de l’Agriculture, ministre des Finances et ministre de la Technologie, de l’innovation et de la communication. Il n’est pas devenu Premier ministre du jour au lendemain. Son dernier Budget en est la preuve.

Sa nomination ne risque-t-elle pas plutôt de propulser Navin Ramgoolam aux devants de la scène politique ?
C’est plutôt le contraire. L’opposition, surtout le Parti travailliste, est en train de paniquer. Pravind Jugnauth est un bosseur et il « mean business ». Il porte beaucoup d’attention sur le travail abattu par la National Development Unit et il a lui-même imposé des délais.

Le PMSD a démissionné du gouvernement et Roshi Bhadain a refusé d’en faire partie...
J’ai été surprise par Roshi Bhadain. Il avait été présent à la dernière réunion du Bureau politique du MSM et il semblait très « happy » que Pravind Jugnauth accède au poste de Premier ministre. Que s’est-il passé entre temps, nul ne le sait. Seul Dieu et Roshi Bhadain le savent.

Quant à Xavier-Luc Duval, je ne comprends pas sa posture. Les raisons de son départ semblent bancales. Il doit y avoir d’autres raisons, d’autant que c’est lui qui a présidé le comité ministériel sur le projet de loi sur la Prosecution Commission.

 

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