Richelieu : 55 tombes à déplacer pour une nouvelle route

Cinquante-cinq tombes situées au cimetière St-Georges, Richelieu, devront être déplacées pour laisser place à une voie de 12 mètres de large dans le cadre du projet Metro Express. Des corps enterrés depuis six mois devront être transférés. Les familles des défunts réclament des « explications » du ministère des Infrastructures publiques.

Ils l’ont appris dans la matinée du mercredi 10 octobre 2018. Le conseil de district de Rivière-Noire et l’inspectorat du cimetière de St-Georges, Richelieu, ont été informés par des officiers de la Road Development Authority (RDA) que 55 tombes devront être déplacées. Les officiers de la RDA ont fait une visite sur le terrain pour « finaliser » le tracé de la route à double sens qui sera bientôt réalisée.

Les tombes qui devront être déplacées « sous peu » contiennent les corps de défunts enterrés depuis des décennies ou quelques mois. Une enquête du Défi Quotidien démontre que les trois derniers défunts occupant ces fosses ont été enterrés il y a trois ans, un an et demi et six mois. Une douzaine de tombes « abandonnées » datant d’une cinquantaine d’années figurent aussi sur le tracé de la nouvelle voie.

Rencontrés dans l’enceinte du cimetière, des techniciens de la RDA ont confirmé la construction d’une nouvelle route, reliant deux voies parallèles et visant à décongestionner une partie de Richelieu en raison du projet Metro Express. Ils soulignent que leur présence au cimetière est due à une « étude de faisabilité » concernant la route projetée dans cette zone.

« La réalisation de cette route en est au stade embryonnaire. Les travaux du projet Metro Express menés dans la région de Richelieu génèrent des embouteillages. Cette voie devrait faciliter l’accès des automobilistes », résument-ils. La région de Richelieu a été choisie pour servir de dépôt pour les 18 trains du Metro Express. Les premiers examens pointus pour vérifier la solidité des rails débuteront avant la fin du mois dans la région.

Décision du ministère

Des sources au ministère des Infrastructures publiques confient, sous le couvert de l’anonymat, que la décision de bâtir cette nouvelle voie a été prise « dans le courant de septembre ». Une correspondance en date du 25 septembre et adressée à l’inspectorat du cimetière de St-Georges mentionne le déplacement de 11 tombes pour les besoins de cette route. Selon des recoupements, la lettre a été réceptionnée la semaine dernière. Des représentants de Metro Express Ltd auraient aussi approché le département sanitaire du conseil de district de Rivière-Noire, il y a peu, pour lancer des recherches et trouver les familles des défunts.

« Chaque défunt est propriétaire de sa fosse. Au conseil de district, nous ne sommes pas autorisés à donner notre accord pour transférer tout cadavre sans avertir les proches du défunt », expliquent des conseillers du district. Steeve Magdeleine, le président, abonde dans leur sens. « Nous sommes obligés d’obtenir le consentement des proches, de la famille avant de déplacer les corps. Nous sommes humains et il importe de bien réfléchir », ajoute le président du conseil de district.

Das Mootanah, Chief Executive Officer de Metro Express Ltd, fait, pour sa part, ressortir que la nouvelle voie n’a « rien à voir avec le tracé du Metro Express ». Il s’agit, dit-il, « d’une réalisation de la RDA. Cette route vise à faciliter la circulation dans les parages de Richelieu ». Malgré nos multiples insistances, il a été difficile de mettre la main sur un préposé de la RDA, placé sous la tutelle du ministère des Infrastructures publiques, pour des précisions.

Témoignages de quelques proches des défunts

Rue Black River, au cœur de Richelieu. Véronique Husson, dont l’époux est décédé en janvier 2017 des suites d’une thrombose, a accepté de se confier au Défi Quotidien. « Je vis un deuxième drame humain. C’est la semaine dernière que j’ai été informée que les restes de mon époux seraient déplacés vers une autre fosse. Je porte toujours le deuil. Un an et demi s’est écoulé depuis la disparition de mon mari. Son repos éternel sera troublé avec le transfert de sa dépouille. De son vivant il n’aimait pas qu’on le dérange dans son sommeil. Vous imaginez maintenant qu’il est mort ? » s’interroge la veuve.

Une autre femme, sous le couvert de l’anonymat, ne mâche pas ses mots. « Le ministère des Infrastructures publiques doit fournir des explications à propos de ce projet. Il n’y a aucune transparence dans ce projet. D’ailleurs, où va-t-on transférer les 55 dépouilles ? Dans une fosse commune ? Bann-la pe dir pena plas pou anter dimounn, me la ena plas pou fer sime ! » conclut-elle, furieuse.