Interview

Reza Uteem, nouveau président du MMM : «L’idée de démissionner ne m’a jamais effleuré l’esprit»

Reza Uteem

Le nouveau président du Mouvement militant mauricien (MMM), Reza Uteem, revient, dans l’entretien qu’il nous a accordé, sur les événements qui ont secoué les mauves au cours de ces dernières semaines. Le député de la circonscription no 2 avance que le MMM se prépare à aller seul aux prochaines élections générales.

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« Le MMM se prépare à aller seul aux prochaines élections, comme on l’a fait à maintes reprises dans le passé »

De leader-adjoint à président du MMM... Est-ce une ascension ?
Je ne parlerais pas d’ascension. Disons que de nouvelles responsabilités m’ont été confiées au sein du bureau politique (BP). J’en remercie la direction et j’espère être à la hauteur de la confiance placée en moi. Il est bon de souligner que le président a, tout de même, certaines responsabilités, notamment, celle de présider toutes les réunions de nos diverses instances au sein du MMM, que ce soit l’assemblée des délégués, le comité central (CC) ou le BP. Et souvent, le président a beaucoup à faire pour s’assurer que toutes les réunions se déroulent dans la discipline et dans le respect de tout un chacun.

Après les résultats de l’élection du BP, vous avez boudé une réunion de cette instance. Pourquoi ?
Malheureusement, beaucoup de choses ont été dites et des rumeurs sans fondement ont circulé. Certains membres de la presse ont même spéculé que moi et d’autres personnes allaient démissionner du MMM. Mais rien ne s’est produit. Ce qui s’est passé, c’est qu’on a eu des élections pour constituer notre bureau politique. Après quoi on a dû former l’exécutif et identifier les personnes qui allaient assumer des postes à responsabilité au sein du parti. C’est toujours un exercice délicat à faire et comme une équipe, on a pensé, on a discuté et on est venu avec une proposition, qui a été présentée et acceptée au niveau du BP. Et puis, celle-ci a été entérinée par le CC, samedi dernier.

Paul Bérenger a qualifié les résultats de l’élection de « surprenants ». êtes-vous aussi surpris, d’autant qu’il paraît qu’il y a eu un vote « coupé-tranché » relevant d’un caractère sectaire  ?
Écoutez, toute élection contient son lot de risques pour les candidats et, que ce soit au niveau des élections du CC ou celles du BP, il y a eu des surprises. Je me souviens, par exemple, que lors d’une élection, le Dr Rashid Beebeejaun n’avait pas été élu, alors qu’il était ministre du MMM au sein du gouvernement. Donc, il y a des candidats que l’on pensait voir élire, mais qui ne l’ont pas été. D’autres ont recueilli moins de voix qu’ils espéraient. Mais il y a aussi eu d’agréables surprises, comme le nombre impressionnant de jeunes et de femmes à se faire élire au sein du CC et du BP. Aujourd’hui, le MMM se retrouve avec une bonne dose d’anciens et de nouveaux au sein de ses instances décisionnelles et cela est de bon augure. L’avenir du MMM est assuré et ces jeunes apporteront un nouveau dynamisme au parti.

L’issue des élections du comité central et du bureau politique ne vient-elle pas donner raison à Steven Obeegadoo, Pradeep Jeeha et d’autres qui avaient prédit un « bouleversement » au sein du parti ?
Le propre de toute élection libre et d’un vote secret est justement qu’on peut avoir des surprises à l’issue du scrutin. Il y a toujours des risques. Et justement, c’est la raison pour laquelle Steven Obeegadoo et Pradeep Jeeha n’ont pas voulu faire face aux représentants des 412 branches du MMM. Mais que voulez-vous, le MMM est un parti démocratique. Au moins nous, nous avons régulièrement des élections, contrairement au Parti Travailliste (PTr) qui, depuis belle lurette, n’a pas tenu des élections internes. Quant au MSM, n’en parlons pas, c’est une monarchie familiale !

Faut-il comprendre que Steven Obeegadoo et Pradeep Jeeha ont eu peur de se présenter à ces élections ?
Oui. Maintenant, je comprends pourquoi Steven Obeegadoo et Pradeep Jeeha étaient contre la tenue d’élections internes. Ils savaient déjà que la base ne les suivait pas et craignaient qu’une contre-performance lors des élections du CC n’ait une mauvaise répercussion sur la suite de leur carrière politique.

À un an de la tenue des élections générales, êtes-vous de ceux qui souhaitent que le MMM aille seul aux scrutins ?
Le MMM a-t-il d’autres options ? D’une part, l’avenir de Pravind Jugnauth et du MSM est suspendu à la décision des Law Lords du Privy Council dans l’affaire MedPoint. D’autre part, celui de Navin Ramgoolam et du Parti Travailliste dépend de la décision des magistrats dans l’affaire Roches-Noires et celui des coffres-forts. Au moins, au MMM, nous ne traînons pas de casseroles et notre leader n’a pas de démêlés avec la justice.

N’est-ce pas un suicide, sachant que le MMM n’a jamais remporté les élections seul ?
Remporter les élections ne devrait pas être une obsession. Au sein du MMM, on a des principes, des valeurs et un programme électoral. Nous ne compromettrons pas nos valeurs uniquement pour entrer au sein du gouvernement. D’ailleurs, le MMM se prépare à aller seul aux prochaines élections, comme on l’a fait à maintes reprises dans le passé. La tête haute et les mains propres !

Sinon, on a assisté à un énième walk-out de l’opposition, mardi, à l’Assemblée nationale. Cela semble être devenu très facile ?
Ce n’est pas de gaieté de cœur que les membres de l’opposition font des walk-out. Nous avions plusieurs questions intéressantes inscrites à l’agenda et je devais intervenir sur le projet de loi pour amender le code de commerce. Cependant, la façon de faire du Premier ministre lors de la Question Time, l’attitude de la Speaker, ainsi que l’expulsion d’Arvin Boolell nous a forcés à quitter l’hémicycle. Je dois préciser que les relations entre la Speaker et les membres de l’opposition se sont considérablement détériorées depuis son comportement honteux lors du Committee Stage du Budget. Elle avait même dit qu’elle avait le droit de « shout at »  les élus du peuple. Tout cela n’est pas bon pour l’image du Parlement et la démocratie parlementaire.

Ces walk-out ne viennent-ils pas, en quelque sorte, décrédibiliser l’opposition ?
Comme je vous l’ai dit, ce n’est pas par plaisir que les membres de l’opposition font des walk-out. Mais nous ne pouvons pas accepter d’être traités de la sorte, car on ne peut bâillonner et étouffer la voix du peuple. Rester dans l’hémicycle serait se rendre complice de ce viol de la démocratie parlementaire.

Quittons l’arène politique et abordons le secteur offshore. Tout porte à croire que c’est un secteur qui est en panne à Maurice. Est-ce le cas ?
C’est avec beaucoup de tristesse que je constate le tort qu’a fait ce gouvernement au secteur offshore car, depuis une vingtaine d’années, les activités professionnelles sont liées au secteur financier. On a l’encadrement légal nécessaire et on a de bons professionnels, mais malheureusement, il y a trop d’ingérence politique. La Financial Services Commission (FSC) ne peut plus fonctionner comme un organisme indépendant. L’affaire Sobrinho a vu la démission de quatre membres du Board de la FSC et d’un autre du Board of Investment (BoI). Malgré les critiques et les avis des Senior Counsels indépendants, le gouvernement persiste à donner des licences d’opération à Alvaro Sobrinho. Alors, comment ne pas dégringoler aux yeux des observateurs internationaux ?

L’affaire Sobrinho est-elle la seule à réprouver ?
L’affaire Sobrinho n’est que le tip of the iceberg et symbolise la mauvaise règlementation du secteur financier. De plus, la façon dont on a traité tous les dossiers de l’ex-BAI démontre à quel point ce gouvernement peut court-circuiter les notions de bonne gouvernance à des fins bassement politiques.

« L’affaire Sobrinho n’est que le ‘tip of the iceberg’ et symbolise la mauvaise règlementation du secteur financier »

Dans un rapport, l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group entache la crédibilité de Maurice en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. C’était prévisible, selon vous ?
Ce n’est pas une surprise, parce que depuis plusieurs semaines déjà, j’avais eu vent des observations négatives de cette instance. Ce que je déplore, c’est qu’au lieu d’en tirer des leçons  et de prendre des mesures correctives, le ministre Sesungkur voulait empêcher la publication de ce rapport. Ce faisant, il a discrédité encore plus notre juridiction.

 

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