Une quatrième hausse de prix des carburants en cinq mois vient aggraver les finances des salariés qui subissent déjà une baisse de leur pouvoir d’achat.
Depuis ces deux dernières années frappées par la pandémie de COVID-19, le moral des employés, en général, est bas. C’est ce que constate Areff Salauroo, président de l’Association of Human Resource Professionals of Mauritius. « Dans cette situation, les responsables des ressources humaines ont l’obligation de leur remonter le moral. Cependant, il y a des facteurs qui sont hors de notre contrôle et qui ne nous permettent pas d’atteindre nos objectifs. Un facteur principal est l’augmentation du prix du carburant », explique-t-il.
Il soutient qu’il y a déjà une attente parmi les salariés pour une révision à la hausse des salaires. Toutefois, il fait ressortir que la plupart des entreprises prépareront leurs budgets pour l’année financière 2022-23 en juin. « Ainsi, à partir de juillet, certaines prendront des décisions pour réajuster les allocations de transport ou encore les salaires », précisé Areff Salauroo.
Il ajoute que ces dernières années, la trésorerie des entreprises a beaucoup souffert. « Il y a un gros travail d’équilibrage à faire pour maintenir les opérations et préserver les emplois », dit-il. Selon lui, il y a le risque que les employés qui habitent loin de leur lieu de travail soient remerciés.
« Selon la loi, il faut rembourser les frais de transport des employés. Mais dans le contexte actuel, beaucoup d’entreprises ne sont pas en mesure de le faire à cause de la cherté des prix des carburants », déplore-t-il. Clensy Appavoo, Chief Executive Officer et Senior Partner de HLB Mauritius, compare la récente hausse de prix des carburants à un nouveau coup de massue porté aux entreprises. « Cela aura un impact sur le coût du transport, ce qui entraînera un coût supplémentaire pour les entreprises », explique-t-il.
Il ajoute que les employeurs seront contraints de réajuster les allocations de transport de leurs employés. « Toutes les entreprises seront affectées, mais ce sont principalement les petites et moyennes qui subiront le plus gros choc », dit-il. Il craint que cette flambée de prix des carburants mène à une explosion sociale. Quid de la fonction publique ? Rashid Imrith, président de la Fédération des syndicats du secteur public, fait comprendre que les officiers utilisent leur propre véhicule pour leurs déplacements professionnels. Leurs frais de transport leur sont remboursés. « Mais depuis décembre 2021, le tarif auquel le transport est remboursé n’a pas été revu à la hausse, et ce malgré les quatre dernières augmentations de prix des carburants », dit-il.
Les inquiétudes sectorielles
Manufacturier
L’industriel François de Grivel affirme que la hausse du prix du pétrole de manière régulière met en péril les activités des entreprises dans le secteur manufacturier. « Nous nous retrouvons dans une situation très délicate car les coûts ne cessent d’augmenter », dit-il.
Il ajoute que la nouvelle augmentation de prix des carburants, et donc des frais de transport, représente un coût additionnel pour les entreprises. Il confie avoir déjà reçu des demandes de la part des employés pour que leurs salaires soient revus à la hausse. « Mais une augmentation salariale doit être vue de manière plus globale et à long terme, en prenant en considération le coût d’opération des entreprises », soutient-il.
Il précise que les entreprises éprouvent de plus en plus de difficultés pour absorber toute augmentation de coût. « Déjà l’importation des matières premières coûte extrêmement cher à cause de la dépréciation de la roupie. Une hausse salariale viendrait compliquer la donne au vu du contexte », analyse-t-il.
Grande distribution
L’augmentation significative des prix des carburants a déstabilisé les opérations de la société de distribution Chartrade. « Aujourd’hui, nous ne pouvons travailler avec des prévisions car les prix changent de jour en jour. Certains importateurs ont même cessé d’importer des produits pour lesquels il y avait pourtant une demande », fait ressortir Nitish Ramsahye, Brand & Communications Manager du groupe.
Il explique que les petits commerces ont cessé de faire du stockage en raison de la baisse de la consommation. Au niveau des ressources humaines, il soutient que les salaires ont déjà subi une hausse qui oscille entre 5 % et 6 % en début d’année. « Avec les nouveaux prix des carburants, nous anticipons des demandes de hausse salariale la part des employés », prévoit-il.
Selon lui, ceux qui reçoivent une Fuel Allowance n’arrivent pas à terminer le mois. Certains optent même pour recommencer à utiliser les transports en commun.
Alain Saverettiar, directeur des supermarchés King Savers, affirme que toute augmentation affecte leurs coûts d’opération. « Une énième hausse de prix des carburants nous oblige à revoir nos activités. Par exemple, si autrefois un véhicule assurant les livraisons à domicile sortait avec quatre ou cinq achats, aujourd’hui on doit le faire sortir avec plus d’achats », dit-il.
Il souligne toutefois que l’entreprise ne subit pas la pression de devoir revoir à la hausse les allocations ou les salaires car elle offre déjà un service de transport à la majorité de ses employés. « Pour ce qui est de ceux qui préfèrent utiliser le transport public, nous les remboursons pour la majoration sur le tarif du ticket d’autobus », fait comprendre le directeur.
Construction
Si les frais de transport des matériaux se situent entre Rs 1 000 et Rs 1500 dépendant de la distance, avec une nouvelle hausse de prix des carburants, nous pouvons nous attendre à ce qu’ils varient désormais entre Rs 1 400 et Rs 1 800. C’est ce qu’indique Gérard Uckoor, vice-président de l’Association des petits contracteurs.
Les tarifs des machines utilisées dans la construction seront également revus à la hausse. « À titre d’exemple, un opérateur de JCB facture en moyenne Rs 8 000 par jour à un client. Désormais, le tarif peut dépasser Rs 9 000 », avance-t-il. Avec la hausse du prix du carburant, Gérard Uckoor affirme qu’il y aura certainement des demandes des travailleurs pour que leurs allocations de transport soient rehaussées.
« Toutefois, la question de revoir les salaires ne se pose pas. Les maçons touchent déjà Rs 1 500 par jour. Si nous augmentons les salaires, nous risquons de perdre des clients », prévient-il.
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