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Révélations de Georges Almel, 84 ans : il a caché sa malvoyance à ses employeurs à Maurice et en Angleterre

Georges Almel

Malvoyant de naissance, Georges Almel a cependant trompé tout le monde sur son handicap. Il a ainsi pu exercer le métier de photographe, s’est fait embaucher comme technicien au Central Electricity Board (CEB), a exercé comme entrepreneur en bâtiment et dépanneur à la municipalité d’Islington à Londres.

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Sa vie a pris un tournant lorsqu’un jour, sa femme lui a dit : « Je crois que nous devrions nous rendre en Angleterre. Tous les deux, nous pourrions travailler et bâtir notre avenir. »

Georges est hésitant : aller ainsi en terre inconnue n’est pas une décision à prendre à la légère d’autant plus qu’il a un emploi stable. Cette idée de son épouse tient du fait qu’elle avait obtenu le passeport britannique après avoir travaillé dans les casernes des Anglais à Vacoas.

Georges accepte, mais prudent, il ne démissionne pas de son poste. À la place, il prend un leave without pay.

C’est avec le sentiment mêlé d’espoir et d’appréhension que le couple s’embarque à destination de Londres. Une fois sur place, malgré son handicap, Georges parvient à se faire embaucher à l’Islington Council comme technicien, et Gisèle, comme vendeuse de tickets du métro. 

L’adaptation pour Georges sera rude, du fait principalement qu’il éprouvait des difficultés dans son travail à saisir les directives des tâches quotidiennes, toujours transmises en écrit. C’est alors qu’un ami mauricien, à qui il avait confié son secret, lui a vivement conseillé d’aller voir un ophtalmologue. C’est ce qu’il fait.

Malgré son handicap, Georges parvient à se faire embaucher à l’Islington Council comme technicien.

Des ténèbres à la lumière

Georges raconte : « Une fois dans le cabinet du praticien, celui-ci m’a installé sur une chaise avec un appareil placé au niveau des yeux. Il a fait glisser des lentilles à l’intérieur. Il fallait que j’identifie les lettres placées sur un tableau. Ce qui s’ensuit fut comme un miracle. Je pouvais subitement tout voir très distinctement pour la première fois de ma vie. J’ai ressenti une joie immense. L’ophtalmologue m’a alors dit : 'Vos lunettes de Maurice, jetez-les'. « J’avais en effet apporté deux paires de lunettes de Maurice. Elles n’avaient rien de comparable en matière d’efficacité avec celle que je venais de recevoir.  Ma vie s’est transformée depuis ce jour et cela, je le dois à ma femme qui m’a fait venir en Angleterre. »

Georges a rencontré son épouse alors que le jeune homme travaillait pour le compte d’un studio spécialisé dans la photographie. Il était aussi un fêtard invétéré, qui attentait toujours que samedi arrive pour aller s’amuser dans les bals « ran zariko ». Mais en cette occasion particulière, il avait à faire des photos lors d’une soirée nuptiale à Vacoas. Il en a profité pour monter sur la piste de danse. Une de ses cavalières a attiré particulièrement son attention. C’était Gisèle, qui était accompagnée d’une tante. Il a invité la jeune fille à danser et ils se sont vite liés d’amitié. C’est donc naturellement que Gisèle a demandé à Georges de la raccompagner chez elle, à Phoenix, à la fin de la soirée. Cela, pour ne pas déranger la tante qui, elle, réside à Port-Louis.

Georges a évidemment accepté et ce sera à pied qu’ils vont faire le trajet de Vacoas à Phoenix. Ils ne verront pas le temps passer. Georges ne tardera pas à faire sa demande. De leur union naîtra un fils qui va s’établir en Angleterre. 

Georges n’oubliera pas son passé. Il avait des problèmes de vue depuis sa naissance. « C’est la raison pour laquelle j’ai abandonné très tôt mes études. C’était aussi pour les besoins de travailler. Mon père ne s’occupait pas bien de la famille, car il était porté sur la bouteille. 'Li ti ene sef soulard' », dit Georges en riant, car paradoxalement une telle conduite de la part de son paternel a largement contribué à forger son caractère, l’amenant à prendre tôt des responsabilités. « Il fallait bien gagner sa vie et aussi subvenir aux besoins de la famille. »

Le jeune homme a alors foncé tête baissée dans le travail. Il s’est fait embaucher au CEB comme électricien, où il a progressé malgré son handicap. C’est également au CEB qu’il a commencé à se familiariser avec la conduite d’un véhicule. Il y avait ce chauffeur qui jouait aux cartes et qui lui a demandé de bouger la fourgonnette. Georges a obéi et sa conduite laissait beaucoup à désirer. Il a pu faire avancer et reculer le véhicule, mais dans un vacarme infernal de vrombissements du moteur qui attirait l’attention de tout le monde, à l’exception d’un seul : celle du chauffeur plongé dans son jeu de cartes. Avec la pratique, Georges a fini par avoir une parfaite maîtrise du volant. Cet apprentissage allait se révéler payant pour l’avenir. 

Georges a aussi eu une succession de bénédictions, et ce depuis sa tendre jeunesse. Il n’est jamais tombé malade. Son secret : « Si ou fer se ki bon ou récolté se qui bon ». 

Il n’est jamais tombé malade. Son secret : « Si ou fer se ki bon ou récolté se qui bon ».  

Coup d’essai, coup de maître

Une fois en Angleterre, Georges a voulu obtenir son permis de conduire. C’est sans trop de conviction qu’il a entrepris les démarches. Il savait que le nombre de recalés était important et que son meilleur ami, qui travaillait à la poste, avait d’ailleurs essuyé 25 échecs d’affilée. Mais, à sa grande surprise, il passera le test avec brio. Il a voulu annoncer la nouvelle d’abord à son épouse puis à son meilleur ami. 
Gisèle était venue à sa rencontre ce jour-là, à bord de sa voiture. « Alors qu’est-ce qui s’est passé ? », demanda-t-elle à son mari. Georges prend un air désespéré. Sa femme pensa qu’il n’avait pas réussi et tenta de le réconforter. Ce n’est que plus tard à l’hypermarché qu’il lui dira la vérité. 

Cependant, les choses se sont passées différemment lorsqu’il a annoncé la bonne nouvelle à son bon ami de la poste. « Dès que je lui ai parlé de ma réussite, il a arrêté de me parler », dit Georges en rigolant. Mais avec le temps, tout est redevenu comme avant. Son ami a pu décrocher son permis, mais en passant l’épreuve en dehors de Londres, où le régime du test est moins sévère.

Toutefois, Georges et Gisèle n’avaient pas oublié leur mère patrie. C’est pourquoi, arrivés à la retraite, ils ont décidé de rentrer. Ils ont réalisé à quel point la vie de retraité serait monotone en Angleterre où, éloignés de tous, ils seraient condamnés à passer leur temps devant la télévision. La perspective d’être au soleil au milieu de proches et d’amis offrait de meilleures perspectives d’avenir.

Une fois de retour au pays, ils vont habiter une belle maison avec tout le confort et piscine.  C’est là qu’ils accueilleront des personnes du troisième âge qui contribueront à apporter encore plus de chaleur dans leur maison. 

Hélas, un malheur est venu mettre un terme à la grande complicité entre Georges et Gisèle lorsque cette dernière lui a fait ses adieux au mois de mai dernier. Mais Georges continue à vivre avec le souvenir de sa femme dont il sent toujours la présence, dit-il, et qui lui prodigue des conseils. 

 

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