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Résidences Anoska : un constat accablant

Résidences Anoska Anderson Azie, porte-parole de Résidences Anoska.

Résidences Anoska, vue de Wooton sur l’autoroute, est un village haut perché, vert, ceinturé d’une forêt dense. On la comparerait volontiers à l’un de ces villages d’altitude de la Suisse, où coule un ruisseau, où les habitants cueilleraient les fruits de la forêt et vivraient de leurs fermes et de leurs champs.

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Jeudi à 11 heures : le chemin menant à Anoska se trouve à Seizième Mille à droite, juste après le terrain de football. Première observation : c’est un chemin étroit, qui le devient encore plus au fur et à mesure qu’on s’y enfonce.

Et les maisons ne sont pas comme dans La petite maison dans la prairie. Elles sont entassées les unes sur les autres jusqu’au bord d’une chasse clôturée. Pas question alors d’aller respirer l’air à pleins poumons dans les bois.

Des détritus de toutes sortes dans les cours. Un jardin d’enfants trop petit et très mal équipé : une balançoire sans banc, pas de toboggan pour les glissades, pas de tunnel, de tour d’escalade, de maison de jardin. Une mère accompagne son enfant. Le gosse s’assied sur un canard à ressort. Les routes ne sont pas asphaltées et des rochers émergent.

Chemins

De jeunes garçons et filles flânent dans les rues et nous dévisagent. Des adolescents jouent aux cartes sous une tente. Ils devraient être à l’école. Rendez-vous est pris alors pour le lendemain avec le porte-parole de Résidences Anoska, Anderson Azie (surnommé Jackson). Tout le monde le connaît et le salue respectueusement durant notre conversation.

Un des rares habitants à travailler tous les jours (à la paroisse Sainte-Thérèse) et à percevoir un salaire. Pourquoi tant d’adultes dans les rues durant la journée ? « Ici, presque tous les adultes travaillent dans les champs, à Plaine-Sophie, Mare-Longue et dans les environs. Ils y vont un ou deux jours et l’après-midi, le patron téléphone pour dire qu’il n’y a pas de travail le lendemain. Donc, ils ne sont pas employés à plein temps. » « Mo leve trwazer di matin. Avan ki finn fer kler, tou legim fini sarge lor kamion. Mo fini onzer », raconte un habitant.

Ces femmes et ces hommes ne peuvent-ils pas travailler ailleurs ? « Kouma dimoun tande ki ou sort Anoska, tou travay ferme », lâche Anderson, non sans dépit. « Vo mie La Pipe kot nou ti ete. Laba, ena bokou karo. Travay pa manke. Laboutik lwin. Pou al aste rom, bizin al lwin. Nou ti pe bwar enn kou zis wikenn kan nou al laboutik. Pa ti ena problem lalkol. Isi ou mars enn tigit ou gagn lalkol. Zot finn tir nou laba akoz konstriksion Midlands Dam, zot finn avoy nou isi kot pena narien. Bis pase sak swasant minit. Parfwa li pa pase », ajoute-t-il.

Habitants complexés

Et Anderson explique le marasme qui sévit à Anoska. La plupart des adultes ne sont pas allés à l’école. Très jeunes, ils ont travaillé dans les champs à La Pipe. Ils ne peuvent pas remplir un formulaire et ne savent pas lire. Ils sont donc très complexés. Ils voudraient alerter les autorités sur leurs problèmes, suggérer des améliorations. Mais ils sont incapables de s’exprimer et ils se taisent. Et vivent une vie de misère. Beaucoup de maisons restent inachevées faute de moyens. Les toits de beaucoup de maisons fuient. Et l’hiver, il fait très froid.

Les jeunes abandonnent l’école après le primaire, parce que les parents sont trop pauvres pour leur payer le transport et les manuels de classe. Dans les champs, ils touchent Rs 500 par jour, les dames souvent moins, et puisqu’ils ne travaillent pas régulièrement, l’argent qu’ils gagnent est vite dépensé. Ils n’arrivent pas à mettre quelques sous de côté. Conséquence : ils sont tous démoralisés.

Et comme les terrains de jeu manquent cruellement, ils sombrent dans l’alcoolisme, qui est un gros problème ici. Heureusement, il n’y a pas de cas de drogue. En tout cas, ce n’est pas visible. Par contre, par manque de loisirs, certains font trop de bébés, malgré leur pauvreté.

Un autre souci : les détritus qui s’accumulent. Le camion du District Council n’enlève pas toutes les ordures.

Talents 

Que font alors les ONG et les députés ? « Ils viennent, promettent la lune et s’en vont. Après, on ne les voit plus. Les seuls députés qui ont œuvré pour Anoska sont : Dowarkassing, Paya et Guimbeau. Je peux vous assurer qu’il y a des talents à Anoska. Des athlètes, de très bons joueurs de football, des chanteurs, des musiciens, de bons artisans et laboureurs.

Mais ils n’ont même pas les sous pour prendre le bus, montrer leurs talents ou chercher du travail. Aussi, le manque d’éducation formelle et d’emploi est un obstacle à tout. On aurait pu planter si les autorités nous avaient cédé un terrain. Un habitant a fait une demande et attendu depuis six mois. Rien », explique Azie.

Nous prenons alors congé de notre interlocuteur. Au prochain carrefour, huit adolescents assis à même la route, certains allongés. L’un d’eux nous lance : « Pou gagn kas pou met Anoska dan lagazet ? »

Feroz Saumtally

 

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