Poster des photos d’enfants sur les réseaux sociaux est une pratique courantes. Pourtant cela peut s’avérer dangereux et devenir gênant à l’adolescence et l’âge adulte. Que dit la loi ? Quelles précautions prendre ? Éléments de réponses.
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Lorsqu’on est parent et qu'on est actif sur les réseaux sociaux, il est tentant de publier des photos de nos bambins sur Facebook ou Instagram, entre autres. Pourtant, ce qui peut paraître anodin aux yeux des parents, peut devenir un calvaire pour les enfants. En effet, imaginez qu’une photo de vous prise par vos parents il y a plusieurs décennies et qu’ils trouvent « mignonne », - mais qui ne vous met pas en valeur -, ressurgisse un jour publiquement sur Internet. Pas sûr que vous apprécieriez. C’est ce qui peut arriver à vos enfants quand ils seront grands et que des photos d’eux prises aujourd’hui réapparaissent. Un autre risque de la publication de photos d’enfants sur Facebook et d’attiser la convoitise d'individus malintentionnés, dont des pédophiles.
Contactée par Le Défi Plus, Drudeisha Madhub, Data Protection Commissioner, cite d’autres exemples de risques liés à la publication de photos d’enfants. « Les réseaux sociaux peuvent être très dangereux pour les enfants. Ils peuvent être approchés par des prédateurs sexuels et être victimes de harcèlement, d’insultes, de l’envoi de photos obscènes, etc. de la part d'autres mineurs. Ce phénomène comporte plusieurs types de risques comme le détournement d’une photo. Une photo récupérée sur un réseau social comme Instagram ou Facebook peut être modifiée et détournée à l'insu de son propriétaire. En sus, ils sont exposés au vol pur et simple de leur identité. Certains internautes créent de faux profils à la place d'autres personnes et se font passer pour celles-ci sur Internet », dit Drudeisha Madhub.
Elle offre quelques conseils aux parents qui publient des photos de leurs enfants. Tout d’abord, il faut que les photos ne soient pas visibles par tout le monde. Il est possible de paramétrer l’audience des publications sur Facebook. Pour les photos de mineurs, il est conseillé de limiter la visibilité aux personnes les plus proches comme les membres de la famille. « Les enfants sont souvent exposés au harcèlement en ligne. Il est important de ne jamais publier des photos compromettantes et d’en bloquer la diffusion par d’autres personnes », ajoute Drudeisha Madhub.
La Data Protection Commissioner précise que les photos sont considérées comme des données personnelles sous le Data Protection Act (DPA) lorsque des personnes peuvent y être reconnues. Elle ajoute que les enfants méritent une protection spécifique concernant leurs données personnelles dont leurs photos. En vertu de l’article 30 de la DPA, il est interdit à toute personne de traiter les données personnelles d’un enfant de moins de 16 ans sans l’autorisation des parents ou de son tuteur légal.
« Par conséquent, la publication des photos des enfants sur Internet ou les réseaux sociaux nécessite le consentement du parent ou du tuteur légal. La personne qui publie des photos a aussi le devoir de vérifier si le consentement a été donné ou autorisé. Il est à noter que le non-respect de l'article 30 de la DPA est passible, sur déclaration de culpabilité, d'une amende maximale de Rs 200 000 et d'un emprisonnement maximal de cinq ans », prévient Drudeisha Madhub.
Trois questions à Me Erickson Mooneapillay
Que dit la loi à Maurice sur la publication de photos d’enfants sur Internet et les réseaux sociaux ?
Dans ce contexte spécifique, la loi ne prévoit rien sur la publication de photos d’enfants sur Internet. Cependant, quand ces photos ont un caractère indécent, on voit l’intervention de la section 15 de la Child Protection Act (CPA) 2003, qui prévoit que dans le cas où il y aurait la prise, la distribution, la possession ou la publication de photos indécentes d’enfants, un délit sera commis. Ainsi, sous la section 18 de la CPA 2003, la personne sera passible d’une peine de prison ne dépassant pas 15 ans si la victime est une handicapée mentale et un terme ne dépassant pas 10 ans à la réclusion pénale si la victime n'est pas handicapée.
En sus, et de manière générale, concernant la publications ou la transmission d’informations, l’Information and Communication Technologies Act de 2001 prévoit qu’une mauvaise utilisation ou communication d’informations (qui inclut les textes, images, sons, programme informatique...) peut mener à une offense passible d’un terme, ne dépassant pas 10 ans, à la réclusion pénale et une amende ne dépassant pas Rs 1 000 000.
Quelles précautions doivent prendre les parents qui publient des photos d’enfants sur les réseaux sociaux, notamment Facebook ?
Ils doivent s’assurer que les photos n’aient pas un caractère indécent et ne nuit pas à la personne s’y trouvant comme décrit sous la section 46 de l’ICTA Act 2001.
Ainsi, il est mieux d’avoir le consentement de la personne concernée mais dans le cas des enfants, ils n’ont pas la capacité de consentir, et seuls leurs parents ou tuteurs peuvent le faire.
Est-ce probable que des Mauriciens majeurs poursuivent leurs parents en justice pour avoir publié des photos d’eux enfants, qu’ils jugent inappropriées ?
La chose, même si cela parait farfelue, pourrait être possible en appliquant certains articles du Code civil mauricien. Par exemple, l’Article 371-2 du CCM prévoit : « L’autorité appartient aux père et mère pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé, sa moralité. IIs ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d’éducation. » Ainsi, si des photos publiées, lorsque l’enfant était mineur, auraient mis en péril sa sécurité ou moralité, l’enfant adulte pourrait bien actionner cet article.
En sus, la Section 9 de la Constitution prévoit que toute personne a le droit à la vie privée. On retrouve ce même principe à l’article 22 du Code civil mauricien. Ainsi, en appliquant ces provisions de la loi, l’enfant pourrait accuser ses parents de ne pas avoir respecté son droit à une vie privée.
Cependant, il ne semble pas avoir de précédents à ce jour concernant la publication de photos par des parents à l’égard des enfants. Il est donc difficile de mesurer, avec certitude, l’étendue de l’application de ces diverses sections de la loi dans le contexte actuel.
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