Interview

Représentation féminine au Parlement: «Maurice pas le plus mauvais élève»

Le Dr Sonia Palmieri, Gender Expert attachée auprès du Programme des Nations unies pour le développement
Le Dr Sonia Palmieri, Gender Expert attachée auprès du Programme des Nations unies pour le développement, est à Maurice pour la création d’un caucus parlementaire sur le genre. Elle présentera, ce vendredi 29 janvier, des modèles susceptibles d’intéresser les parlementaires mauriciens. Expliquez-nous le but de votre visite à Maurice ? J’ai été invitée par le bureau de la Speaker et celui du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dans le cadre de la mise sur pied d’un caucus sur le genre.
Qu’est-ce qu’un caucus ? C’est un regroupement de personnes qui travaillent en faveur d’une cause. Généralement, ce sont des femmes députées, peu importe les partis politiques auxquels elles appartiennent, qui se regroupent en dehors de la structure parlementaire pour travailler vers la formulation de politique en faveur du progrès des femmes. C’est une structure qui a fait ses preuves dans d’autres pays, car elle a permis, par exemple, la formulation des législations pour le bien-être des femmes. Elle permet aussi l’établissement d’un environnement propice pour des discussions sur divers sujets. Votre Speaker a pris l’engagement dans des forums internationaux pour qu’un caucus soit créé. J’y suis pour expliquer aux parlementaires ce qu’est un caucus, ses principaux objectifs et comment il fonctionne.
[blockquote]« La création d’un caucus sur l’égalité des genres est un pas en avant sur les autres caucus existants. C’est une évolution positive et un point fort pour Maurice »[/blockquote]
Quel serait le modèle que vous préconiseriez pour Maurice ? À Maurice, ce sera un caucus parlementaire sur le genre, avec des représentants des deux sexes et de tous les partis politiques siégeant à l’Assemblée nationale. Il est important dans ce travail de « take on board » tous ceux intéressés dans cette mission. Le modèle dépend des attentes locales et doit être effectif dans la pratique. D’où la série de discussions que j’envisage avec les parlementaires. J’ai déjà fait une présentation lundi et je suis ravie de la réaction et de l’enthousiasme des parlementaires présents, pas uniquement de la part des femmes parlementaires, mais aussi des hommes. Avant ma présentation finale, ce vendredi, j’envisage de rencontrer certains d’entre eux personnellement pour mieux comprendre leurs attentes. Je n’impose rien. Je propose et on discute. Ce sont aux élus de choisir le modèle qu’ils estiment le plus approprié pour le caucus. J’ai bien précisé les défis et limitations des caucus réservés uniquement aux femmes. Et ici, vous êtes vraiment limité côté représentation féminine au Parlement. Est-ce que le caucus est compromis à cause de ce fait ? Pas vraiment parce que le caucus recommandé est sur le genre, qui inclut aussi les problématiques des hommes. Je dirai que la création d’un caucus sur l’égalité des genres est un pas en avant sur les autres caucus existants. C’est une évolution positive et un point fort pour Maurice. Il n’appartient pas uniquement aux femmes de travailler en faveur de leur avancement. La contribution des hommes est aussi essentielle. Ainsi, un caucus est un mécanisme fantastique qu’il faut savoir exploiter. Je crois en des outils parlementaires, voire institutionnels qui éliminent la discrimination sexuelle.
Dans le cas de Maurice, l’initiative vient surtout d’une femme en l’occurrence, la Speaker Maya Hanoomanjee... Et elle doit être félicitée, mais ce n’est pas seulement aux femmes de travailler pour l’égalité du genre bien que les initiatives ne viennent que d’elles. Les attentes par rapport aux femmes sont immenses. Ainsi, j’estime que le caucus sur le genre, qui prend au départ même les hommes à bord, a plus de chance de réussir dans sa mission qui est de travailler pour l’avancement de tous. Les femmes sont déjà sous-représentées au Parlement. Ne pensez-vous pas que la situation au caucus sera pire ? C’est vrai qu’il y a très peu de femmes parlementaires et parmi des ministres. Leur disponibilité est davantage limitée, mais je pense aussi que ce n’est pas plus mal. Ce qu’il faut, ce sont des Role Models. D’après ce qui m’a été rapportée, les femmes ont été encouragées à s’engager en politique. La direction et les leaders des partis politiques comprennent l’importance de la femme. Je connais des pays où la situation est pire. Maurice n’est pas le plus mauvais élève en termes de représentation féminine au Parlement. Il vous en faut davantage. Il est important d’avoir un Parlement bien représenté en termes du genre, mais aussi d’avoir un leadership qui prend en considération l’opinion de chaque composante de la société.

Une spécialiste sur le genre

Dr Sonia Palmieri est une Gender Expert. Elle a travaillé pour la mise en place de caucus parlementaire dans plusieurs pays. Elle a présenté plusieurs papiers sur l’émancipation politique de la femme. Elle a aussi édité des publications sur le genre et la politique, le Gender Mainstreaming au parlement, la tendance de la représentativité parlementaire féminine dans le monde et la promotion d’un partenariat entre hommes et femmes parlementaires. Elle a aussi été, pendant quelque temps, attachée au parlement australien et a aussi travaillé à New York, en Pologne, à Genève, au Vietnam et dans plusieurs autres pays européens.

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Comment est-ce que, selon vous, les élus hommes puissent aider à l’avancement de la cause féminine au Parlement ? Premièrement, ils doivent comprendre qu’une femme qui réussit dans la vie ne représente pas une menace pour les hommes. L’égalité du genre ne veut pas signifier plus de femmes que d’hommes. Il faut travailler en collaboration, main dans la main comme des partenaires et non des adversaires. Il faut aller au-delà du harcèlement, de l’intimidation, de la contrainte et arrêter de tourner en ridicule les femmes. Il y a beaucoup de femmes qui ont réussi et qui continuent à faire face à la discrimination. On leur pose des questions qu’on ne poserait pas à un homme. Les femmes politiciennes sont souvent sujettes à des interpellations domestiques, sur leurs enfants, sur leur apparence, sur leur choix, alors que ce n’est pas le cas pour les hommes. Pourquoi est-ce qu’une femme doit faire plus attention qu’un autre, que ce soit sur ses relations ou sa situation ? Il est temps pour les hommes d’assumer davantage de responsabilités. Quid du plafond de verre qui souvent ralentit les femmes dans leur progrès ? Il existe et sera là pour quelque temps. Certaines compagnies privées commencent à créer de la place aux femmes dans le conseil d’administration, mais ce n’est pas suffisant. Il faut changer la mentalité sociétale. Tant que le modèle restera masculin, la femme ne pourra s’affirmer. Seules, les femmes ne pourront changer le monde. Elles ont besoin de soutien institutionnel.
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