Renvoi des Municipales : Contradictions dans le discours confiant du Premier ministre

Le MSM est-il réellement aussi « fort » que le prétendent ses membres et son leader ? Le renvoi des élections municipales semble, en tout cas, contredire totalement ce discours.

«Dimoun ankor krwar dan travay ki gouvernman pe fer. » Ces propos du ministre des Arts et du patrimoine culturel, Avinash Teeluck, lors de la conférence de presse du Mouvement socialiste militant (MSM) (voir en page 4), le samedi 20 mai, ont été une des constantes du discours du Premier ministre, Pravind Jugnauth, et de son gouvernement. 

Peu importe les scandales et autres crises qui ont pu secouer le gouvernement et le pays au cours des quatre dernières années, le MSM et ses alliés ont constamment affiché une confiance inébranlable quant au soutien massif de la population envers leur action gouvernementale. Ils mettent en avant le fait que Pravind Jugnauth est un leader politiquement et moralement exemplaire, tandis que son principal challenger, Navin Ramgoolam, leader du Parti travailliste (PTr), est entaché de plusieurs scandales. Le MSM se considère donc comme le seul parti politique crédible et sérieux aux yeux de la population.

Cependant, la réalité est loin d’être conforme à cette perception. La récente décision du Premier ministre de reporter les élections municipales pour la troisième fois témoigne, selon de nombreux observateurs, d’une réticence du gouvernement à affronter l’électorat. Par ailleurs, l’attitude adoptée par le Premier ministre au Parlement, où il se permet de lancer toutes sortes d’attaques contre Navin Ramgoolam (voir plus loin), traduirait une certaine fébrilité. 

L’avocat Milan Meetarbhan estime que les dérapages du Premier ministre, notamment ses récentes révélations sur les pilules retrouvées dans le coffre-fort de Navin Ramgoolam, indiquent qu’il « n’est pas aussi optimiste qu’il le prétend ». 

Il est d’avis que de telles attaques sont le signe d’un « manque de confiance réel », car un véritable sentiment de confiance ne nécessiterait pas de tels comportements dégradants. « Bien que Pravind Jugnauth mette constamment l’accent sur les projets de développement initiés par son gouvernement, il semble également avoir des informations inquiétantes concernant la situation sur le terrain », explique Milan Meetarbhan.

L’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low avance que la popularité du gouvernement a chuté considérablement depuis les dernières élections générales de 2019. Il rappelle du reste que « le MSM n’a obtenu que 37 % des voix » et n’a pu accéder au pouvoir que grâce à la division de l’opposition. « Avec les scandales survenus depuis 2019, ce pourcentage a encore diminué », fait-il observer. 

Selon Jocelyn Chan Low, les discours du gouvernement ne sont qu’une façade, car ils savent pertinemment que la situation est difficile pour eux. Il souligne également que la force du MSM et de ses alliés ne se trouve pas dans les villes, mais principalement dans les circonscriptions n°4 à 14. Le gouvernement n’a donc eu d’autre choix que de trouver des prétextes pour reporter ces élections municipales, selon lui.
L’ancien député et linguiste Dev Virahsawmy abonde dans le même sens. « Lorsque le Premier ministre se targue d’être fort, cela ne tient compte que des régions rurales du pays », affirme-t-il. Selon lui, le gouvernement prétend être invincible, mais en réalité, « il a tout simplement peur d’affronter l’électorat ». « Nous avons affaire à un gouvernement qui connaît sa force dans les régions rurales grâce aux mouvements ruraux qui servent les intérêts du MSM. Cependant, en ville, la force de ce gouvernement est négligeable pour le moment », ajoute-t-il. 

Dev Virahsawmy soutient cependant que le MSM pourrait gagner en popularité à long terme, y compris dans les régions urbaines. « L’augmentation de la pension de vieillesse et la gratuité au préscolaire sont deux éléments qui joueront en faveur du gouvernement, tant dans les villages que dans les villes. Mais il faudra attendre encore un peu », conclut-il.