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Renvoi des élections villageoises - Collectivités locales : les mal-aimés de la République

Renvoi des élections villageoises

Le renvoi des élections villageoises est loin d’être un fait isolé. Dans le passé, les municipales ont déjà été renvoyées à plusieurs reprises et des élections prématurées sont aussi tenues pour tirer avantage de l’élan donné par une victoire aux élections générales.

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Avec les fonds et les marges de manoeuvre réduites depuis de nombreuses années, cela dresse un portrait d’enfant négligé, voire méprisé, par la classe politique mauricienne.  Les collectivités locales sont un peu les enfants négligés de la République. Le gouvernement a décidé de reporter les élections villageoises – prévues en décembre – à 2020. Les amendements nécessaires à la Local Government Act doivent être votés au Parlement ce mardi. Ce n’est toutefois pas un exemple isolé. Dans le passé, plusieurs gouvernements ont ont eu recours à ce procédé. Ajouté au manque de moyens, l’impression qui s’y dégage, c’est que les conseils municipaux et de village sont négligés, voire méprisés par la classe politique.

« La démocratie a souvent été bafouée dans l’histoire de Maurice indépendante», reconnaît Amédée Darga, ancien maire de Curepipe. Il se rappelle de la nomination des commissaires pour gérer les municipalités quand les élections avaient été renvoyées sous le gouvernement SSR. « Depuis une vingtaine d’années, les gouvernements successifs ont réduit l’importance des administrations régionales par divers moyens, souvent en minant les compétences à travers le type de candidats envoyés par les partis. Il y a une grosse dévalorisation des collectivités locales », poursuit-il.

Un autre ancien maire de Curepipe, Sanjit Teelock, qui a également été conseiller de Hervé Aimée durant son passage au ministère des Collectivités locales, est du même avis. « C’est vrai qu’ils font les élections quand ils veulent et qu’ils les repoussent quand ils le veulent. Mais ce sont plutôt les villageoises qui sont en danger. Le gouvernement a décidé de ramener en avant la date des municipales, mais pas des villageoises. On prend tout cela à la légère. »

Comment en est-on arrivé là ? La création de la National Development Unit par sir Anerood Jugnauth y est pour quelque chose. « La création des PPS a massacré tout cela, explique Sanjit Teelock, la NDU a été créée par SAJ pour contrebalancer les municipalités. L’argent de la NDU aurait dû aller aux conseils municipaux et villageois. »

Amédée Darga explique que la NDU a succédé à la RDU (Rural Development Unit) en tant que compétiteur politique des municipalités. « L’idée était d’enlever le rôle d’agent de développement aux municipalités qui, généralement, allaient dans le sens de l’autogestion ». Il cite également l’instrumentalisation de la Local Government Service Commission (LGSC) comme un des facteurs de l’érosion de l’importance des collectivités locales. « La LGSC est un outil utilisé par les tenants du pouvoir pour promouvoir les personnes qu’ils veulent », accuse-t-il.

Si le budget des collectivités locales a baissé à cause de la NDU (voir tableau plus loin), Sanjit Teelock estime que les collectivités locales ont plus de pouvoirs qu’elles ne le réalisent. « Elles ont, par exemple, le pouvoir de revoir la taxe sur les ‘trade licence’ sans la permission du gouvernement. » Idem pour la taxe immobilière. Autant de moyens qui peuvent contribuer à les autonomiser.

Cette autonomie est ce que réclame le MMM, notamment à travers un amendement de la Constitution. « Ce n’est pas faisable, estime Sanjit Teelock, que les conseils de district aient besoin de plus de flexibilité. Le fait de ramener la date des élections locales juste après les générales est justifié dans le sens où on donne à la population l’occasion d’exprimer son choix. » Toutefois, ce ne serait pas faisable dans la pratique de tenir toutes les élections en même temps, comme le suggère Xavier-Luc Duval, selon lui, vu que la Commission électorale serait débordée.

Et l’autonomie totale des Collectivités locales ? « Maurice est un petit pays, argue Sanjit Teelock, ce qui se passe au niveau local peut avoir un impact au niveau national. Le gouvernement doit avoir un droit de regard. »

Par contre, il serait possible d’accorder plus de marges aux collectivités locales en changeant la formule des subventions. « Si, au lieu des subventions, le gouvernement payait les salaires de tous les employés des collectivités locales et qu’elles dépendaient plutôt des taxes qu’elles collectent pour les projets de développement, 11 sur 12 conseils se retrouveraient avec plus de fonds », avance-t-il.

Amédée Darga préfère surtout insister sur la qualité du personnel : « Il ne faut pas uniquement redonner aux administrations régionales la capacité d’être plus performantes. Il faudrait que les partis politiques mettent des candidats de plus haute qualité. N’oubliez pas que SSR a été conseiller municipal. Ce sont souvent les berceaux formateurs des grands hommes politiques. On a saboté les collectivités locales. Est-ce qu’il y a la volonté de défaire cela du côté des politiques ? »

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Les antécédents…

En 2010, c’est le gouvernement PTr/PMSD qui renverra les villageoises et les municipales pour 2012 en raison d’amendements prévus à la loi. La raison évoquée est qu’on ne veut pas donner des élections sous l’ancienne loi alors qu’une nouvelle législation est en préparation.

Entre 2002 et 2006, le gouvernement MSM/MMM a renvoyé les élections régionales à plusieurs reprises pour la même raison. L’objectif principal : la municipalisation des conseils de district et la disparition des conseils de village. Le projet ira aux oubliettes après la défaite de l’alliance en 2005.

Dans les années 70, à deux reprises, sir Seewoosagur Ramgoolam nommera des commissaires pour remplacer les conseils municipaux. Il le fera entre 1974 et 1977, puis 1979 et 1982. Il s’agit d’une mesure temporaire qui permet au Premier ministre de nommer de son propre chef des « commissaires » qui dirigent les municipalités à l’expiration du mandat des conseillers.  Le MMM, en alliance avec le Parti socialiste mauricien (PSM), après le 60-0 de 82, usera du même procédé pour nommer ses commissaires en remplacement de ceux nommés par SSR avant de donner les élections municipales en 1982 et les villageoises en 1983. Les exemples d’élections locales prématurées sont également légion. Le dernier exemple en date est celui de 2015, l’Alliance Lepep, surfant sur la vague de la victoire aux élections générales, pour donner les élections municipales qui ne devaient avoir lieu qu’en 2018. Le PTr a également fait de même en 2005, après sa victoire aux élections générales alors que les élections ne devaient avoir lieu qu’en 2006.

Timide réaction des conseillers de village

Quand le gouvernement PTr-PMSD avait renvoyé les municipales et villageoises en 2012, certains conseillers avaient protesté, notamment en rendant leur tablier, à l’instar du Travailliste Clency Lajoie à Curepipe. Toutefois, rien n’indique qu’il y aura une réaction similaire au niveau des conseils de village.  Vikram Hurdoyal, président du conseil de district de Flacq, explique que les lobbys pour lui trouver un successeur avaient démarré. « L’extension des mandats est une bonne chose, car les présidents auront l’occasion de compléter les projets », dit-il, tout se disant prêt à céder sa place s’il n’a plus le soutien de son conseil. Sunael Purgus, président du conseil de district de Pamplemousses, explique qu’il n’a pas encore eu l’occasion d’en discuter avec les conseillers de son village, Fond-du-Sac. « Nous ne savons pas trop ce qui se passe. On verra, mais si les mandats sont étendus, nous continuerons à travailler », déclare-t-il.

D’autres, à l’instar de Prembhoodas Ellayah, président du conseil de district de Rivière-du-Rempart, préfèrent ne pas s’étendre sur le sujet : « Nous ne savons pas où nous en sommes. Il faut attendre que la loi soit votée pour commenter. »

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