La hausse du prix du diesel est un nouvel élément qui s’ajoute aux divers défis que doivent relever les PME. Le coût d’opération pourra-t-il être allégé avec la mesure de remboursement dont se chargera la Mauritius Revenue Authority ? Le point.
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Taux d’intérêt, main-d’œuvre, trésorerie, inflation…les PME qui ont suffoqué durant la pandémie de Covid-19 sont confrontées à plusieurs obstacles de taille en cette année 2023. Un autre facteur, et pas des moindres, intègre cette liste de défi : il s’agit du prix des carburants. Le litre de diesel fixé à Rs 63,95 le 7 octobre dernier coûte Rs 3,95 de plus que la semaine précédente. Le litre de l’essence retrouve son prix initial de Rs 69. Ravin Bara, de Recruitment Leaders Ltd, explique que les carburants sont un composant important des dépenses des PME. « Les PME utilisent beaucoup de transport pour leur livraison, le marketing ou le transport de leur salarié. Cela peut compter entre 10 à 15 % dans certains cas de leurs dépenses », indique-t-il.
Les PME sont des épines dorsales de l’économie mauricienne
Oumila Sibartie, de Lineage Investment Services, souligne que la révision des prix du carburant aura un impact sur les PME, toutefois, cela dépendra de la quantité de carburant utilisée. La hausse de Rs 9,4 du litre du diesel en une semaine devrait, selon Ravin Bara, influer sur le coût de production des PME. Et c’est là qu’intervient toute la question autour de cette mesure de remboursement dont a fait ressortir le ministre des Finances. Les Rs 5 qui seront proposées visent-elles à compenser l’augmentation de Rs 9,4 ? Oumila Sibartie nuance que ce chiffre dépend de l’analyse économique du ministère. Toutefois, Ravin Bara insiste sur le fait que cette subvention n’est guère suffisante. « À Rs 63,95 le litre, le prix du diesel est déjà élevé. Il faudrait connaître les modalités pour ce remboursement. Sera-t-il effectué au montant de l’achat du diesel ? Il faudra bien trouver de l’argent pour le payer. Pourquoi avoir monté le prix pour ensuite proposer un remboursement ? », se demande-t-il.
De son côté, Sanjay Mungur, fondateur et CEO de FinClub, est d’avis que l’impact de ce remboursement sera minimal. Le coût supérieur du litre du diesel est un nouveau coup dur pour les PME, d’autant plus que, comme le fait observer Oumila Sibartie, les PME sont des épines dorsales de l’économie mauricienne. Il est important, selon Sanjay Mungur, d’assurer le maintien, voire de faire évoluer la contribution des PME au Produit intérieur brut (PIB) du pays. Or, d’après Ravin Bara, la trésorerie des PME est loin d’afficher une santé rayonnante, car celles-ci restent vulnérables à n’importe quelle secousse.
Amar Deerpalsing, président de la Fédération des PME : « Les coûts de production seront impactés par la hausse du prix du diesel »
Comment évaluez-vous la trésorerie des PME trois ans après l’épisode de la Covid-19 qui avait lourdement impacté celles-ci ?
La situation dans certains secteurs s’est améliorée. Les PME qui n’ont pas pu franchir le cap de la stabilité ont été contraintes de mettre la clé sous le paillasson. Il convient de souligner que les PME ont dû s’endetter pour survivre. Les taux d’intérêt sont très élevés aujourd’hui, ce qui amplifie le poids pour le service de la dette. Les statistiques officielles démontrent qu’il y a un affaiblissement du secteur des PME. Leur contribution au PIB du pays a chuté tout comme leurs effectifs, par rapport à la période pré-covid. Ce sont là des signes clairs.
Le Petroleum Pricing Committee (PPC) a récemment révisé les prix des carburants à la hausse. Cela va-t-il influencer le coût d’opération des PME ?
Tout ce qui est lié au transport coûtera plus cher. Certaines PME font de la sous-traitance pour transporter leurs marchandises. Les prix pour les différents déplacements seront majorés. De ce fait, ce sont les coûts de production qui seront impactés et, au final, ce sont les consommateurs qui paieront le prix.
Une catégorie sélectionnée d’opérateurs, d’entrepreneurs et d’entreprises susceptibles d’être financièrement affectés par cette révision devrait, selon le ministre des Finances, bénéficier d’un remboursement de Rs 5 sur chaque litre de diesel. Ce montant est-il suffisant selon vous ?
Cela sera bénéfique, mais il est essentiel de comprendre le processus de remboursement. Comment ce système fonctionnera-t-il pour ceux qui n’utilisent pas directement le diesel ? Comme je l’ai dit plus haut, il y a, en effet, des usines qui sous-traitent le transport de leurs produits à des fins d’exportation. Les planteurs de cannes transportent également leurs récoltes par l’entremise d’une autre compagnie. Il semblerait que les prix seront renégociés en fonction de la majoration. Quel sera le calcul dans ces cas de figure ? Certaines PME assurent également le transport de leurs employés via une compagnie de logistique.
Dans le passé, plusieurs voyaient les PME comme l’épine dorsale de l’économie mauricienne. Quel regard jetez-vous sur cela ?
Effectivement, plusieurs voulaient faire des PME l’épine dorsale de l’économie locale. Auparavant, elles pesaient pour 55 % de l’emploi global dans le secteur privé. Ce taux a chuté à 46 %. Idem pour la contribution des PME au PIB qui est passée de 40 % à 34 %. À n’en point douter la pandémie a, entre autres, influencé ces chiffres. Les PME ont été davantage affectées par la Covid-19 que les grandes entreprises. Le gouvernement compte un 10-year plan dans lequel il ambitionne d’augmenter la contribution des PME au PIB. Or, c’est l’inverse qui s’est produit.
Le prix de l’essence décortiqué
Décembre 2020
L’essence : Rs 44
Diesel : Rs 35
Avril 2021
L’essence : Rs 48,40
Diesel : Rs 35
Juillet 2021
L’essence : Rs 50,70
Diesel : Rs 37,30
Décembre 2021
L’essence : 55,75
Diesel : Rs 41
Février 2022
L’essence : Rs 61,30
Diesel : Rs 45,10
Avril 2022
L’essence : Rs 67,40
Diesel : Rs 49,60
Mai 2022
L’essence : Rs 74,10
Diesel : Rs 54,55
Juin 2023
L’essence : 69
Diesel : Rs 54,55
1er Octobre 2023
L’essence : Rs 72,10
Diesel : Rs 60
7 Octobre 2023
L’essence : 69
Diesel : Rs 63,95
Paroles aux entrepreneurs
Kenny Heeramun, propriétaire de Krispy Bread Bakery & Pastry : «La subvention ne représente que 0,4 % de soulagement pour la boulangerie»
Aujourd’hui, le diesel en tant que coût de production du pain contribue à hauteur de 18 % du prix du produit, indique Kenny Heeramun, boulanger. « Cela signifie que pour chaque pain vendu, le coût du diesel nécessaire à sa fabrication atteint 47 sous, ce qui est très important. De plus, il y a les frais de livraison où le diesel est à nouveau utilisé pour le transport », indique-t-il.
Ainsi, il estime que la subvention de Rs 5 est insuffisante. « Elle ne représente que 0,4 % de soulagement pour la boulangerie sur les 18 % de coût du diesel. Il est impossible de maintenir l’entreprise de cette manière. Soit les boulangeries fermeront, soit elles se tourneront vers la production de pains de luxe uniquement à un prix très élevé, obligeant ainsi les clients à n’acheter que cela », prévient-il. Dans cette situation, il soutient que les autorités doivent prendre des mesures efficaces pour permettre aux boulangers de poursuivre leurs activités. Il recommande, entre autres, d’augmenter le prix du pain ou de fournir d’autres aides fiscales pour contrer les augmentations du prix du diesel. « Le pain est un élément essentiel du quotidien des Mauriciens. Par conséquent, il est vital d’assurer la pérennité de ce produit », ajoute notre interlocuteur.
Shameen Sahadut, porte-parole de l’Association des propriétaires de vans scolaires : «Malgré la subvention, la hausse de Rs 4,40 est toujours d’actualité».
Shameen Sahadut exprime son approbation quant à l’intention du gouvernement d’accorder une subvention sur le diesel aux petits opérateurs.
Cependant, il souligne que le prix du diesel avait augmenté de Rs 9,40 en une semaine. « Une subvention de Rs 5 sera accordée sur chaque litre, mais nous devons toujours faire face à la différence, soit une augmentation de Rs 4,40. C’est une hausse significative pour les petits opérateurs », affirme-t-il.
Pour le moment, aucune augmentation des tarifs n’est prévue à court terme. « Au sein de l’association, nous n’avons pas le pouvoir d’imposer une révision des tarifs à la hausse. Cependant, les propriétaires peuvent négocier avec les parents en ce qui concerne une éventuelle majoration », fait-il comprendre.
Vinita Luchmun Roy, directrice de Go For Veggies : «La subvention aurait dû être accordée sur l’essence également»
Go For Veggies est une petite entreprise locale qui se spécialise dans la fabrication de snacks surgelés entièrement végétariens. Vinita Luchmun Roy, la directrice, explique que, étant donné qu’il n’y a pas de magasin physique, leurs produits sont livrés directement à domicile et sur les lieux de travail. « La hausse du prix de l’essence a donc un impact direct sur nos coûts. Notre budget mensuel tourne autour de Rs 3 000 à Rs 4 000 pour la livraison », indique notre interlocutrice. Pour elle, la subvention aurait dû être accordée sur l’essence également. « Il y a de nombreuses PME qui effectuent des livraisons dans leurs voitures fonctionnant à l’essence, mais elles sont négligées », déplore-t-elle.
Elle indique qu’il faudra compter entre Rs 75 et Rs 150 pour les frais de livraison. « Je ne peux pas augmenter davantage mes tarifs, car je risque de perdre des clients. Ainsi, je vais devoir subir la hausse du prix de l’essence », souligne-t-elle. Toutefois, elle n’aura pas d’autre choix que d’augmenter les prix de ses produits l’année prochaine.
Moseeb Soobhun , chauffeur de taxi : «95 % des chauffeurs de taxi qui utilisent de l’essence ne recevront pas de soutien»
Moseeb Soobhun ne cache pas son mécontentement. « Le prix de l’essence était déjà très élevé. Une nouvelle augmentation est venue comme un coup de massue », déplore-t-il. Ce dernier affirme que la subvention du gouvernement n’apportera pas de soulagement dans son secteur d’activité. « 95 % des chauffeurs de taxi utilisent de l’essence. Ainsi, ils ne pourront pas bénéficier de la subvention qui est applicable uniquement au diesel », fait-il ressortir. Il dit dépenser en moyenne Rs 1 000 par jour, soit Rs 30 000 par mois, en essence. « C’est une somme énorme pour un petit opérateur », conclut-il.
Sharanaz Subratty, directrice de Casting World Ltd : «Exempter les PME de la hausse du prix du carburant aurait été plus approprié»
Au lieu d’accorder un subside de Rs 5 sur chaque litre de diesel aux PME, le gouvernement aurait dû exempter les PME de la hausse des prix du carburant. C’est ce qu’affirme Sharanaz Subratty. « Les PME ont déjà beaucoup à faire avec un personnel restreint. Maintenant, avec le processus de remboursement par la Mauritius Revenue Authority, c’est une autre responsabilité qui s’ajoute sur le dos des entrepreneurs », avance-t-elle. Par ailleurs, elle souligne que l’augmentation du prix du carburant sera accompagnée par une série d’effets dominos. « Il faudra désormais prévoir un budget additionnel pour le transport des employés. Les prix des matières premières risquent également d’augmenter », fait-elle ressortir. Elle fait remarquer que les PME contribuent à la croissance économique du pays. « Il faut que nous ayons le soutien nécessaire pour pouvoir progresser », appuie-t-elle.
Elle précise que sa PME, spécialisée dans la décoration intérieure, utilise l’essence ainsi que le diesel.
Sailesh Chuttoo, propriétaire de ‘contract van’ : «Mieux vaut une petite subvention que rien»
Sailesh Chuttoo est propriétaire d’un «contract van» et détient également un permis pour transporter des touristes. « Cette activité est ma principale source de revenus. Chaque mois, je dépense en moyenne Rs 20 000 en diesel. Cependant, avec la récente augmentation des prix, le budget carburant va encore s’alourdir », explique-t-il. Dans cette industrie hautement concurrentielle, il reconnaît qu’il ne peut pas augmenter les tarifs de ses courses, car il risquerait de perdre des clients. « Ainsi, je suis contraint de travailler avec un manque à gagner sur mes revenus », souligne notre interlocuteur. Néanmoins, il accueille favorablement la décision du gouvernement d’accorder une subvention de Rs 5 par litre de diesel aux entrepreneurs. « Ce n’est peut-être pas suffisant pour compenser la hausse des prix, mais c’est toujours un soulagement au lieu de ne rien recevoir », conclut-il.
Yoshika Jogeeah Bhimsen, cosmétologue : «Ceux qui bénéficieront d’une subvention seront soulagés»
Yoshika Jogeeah avoue qu’elle a été choquée par la hausse du prix du carburant. « Suite à la révision du prix de l’essence le 1er octobre, j’ai dû revoir tous les tarifs. Cependant, lorsqu’une baisse a été annoncée sur le prix de l’essence une semaine après, cela m’a apporté un sentiment de réconfort », dit-elle. Selon elle, en cette période où le volume de travail est assez élevé, la cherté du prix du carburant ne pose pas vraiment un problème. « D’ailleurs, il ne faut pas oublier que le prix à Maurice est inférieur par rapport aux prix pratiqués dans d’autres pays », fait-elle ressortir. Par exemple, poursuit-elle, le diesel coûte Rs 88,54 le litre en France. « Ceux qui bénéficieront d’une subvention à Maurice seront certainement soulagés », dit-elle.
Diavin Gopal, directeur de Shriyai Ltd : «Des incitations pour l’achat de véhicules électriques seraient bénéfiques»
En tant que jeune entrepreneur à la tête d’une société de marketing digital, Diavin Gopal et son équipe se consacrent à la création de contenus pour les entreprises. « Cela signifie que nous devons nous déplacer fréquemment et dépenser beaucoup d’argent en carburant », explique-t-il. Ces déplacements sont nécessaires pour réaliser des séances de photos, des tournages vidéo et d’autres activités sur toute l’île. « Une subvention sur le carburant serait la bienvenue. Cela nous permettrait de réaliser des économies et d’investir davantage dans l’entreprise pour favoriser sa croissance », ajoute-t-il.
Diavin Gopal souligne également que des incitations et un soutien pour l’achat de véhicules électriques pour les PME seraient bénéfiques. « La transition vers les véhicules électriques est une démarche durable, mais elle demeure coûteuse. Maurice devrait développer son réseau de bornes de recharge électrique à travers le pays, à l’instar de ce qui se fait en Europe », affirme-t-il.
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