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Relativité salariale : les PME plaident pour un soutien gouvernemental renforcé

Les PME craignent une réticence des travailleurs face aux heures supplémentaires.
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L’augmentation récente des salaires suscite des inquiétudes parmi les petites et moyennes entreprises (PME). La hausse des coûts et la pression accrue sur la trésorerie pourraient freiner l’innovation et même conduire à des fermetures d’entreprises. Les entrepreneurs plaident pour un soutien gouvernemental renforcé et des réformes pour atténuer ces défis.

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Nitish Rama.

Nitish Rama, directeur de The Formula dans le secteur du textile, compte actuellement une soixantaine d’employés, dont 25 Mauriciens. « Depuis le début de l’année, lorsque les salaires ont été revus à la hausse, j’ai constaté que les travailleurs ne sont plus disposés à faire des heures supplémentaires. Or, avant, c’étaient eux qui venaient vers moi pour demander des heures supplémentaires », explique-t-il. Cette réticence, poursuit-il, cause des retards dans la livraison des commandes. Les salaires de base que touchent les employés sont déjà suffisants pour leur survie. Avec une nouvelle augmentation de salaire, la situation risque de s’aggraver, craint-il. « 100 % de la production est exportée. Nous avons des délais très stricts à respecter. Nous ne pourrons pas respecter les délais de livraison sans heures supplémentaires », ajoute-t-il.

Le président de SME Chambers, Ajay Beedassee, abonde dans le même sens. « Lorsqu’il y a une commande d’urgence, les employés ne sont pas motivés à travailler des heures supplémentaires », déplore-t-il. Du reste, même si les employés étaient disponibles, les PME n’auraient pas la capacité de payer des heures supplémentaires, dit-il. Sharanaz Subratty, directrice de Casting World, qui emploie une dizaine d’employés, déplore le même problème. « Je serai obligée de refuser des commandes urgentes, car les employés ne seront pas intéressés à faire un effort supplémentaire. Ils toucheront déjà un salaire décent », souligne-t-elle.

Manque à gagner sur les revenus

Ajay Beedassee explique que les salaires pèsent déjà lourdement sur les coûts des PME. « Nous subissons un grave problème de trésorerie, ce qui impacte sévèrement nos revenus », martèle-t-il. Avec une nouvelle augmentation, il craint une dégradation de la situation. 

Dans le textile, souligne Nitish Rama, les commandes sont passées au moins six mois à l’avance à des prix déjà établis. « Ainsi, nous ne pouvons pas inclure la nouvelle hausse salariale dans le prix décidé par l’acheteur. Sinon, nous risquons de perdre des clients. » Par conséquent, ce sont les entreprises qui doivent absorber la hausse des salaires, ce qui entraîne un manque à gagner sur les revenus. 

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Sharanaz Subratty.

Sharanaz Subratty partage cet avis. « Le prix est déjà convenu avec le client au préalable. Nous devrons donc travailler avec une cotation déjà faite alors que les coûts augmentent. Ce sera un manque à gagner énorme pour l’entreprise », déplore-t-elle.

Endettement

Pour honorer le paiement des salaires à la fin de chaque mois, de nombreuses PME recourent à des emprunts. Le directeur de The Formula explique que le soutien financier accordé par le gouvernement n’est pas suffisant : « Du coup, nous nous retrouvons avec un niveau d’endettement plus élevé. » Ajay Beedassee ne dira pas le contraire : « Nous sommes déjà endettés à cause des prêts contractés pendant la crise financière de COVID. » Pour sa part, la directrice de Casting World souligne qu’avec la hausse des coûts, les PME ne sont pas en mesure d’honorer les remboursements. « Une nouvelle augmentation des salaires mettra davantage les entreprises en difficulté », dit-elle.

Moins de capacité d’investir dans l’innovation 

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Ajay Beedassee.

Avec un manque à gagner sur les revenus et un niveau d’endettement plus élevé, les entrepreneurs affirment qu’ils ne disposeront plus de fonds pour investir dans l’innovation et le développement. Nitish Rama explique que dans son domaine, il a besoin de jeunes diplômés pour travailler dans le département de R&D. « Cependant, à présent, je suis incapable de payer un salaire de base de Rs 25 000 à un jeune diplômé sans expérience. Je ne vais pas prendre le risque de former un jeune qui pourrait quitter le poste dans quelques mois », avance-t-il. Pour lui, il serait plus approprié d’employer un étranger et d’offrir un salaire de base de Rs 20 000. « Par conséquent, je ne pourrai pas innover avec le soutien des jeunes », fait-il ressortir. Le président de SME Chambers ajoute que la hausse salariale grève tous les profits des PME. « Nous n’avons plus de marge pour investir dans les nouvelles technologies et améliorer la production », souligne-t-il.

Des fermetures à l’horizon

Selon nos interlocuteurs, avec une hausse salariale, de nombreuses PME ne seront pas en mesure de continuer à opérer. « Les grandes entreprises ont les moyens de se délocaliser et de s’implanter dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est moins élevé. Mais les PME, n’ayant pas cette capacité, seront contraintes de fermer leurs portes », prévient Nitish Rama. Ajay Beedassee et Sharanaz Subratty estiment que les fermetures des PME continueront. « Il n’y a pas de doute qu’il y aura des fermetures d’ici la fin de l’année, puisque beaucoup de PME ne pourront pas supporter ce fardeau », est-elle d’avis.

Les attentes

  • Revoir le soutien financier de l’État pour le paiement des salaires

L’aide financière du gouvernement, jusqu’à Rs 3 000 par employé, pour le paiement des salaires, n’est pas suffisante, estiment les entrepreneurs. « Avec la nouvelle grille salariale, nous nous attendons à ce que le gouvernement revoie à la hausse l’aide accordée aux PME », indique Nitish Rama. 

Par ailleurs, Ajay Beedassee pense que le gouvernement aurait dû consulter les PME et annoncer les aides avant de faire des annonces. « Nous ne savons même pas si nous serons aidés pour la nouvelle augmentation », dit-il. Sharanaz Subratty précise que sans aides financières, beaucoup de PME risquent de disparaître.

  • Encourager la main-d’œuvre étrangère

Pour le directeur de The Formula, l’augmentation des salaires doit s’accompagner d’une hausse de la productivité. « Mais avec les Mauriciens, on peine à croître la productivité. D’abord, les jeunes ne sont pas intéressés à rejoindre le secteur textile et, même s’ils le font, c’est pour une courte durée », soutient-il. Ainsi, il estime qu’il faut ouvrir davantage la porte aux travailleurs étrangers. « Les procédures pour recruter des étrangers sont trop compliquées. Il faut les simplifier », suggère-t-il. 

La directrice de Casting World explique que malgré une bonne rémunération, les jeunes Mauriciens recherchent du confort et du temps libre : « On doit ainsi compter sur les étrangers si l’on veut vraiment développer le secteur. »

  • Rendre les prêts plus accessibles

Face à un problème de trésorerie, de nombreuses PME sont contraintes de solliciter des emprunts pour honorer leurs engagements financiers. Or, il n’est pas facile d’obtenir des prêts auprès des banques commerciales. « Il y a certes des prêts à des conditions préférentielles proposés par la DBM, mais les procédures sont trop longues. Il faut simplifier les formalités », proposent les entrepreneurs. Ils souhaitent aussi qu’une certaine flexibilité soit accordée aux PME concernant les modalités de remboursement.

 

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