Le gouvernement n’a pu faire adopter son projet de réforme électorale cette semaine, ayant refusé d’apporter immédiatement des amendements qui auraient pu rendre le MMM notamment plus conciliant. Le point de la discorde de ce parti avec le gouvernement demeure le mode de calcul pour l’allocation des sièges à la proportionnelle. Le rapport Sachs de 2002 sur la réforme électorale était aussi sévère sur cette même formule.
La réforme électorale est en suspens. La principale raison : le gouvernement du Mouvement socialiste militant (MSM) et du Muvman Liberater n’a pu réunir les 52 votes nécessaires pour atteindre la majorité de trois quarts pour amender la Constitution. Le gouvernement possède 45 votes si tous ses membres votent pour. Ce qui a incité le Premier ministre à remettre à plus tard l’examen en comité du texte de loi. Un moyen de se donner quelques mois de répit pour trouver un terrain d’entente avec le Mouvement militant mauricien (MMM) afin de pouvoir atteindre la majorité de trois quarts.
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Ce qui bloque la réforme, c’est surtout le mode d’élection et le nombre de sièges pour la représentation proportionnelle (RP). Le gouvernement propose 12 élus RP, plus six à 10 élus additionnels choisis par les leaders des partis. Sauf que pour calculer le nombre de sièges RP obtenus par un parti, le gouvernement a opté pour la formule du vote parallèle : le pourcentage des votes obtenus par tous les candidats du parti sera appliqué aux 12 sièges. Un parti avec 50 % de votes au niveau national, par exemple, décrocherait six sièges RP.
The PR Model A suffers from the grave defect that it would hardly touch on the disproportionality emanating from the present system.»
Ce qui dérange dans cette formule, c’est que ces sièges seraient alloués sans prendre en considération le nombre de sièges déjà obtenus au First-Past-The-Post. Il n’y aurait donc pas de correction des injustices du système électoral, qui est pourtant la raison même pour laquelle l’introduction d’une dose de proportionnelle est réclamée depuis des années. Le gouvernement va plus loin avec les six à 10 sièges additionnels : ils doivent rétablir l’écart du nombre de sièges entre la majorité et l’opposition et diluer davantage l’impact de la RP.
mode parallèle
Le MMM n’est pas le seul à critiquer ce mode parallèle. Dans son discours prononcé à l’Assemblée nationale mardi soir, le Premier ministre a cité le rapport du Sud-Africain Albie Sachs, qui avait été commandité par le gouvernement MSM/MMM en 2002. Il a évoqué le fait que Sachs estime que le mode parallèle, baptisé PR Model A, est « easy to implement and guaranteeing continuation of the stability offered by the present system ».
C’est toutefois la phrase qui suit et qui est la plus édifiante que le Premier ministre a omis de citer : « According to its critics, however, it suffers from the grave defect that it would hardly touch on the disproportionality emanating from the present system. »
Sachs avait demandé au commissaire électoral de faire des simulations de l’impact du modèle A sur les élections de 2000. L’alliance MSM/MMM avait obtenu 52,3 % des votes, mais elle avait décroché 82,6 % des sièges de l’Assemblée nationale. Avec le modèle A et un total de 30 sièges PR, l’alliance gouvernementale aurait obtenu 76,04 % des sièges de l’Assemblée nationale, un chiffre encore très supérieur au pourcentage de votes acquis.
L’alliance du Parti travailliste et du Parti mauricien Xavier Duval (PMXD) avait obtenu 36,95 % des votes mais seulement 11,43 % des sièges. Avec le modèle A, elle aurait obtenu 19,79 % des sièges. « If only a maximum of 20 seats are added, the disproportionality would be even greater », prévient même Albie Sachs.
Le Sud-Africain souligne l’importance d’avoir une opposition qui atteint au moins 25 % des sièges à l’Assemblée nationale si elle obtient le nombre de votes requis : « The significance of the figure for the Opposition is that it is substantially below 25 % and accordingly would fail to provide the Opposition with sufficient votes to block constitutional amendments. The point of requiring a 75 % majority for important constitutional amendments is that such an elevated vote is presumed to manifest a high degree of national consensus. The objective is not to place undue hurdles in the way of constitutional reform but to encourage the degree of give-and-take that leads to national consensus. »
Le verdict de Sachs est alors sans appel : « In our view, any dose of proportionality which would have the result of leaving a party with up to 40 % of the votes unable to insist on negociations and consensus for constitutional amendments, falls radically short of what is required, and cannot be supported. »
Pourquoi l’opposition a rejeté la proposition de réforme
Pour le MMM, les choses sont claires : pas question de voter pour un système de RP qui ne rétablit pas les distorsions du First-Past-The-Post. C’est justement ce que propose le gouvernement en choisissant le mode parallèle plutôt que le mode compensatoire pour l’attribution des sièges RP, sans compter les sièges additionnels qui ont pour vocation de conserver l’écart entre majorité et opposition. Reza Uteem a bien résumer la position de son parti sur ce point : « Donner c’est donner, reprendre c’est voler. Le gouvernement donne des sièges à la RP pour ensuite les reprendre. »
Le député a aussi exprimé ses inquiétudes quant à l’élimination du First Schedule de la Constitution. Cette partie du texte mentionne un « fair and adequate representation of each community », qui ne figure nulle part dans le nouveau First Schedule proposé par le gouvernement.
Puis il y a le Parti mauricien social-démocrate (PMSD), qui est aux antipodes de ce que propose le gouvernement sur la réforme électorale. Pour ce parti, le cœur du problème réside dans ce qu’il appelle la discrimination institutionnalisée envers la communauté créole. Une discrimination qui prend source dans le découpage inapproprié des circonscriptions qui diluerait le vote de cette communauté. D’où les attaques directes contre l’Electoral Boundaries Commission (EBC), institution chargée de redessiner les contours électoraux tous les dix ans. Le prochain rapport de l’EBC sera soumis l’année prochaine.
Autre sujet que le PMSD lie à la discrimination : l’abolition du Best Loser System (BLS). Xavier-Luc Duval s’est clairement prononcé contre l’abolition du système dans le discours qu’il a prononcé à l’Assemblée nationale ce mardi. Il considère le BLS comme le rempart à ces discriminations. Il a donc imposé une condition à son élimination : la disparition de la discrimination. La seule solution qui s’offrirait à l’État, dans un tel cas de figure, serait d’amorcer un retour vers le recensement communal, dont le dernier remonte à 1972, le processus ayant été aboli par le gouvernement MMM/PSM en 1982.
Quand au chef de file du Parti travailliste à l’Assemblée nationale, Shakeel Mohamed, il a argué que « l’idéal serait un système indifférent aux appartenances de communauté ». Il a expliqué sa préférence pour un système ne donnant pas un sentiment d’exclusion aux minorités. Il s’est également prononcé contre le fait que les leaders se substituent au vote de la population pour le choix des sièges additionnels qui remplacent le BLS.
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