
Dave Kissoondoyal passe à l’offensive sur le terrain juridique et diplomatique. Il dénonce une menace grave aux droits fondamentaux des citoyens mauriciens et saisit six instances internationales, espérant faire pression sur le gouvernement.
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Après avoir suspendu sa grève de la faim entamée en protestation contre la réforme de la Basic Retirement Pension (BRP), Dave Kissoondoyal ne désarme pas. À 59 ans, l’ex-militant du Mouvement militant mauricien (MMM) et désormais fondateur de l’ONG STOP (Sans Tous ou Pension), entend désormais mener la bataille sur le terrain judiciaire.
« C’est la Cour suprême qui tranchera sur la BRP, et non le gouvernement », affirme-t-il, convaincu que la justice pourra freiner la mise en œuvre progressive de cette réforme, qui fait passer l’âge d’éligibilité de 60 à 65 ans. Il prévoit de déposer une contestation une fois que le Finance Bill, actuellement débattu au Parlement, sera voté et entrera en vigueur le 1er août 2025.
Entre-temps, il affirme avoir saisi six instances internationales : le Rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits humains, l’Organisation internationale du travail (OIT), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU (CESCR), HelpAge International, le PNUD et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Il les interpelle sur la violation présumée des droits fondamentaux, notamment des articles 9 et 11 du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (ICESCR), et des articles 16 et 18(4) de la Charte africaine.
Dave Kissoondoyal dit douter de la légitimité de cette réforme. S’appuyant sur des précédents judiciaires, il évoque notamment l’affaire de la carte d’identité biométrique, suspendue à l’époque par la Cour suprême « jusqu’à ce que le fond du dossier soit tranché ». Il espère que le même mécanisme juridique pourrait s’appliquer ici, en invoquant l’intérêt public.
« Même s’il y a séparation des pouvoirs, la Cour suprême peut, dans certaines conditions, demander au législatif de ‘hold on’. Ce sera une bataille rude, mais qui mérite d’être menée pour tous les Mauriciens », déclare-t-il.
« Je ne suis pas contre la réforme »
Selon lui, cette réforme s’attaque à un droit acquis depuis plus de 50 ans, sans réelle concertation avec les parties concernées. « Je ne suis pas contre la réforme en soi, mais il fallait consulter tous les stakeholders. Pourquoi ne pas commencer par revoir les pensions à vie des anciens élus ? Leur contribution est de 6 %, et pourtant, ils touchent des millions de roupies. Et c’est la pension des plus vulnérables qu’on ose toucher ? »
À ceux qui l’accusent de « rouler pour le MSM », sa réponse est tranchante : « Je ne roule pour aucun parti. J’ai quitté le MMM il y a un an. Mon seul engagement aujourd’hui, c’est STOP. » Il dénonce une classe politique dans son ensemble qu’il tient responsable de l’évolution actuelle du système de retraite.
Interrogé sur la demande de vote secret formulée par la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) pour le passage du Finance Bill, Dave Kissoondoyal estime cette option impossible dans le cadre actuel : « Le vote secret n’est pas prévu par les Standing Orders. Je demande qu’on ‘split the votes’, pour que les parlementaires soient redevables de leur choix. »
Bien qu’il soit lui-même concerné par la BRP dans un avenir proche, Dave Kissoondoyal insiste : sa lutte ne vise pas son cas personnel. « Je me bats pour ceux qui devront attendre cinq ans de plus. Moi, je m’en fiche de ma pension. C’est pour eux que je suis allé jusqu’à mettre ma santé en danger. »
Il confie avoir mis fin à sa grève sous la pression de ses proches. « Ma femme et ma fille, qui vient de se marier, m’ont supplié. Ma santé se dégradait, les médecins ont conseillé l’arrêt. J’ai décidé de continuer autrement. » Désormais en convalescence, il se dit prêt à poursuivre la lutte, cette fois devant les tribunaux.
Les syndicats organisent un forum-débat ce mercredi
Après deux mobilisations de rue, les syndicats ne désarment pas face à la réforme des pensions annoncée dans le dernier Budget 2025-26. Ce mercredi, la Platform Komun Sindikal organise un forum-débat citoyen à Belle-Rose, de 13 heures à 16 heures pour faire entendre sa voix autrement. Objectif : continuer la lutte contre le report de l’âge de la pension universelle à 65 ans.
Autour de la table, des avocats, économistes, syndicalistes et politiciens débattront de cette mesure qualifiée de « précipitée » par Clency Bibi, président de la General Workers Federation. Lors d’une conférence de presse tenue lundi à Port-Louis, il a dénoncé une décision prise sans réelle concertation et au détriment des travailleurs les plus vulnérables. Le débat s’annonce d’autant plus urgent que le Finance Bill, qui entérinera cette réforme, est à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ce mardi.
Autre sujet de discorde : l’annonce du transport gratuit par le ministre Osman Mahomed. Une mesure jugée secondaire, voire électoraliste, par Lall Dewnath, président de l’Artisan and General Workers Union (AGWU). Selon lui, cette promesse coûtera environ Rs 25 milliards à l’État, un manque à gagner qui pourrait être évité. « Le gouvernement ferait mieux de revoir sa position sur l’âge de la retraite », dit-il.

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