Le jugement attendu le lundi 16 octobre par le Privy Council sur les allégations de corruption électorale remet aussi en question les pouvoirs du Premier ministre. Cette question devrait être débattue lors de la conférence constitutionnelle que Rezistans ek Alternativ prévoit d’organiser en novembre.
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La contestation de l’élection de Pravind Jugnauth, ainsi que de ses deux colistiers de la circonscription n°8 devant le Privy Council, soulève la question des prérogatives et de l’ampleur du pouvoir du Premier ministre. Selon de nombreux observateurs, le fait que la décision de fixer la date des élections relève uniquement de la discrétion du Premier ministre déséquilibre fortement le jeu démocratique en période électorale. La question de la concentration excessive de pouvoir entre les mains du chef du gouvernement devrait être examinée sérieusement lors de la conférence constitutionnelle prévue en novembre par le parti de gauche, Rezistans ek Alternativ (ReA).
« Cinquante-cinq ans après notre indépendance, de sérieux problèmes démocratiques se posent avec les pouvoirs que confère la Constitution au Premier ministre », déclare l’ancien juge Vinod Boolell, qui plaide en faveur d’une réforme dans ce sens. Si les différentes formations politiques participant à la conférence constitutionnelle prévue par ReA en novembre entendent aborder cette question, Vinod Boolell soutient qu’il faudrait inscrire dans la Constitution une clause interdisant au Premier ministre de dissoudre le Parlement avant cinq ans, sauf pour des raisons exceptionnelles. « Cela nécessiterait un vote des 2/3 du Parlement. Ainsi, le Parlement serait automatiquement dissous après chaque période de cinq ans », explique l’ancien chef juge.
Ashok Subron, représentant de ReA, qui est parmi ceux qui ont poussé en faveur de l’organisation de cette conférence constitutionnelle, fait un rappel historique. « La Constitution de Maurice à l’époque de l’indépendance a été taillée sur mesure pour sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR). Les Anglais lui ont conféré beaucoup de pouvoir, un pouvoir centralisé qui donnait au Premier ministre une prérogative totale en ce qui concerne les élections. »
Il rappelle également les reports des élections générales et partielles au début des années 70. C’est à partir de l’élection de 1982 que la Constitution de 1968, sous laquelle le Premier ministre avait le pouvoir total de décider quand organiser des élections et quand dissoudre le Parlement, a été modifiée, précise-t-il. « Nous devons remercier la génération des années 70 pour avoir modifié la Constitution en fixant une limite qui obligeait l’Assemblée à se dissoudre automatiquement après cinq ans et à déclencher des élections dans un délai donné. Ainsi, il n’était plus possible de retarder les élections. »
Cependant, il souligne que le pouvoir de fixer la date des élections ou de dissoudre avant cinq ans est resté dans la Constitution. « Nous pensons que c’est une question qui doit être traitée lors d’une conférence constitutionnelle qui comprendra plusieurs forces démocratiques du pays, les syndicats et la société civile, afin d’instaurer un mécanisme pour limiter le pouvoir discrétionnaire du Premier ministre en cas de dissolution prématurée. C’est une question qui doit être discutée lors de cette conférence constitutionnelle. »
Ashok Subron plaide même pour que certaines des prérogatives qui sont actuellement concentrées entre les mains du Premier ministre soient transférées aux membres de l’Assemblée nationale, au leader de l’opposition et aux citoyens mauriciens. Il insiste également sur la nécessité d’une consultation plus démocratique pour les décisions qui vont engager le pays de manière significative, citant l’exemple des discussions en cours entre Maurice, le Royaume-Uni et les États-Unis concernant un accord de 99 ans sur la base militaire de Diego Garcia. « Est-ce une chose normale ? Ne devrions-nous pas consulter le peuple avant de prendre une telle décision ? »
Selon lui, il est essentiel que « nous tombions tous d’accord sur la manière dont nous devons gérer la transition, faire les choses différemment de ce qui a été fait auparavant. Nous devons transcender et penser aux 50 prochaines années. » Ashok Subron mentionne qu’il attend une réponse des membres de l’opposition parlementaire avant de fixer la date de cette conférence constitutionnelle, tout en précisant que plusieurs partis de l’opposition extraparlementaire, tels que le Reform Party, En Avant Moris, Linion Moris, Bruneau Laurette et ses collaborateurs, répondront présents.
Dev Sunnassy de Linion Moris abonde également dans le même sens. Selon lui, la date des élections ne peut être décidée uniquement par une seule personne. Il suggère qu’on s’inspire du modèle américain ou français, où l’on sait exactement quand les élections vont se tenir.
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