Reena Luckputty-Aulleear : « L’art m’a empêché de sombrer malgré mon cancer »

Peintre, poète et auteur, cette enseignante d’art de 38 ans a plus d’une corde à son arc. C’est dans l’art, dit-elle, qu’elle a puisé la force nécessaire pour lutter contre le cancer. Rencontre.

Peu importe son humeur, peu importe les épreuves qu’elle doit traverser, elle n’opte jamais pour des couleurs sombres. Cela a notamment été le cas en 2016, lorsqu’un cancer lui est diagnostiqué. « Mon art a été ma plus grande thérapie. C’est ce qui m’a empêchée de sombrer », raconte Reena Luckputty-Aulleear, 38 ans. Au-delà, confie l’enseignante d’art, la maladie lui a offert l’opportunité de se révéler véritablement et de s’affirmer en tant qu’artiste. 
« Tout arrive pour une raison. Je crois en cet adage », confie l’artiste peintre, poète, auteur, nommée parmi les Most Influential Women of the Year en 2020. Le cancer a provoqué en elle une prise de conscience. « En tant que prof, j’ai toujours tiré mes élèves vers le haut, mais je me suis toujours cachée en tant qu’artiste. » 

Trois ans après que la maladie s’est déclarée, Rena Luckputty-Aulleear a un déclic. « Je lisais beaucoup de Rhonda Byrne, ce qui m’aidait au niveau du mental. J’ai voulu tirer quelque chose de positif de mon combat tumultueux contre le cancer en sortant de l’ombre pour propager de la positivité à travers mes travaux », explique l’artiste.

C’est ainsi qu’elle dépoussière ses vieux calepins qui renfermaient ses travaux de poésie et d’écriture accumulés depuis toute petite. « Je les ai retravaillés et publiés sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, je remercie mes proches, notamment Deepa Bauhadoor et Mehnaz Dowlut, ainsi que les amateurs d’art qui m’ont beaucoup encouragée à travers leurs retours positifs. Cela m’a permis de reprendre confiance en moi. »

De fil en aiguille, l’artiste peintre commence à exposer ses tableaux : « J’utilise uniquement des couleurs vives, notamment des couleurs qui me rendent heureuse, pour propager de bonnes énergies et me sentir proche des éléments comme la nature et l’eau. J’essaie toujours d’intégrer de la positivité dans tout ce que je fais. » Aujourd’hui, tel un phénix qui renaît de ses cendres, « j’avance et j’utilise ma voix pour soutenir la cause que défend l’association Breast Cancer Care Mauritius ».

Cet amour pour l’art est inné chez Reena Luckputty-Aulleear. D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours été une enfant curieuse avec une âme d’artiste. Dès sa tendre enfance, alors que les petits de son âge jouaient à la poupée ou aux billes, elle était fascinée par les astres et le ciel. « En regardant le ciel et les étoiles, je me demandais pourquoi je n’arrivais pas à toucher les étoiles alors que je pouvais les voir. J’ai voulu mettre cela sur papier. C’est ainsi que  crayon à la main, j’ai commencé à dessiner et à gribouiller des poèmes. » dit-elle. 

En grandissant, son âme d’artiste s’affirme. Ses deux oncles, des artistes peintres, l’encouragent à explorer son talent. À l’époque, il n’y avait pas Internet. « Je me rendais à la bibliothèque pour bouquiner et apprendre davantage sur l’univers de l’art. Toutes ces années d’expérience m’ont appris que l’art ne se limite pas seulement à la peinture. L’art se trouve dans tout ce qui est autour de nous. » souligne-t-elle. 

En 2002, aux examens de Higher School Certificate, cette ex-élève du collège Hindu Girls se classe troisième au niveau national en Art & Design. Elle choisit alors d’enseigner cette matière qui lui a tant offert au secondaire. Une carrière à laquelle, pourtant, elle ne se destinait pas. « Mais après mon HSC, il y avait un poste vacant au collège que je fréquentais et je me suis dit pourquoi ne pas me lancer. » Un choix qui suscitera en elle un amour pour l’enseignement. « Cela me permet de vivre de ma passion tout en conservant cette touche humaine avec mes élèves. » 

Elle souligne que tout au long de sa carrière, son professeur d’art a été un exemple pour elle : « Il voyait le potentiel en chaque élève. Il avait vu mon potentiel, il a cru en moi. » À son tour, elle tente d’en faire de même avec ses élèves. « Mon but est d’apporter quelque chose de positif et de marquer chaque élève à travers le partage de la connaissance et des valeurs de la vie. C’est notre devoir d’enseignant. »   

Une éternelle découverte de soi   

L’artiste, qui est connue pour ses peintures abstraites aux couleurs vives, réalisées avec de l’acrylique et des coups de couteau, confie qu’il lui a fallu plusieurs années pour développer sa signature. « Il m’a fallu 20 longues années pour sortir de mon cocon, être à la découverte de soi afin de trouver ma signature et surtout de l’assumer. »

Elle fait ressortir qu’elle travaillait sur plusieurs pièces qu’elle finissait par mettre de côté car insatisfaite du résultat. « Jusqu’à ce que je développe une appréciation pour l’art abstrait avec des couches de peinture épaisses qu’on appelle la pratique de l’impasto. C’est une technique d’empâtement où on peint au couteau. » 

Reena Luckputty-Aulleear soutient qu’elle n’en a pas fini d’apprendre. « Je suis toujours à la découverte de moi-même en tant qu’artiste, cela ne s’arrête jamais. »