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Recommandation du rapport Lam Shang Leen : la commission d’investigation censée supplanter l’Adsu toujours attendue

L'ancien juge Paul Lam Shang Leen avait présidé la commission d'enquête.

La National Drugs Investigation Commission, censée mener des enquêtes, intercepter des colis suspects, procéder à des arrestations, émettre des mandats de perquisition et examiner des documents, entre autres missions, n’a toujours pas vu le jour. Pourtant, c’est l’une des recommandations de la commission Lam Shang Leen en vue de démanteler l’Adsu et de lutter contre le trafic de drogue.

Le démantèlement de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) et la création, à la place, d’une National Drugs Investigation Commission (NDIC) dotée de « special powers ». C’est l’une des principales recommandations faites dans le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen.

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« The commission has recommended the disbanding of the present unit (Adsu ; NdlR) for reasons expatiated therein to come up with a new National Drug Investigation Commission headed by a chairperson having a legal background », peut-on lire dans le rapport. La Dangerous Drugs Act devra être amendée pour que la NDIC puisse opérer.

Où en est-on ? L’idée de mettre sur pied cette commission a-t-elle au moins été étudiée ? Mario Nobin, qui était le commissaire de police à l’époque, a été contacté au téléphone. Mais il est resté injoignable. Le Défi Plus s’est donc tourné vers la cellule de presse de la police. « Nous ne sommes pas disposés à vous donner un quelconque élément de réponse. Veuillez envoyer un courriel au commissaire de police, Anil Kumar Dip, et le nécessaire sera fait », a-t-on obtenu pour seule réponse.

Ranjit Jokhoo, un ancien inspecteur de la Major Crime Investigation Team, fait ressortir que la mise sur pied de la NDIC est loin d’être quelque chose de nouveau, car sir Maurice Rault avait lui-même proposé la création de l’Adsu. « Je pense que la brigade antidrogue a besoin d’une bonne réforme. Certains officiers doivent être mutés dans d’autres unités et certaines choses méritent d’être recadrées pour le bien-être de l’organisme. »

Il est d’avis que les policiers qui sont au service de l’Adsu depuis des décennies doivent plier bagage « car le rapport de la commission d’enquête présidée par sir Maurice Rault stipule clairement qu’un officier de la brigade antidrogue doit être au service de l’unité pendant un laps de temps spécifique. Sans plus ». Selon lui, muter les officiers de l’Adsu dans d’autres unités après un laps de temps permettrait de « briser toute familiarisation avec les trafiquants de drogue ».

Quel sera le rôle de la NDIC ? Elle sera appelée à mener des enquêtes, à intercepter des colis suspects, à procéder à des arrestations, à émettre des mandats de perquisition et à examiner des documents, entre autres. Cette commission, selon le rapport, doit également être pourvue des équipements nécessaires pour mener des analyses de drogue sur le terrain.

Déplacements des mules 

La NDIC devra aussi être dotée de gadgets électroniques afin de suivre les déplacements des mules ; d’outils de haute technologie pour retracer les conversations téléphoniques ; et d’équipements vocaux et vidéo qui seront recevables devant une cour de justice.

Elle devra détenir des véhicules (voitures et motocyclettes) ainsi qu’un personnel adéquat pour suivre les déplacements des trafiquants. Les outils de communication les plus récents devront lui être fournis pour permettre aux officiers d’échanger leurs informations sur une ligne sécurisée, évitant ainsi toute conférence de presse visant à étaler les saisies et l’identité des suspects arrêtés.

L’installation de deux scanneurs à rayons X à l’aéroport SSR de Plaisance devra aussi se faire. Il faudra également affecter un nombre suffisant d’officiers pour manipuler les appareils. Il faudra apporter des amendements à la Dangerous Drugs Act afin de sanctionner tout individu suspect qui refuse de se soumettre au scanneur à rayons X. Il faudra finalement davantage de chiens renifleurs.

La connivence entre des trafiquants et des officiers de l’Adsu mise au jour

C’est prouvé. Certains officiers de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) sont de connivence avec des petits trafiquants de drogue ou parfois même avec de gros bonnets. Le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen, met cet axe en exergue à deux reprises.

« The Commission considers the selection process (le processus de recrutement au sein de l’Adsu ; NdlR) totally unsatisfactory as it breeds a system of clique which as the Head of the Adsu has stated that officers work in closely linked teams and thus the difficulty of rotation of officers and the integration of new corners in a team. This pratice leads to a complete absence of denunciation of sleazy fellow colleagues », souligne le rapport.

Certains officiers de l’Adsu s’adonnent-ils au trafic de drogue ? Chose qui expliquerait le montant du compte bancaire de certains. « (…) From testimony received, there has been complaints that some officers are behaving like condottiere and some members from two units were questionned to give explanation regarding cash deposits in their accounts. An officer in ADSU admits that there is jealousy and backbiting amongst the different teams. Suspects called mentionned witnessing some of the officers substituting drugs and put them on sale », stipule le rapport.

L’ancien responsable du National Security Service (NSS) Dev Jokhoo n’en démord pas : « Les informateurs des officiers de l’Adsu qui, autrefois, n’étaient que des petits trafiquants sont aujourd’hui de gros bonnets. » La relation, poursuit-il, est restée la même au fil du temps et c’est ainsi que le lien est difficile à briser.

Des sources au sein de l’Adsu avancent, sous le couvert de l’anonymat, que la connivence entre trafiquants et officiers comprend plusieurs niveaux. « Swa zot vinn pros kan ena loperasion, swa kan fer ‘case’, ou sinon dimounn met zot an kontak ar bann la. Inn deza arive kan ena enn loperasion ki gard pa sorti depi transpor. Lerla fini konpran. Ou swa ena desann dan van zot dir sipoze zot per pou desann lor terin », fait-on comprendre.

Le Défi Plus a, à maintes reprises, téléphoné à l’avocat Sanjeev Teeluckdharry, dont le nom figure dans le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, pour obtenir une déclaration de sa part. Mais il est resté injoignable.

Son confrère Me Rama Valayden affirme, quant à lui, que c’est l’appât du gain qui attire les officiers de la brigade antidrogue. Il ajoute que certains sont de mèche avec des trafiquants de drogue et que nous avons affaire à une forme d’enrichissement sans cause.

« Ces officiers se trahissent à travers leur train de vie. Comment expliquez-vous que des policiers censés lutter contre le trafic de drogue se permettent de séjourner dans de grands hôtels à Dubaï ou encore d’assister à un match de foot dans la loge VVIP ? C’est une véritable sonnette d’alarme. La commission anticorruption doit agir en vertu de la Prevention of Corruption Act (PoCA) », indique Me Rama Valayden.

Plus critique, le rapport de la commission stipule ceci : « The Commission has been informed that this was due to the acts of handful of greedy, unpatriotic, selfish and corrupt officers, who have so far not been identified to be put behind the bars and certainly who do not deserve to be members of the disciplined force. In fact, ‘c’est le monde à l’envers’, instead of the Adsu relying on informers before planning a raid, it is the traffickers who are forewarned of such raids by informers within the police force. »

Me Rama Valayden : « Introduire la fonction de juge d’instruction »

L’avocat Rama Valayden est d’avis que « toute affaire de drogue devrait être placée sous la responsabilité d’un juge d’instruction », une fonction qui n’existe pas actuellement dans le système mauricien. « Les officiers de l’Adsu devraient non seulement se plier aux ordres des juges d’instruction mais aussi déclarer leurs biens et ceux de leurs proches sur une base régulière. Ces évolutions atténueraient forcément les collusions entre policiers et trafiquants. » Par ailleurs, Me Valayden plaide en faveur du traitement des consommateurs de drogue. « Ils doivent être considérés comme des patients », dit-il. 

 

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