Dans un communiqué publié en préambule du rapport de l’Article IV sur Maurice, le Fonds Monétaire International (FMI) recommande un recalibrage du dosage des politiques macroéconomiques afin d’aider à reconstituer les réserves dont le gouvernement a puisé des fonds face aux chocs de la pandémie. Qu’en pensent les observateurs économiques ? Le point.
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Le Comité de Politique monétaire avait, en novembre 2023, estimé que les réserves internationales officielles brutes (« Gross Official International Reserves » - GOIR) à la fin d’octobre 2023 sont restées à un niveau confortable comme tampon contre les chocs extérieurs. Le GOIR s’élevait à Rs 297 milliards, soit 6,7 milliards de dollars à la fin d’octobre 2023, contre Rs 286,8 milliards (6,5 milliards de dollars) à la fin de la période correspondante de 2022. Les réserves du pays ont grimpé à Rs 321 milliards à la fin de l’année dernière.
Cependant, une analyse externe dont Maurice a droit chaque année, à savoir celle du Fonds Monétaire International dans le cadre de la Mission de l’article IV 2024 apporte un diagnostic de l’économie locale. Sans parti pris ni arrière-pensée, les délégués du FMI suggèrent un « recalibrage du dosage des politiques macroéconomiques pour aider à refaire les réserves qui ont été érodées par la pandémie et pour maintenir la stabilité financière. La reconstitution des réserves macroéconomiques, y compris les réserves de change, contribuerait à renforcer la résistance de l’économie face aux chocs ». Paul Baker, CEO de l’International Economics Consulting, fait comprendre que l’une des préoccupations du FMI est de savoir si la balance courante est viable à long terme. Il affirme qu’il y a un important déficit commercial à Maurice. « Les investissements arrivent, mais ils concernent l’immobilier. Ils ne modifient donc pas la capacité de production à long terme du pays. Le financement de ce déficit sera cumulé. Le FMI souhaiterait que Maurice renforce ses réserves. Je ne sais pas si le secteur bancaire suscite des inquiétudes. Il y a peut-être des prêts non performants. Nous savons que le secteur bancaire est très important et que toute sortie massive de capitaux pourrait déstabiliser l’économie. Le FMI voudrait peut-être disposer d’un plus grand volant de réserves internationales pour tenter d’y remédier », indique-t-il.
Réserves macroéconomiques
Faut-il pour autant aller dans la direction préconisée par le FMI ? L’économiste Sudesh Lallchand est d’avis que le FMI est une institution qui mérite le respect et ses délégués ont constaté l’état alarmant des réserves de Maurice, d’où leur proposition de reconstitution. « Ce n’est pas la première fois que le FMI suggère une telle mesure. L’institution parle de reconstitution de nos réserves en pointant du doigt la Banque centrale, soit là où ces dernières sont gardées », fait-il ressortir. Rien ne garantit, cependant, que la Banque de Maurice, n’adhère à cette proposition. Pour rappel, le gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegolam et le ministre des Finances, Renganaden Padayachy s’étaient opposés à la suggestion du FMI en 2021, alors que l’institution préconisait que la Banque de Maurice se désengage de la MIC.
Toutefois, à en croire Sudesh Lallchand, la recommandation de reconstituer les réserves serait dans l’intérêt du pays, car la FMI suggère de revoir les dépenses publiques et d’en avoir une meilleure gestion. « En mettant des fonds propres dans la Banque centrale, cela aiderait à augmenter nos réserves qui pourront être utilisées en cas de besoin. Par ailleurs, on ne peut qu’être d’accord avec le FMI que le niveau de la dette de Maurice est insoutenable est que le pays a besoin d’une bonne gestion de ses finances », conclut-il.
Questions à...
Vinaye Ancharaz, économiste : « L’idée du FMI est de mettre en garde contre les dépenses exagérées dans le contexte électoral »
Le Fonds Monétaire International (FMI) a publié un communiqué de presse de fin de mission à Maurice. Les conclusions comprennent, entre autres, la reconstitution des réserves macroéconomiques. Concrètement, faut-il différencier les réserves en devises de celles macroéconomiques ?
Les réserves macroéconomiques sont traduites comme le « fiscal buffer ». Dans le concret, cela implique une révision du déficit budgétaire et la manière de dépenser du pays. Il faudra ainsi apporter plus de responsabilité fiscale et de gestion financière. Les revenus engendrés par le gouvernement, soit ceux issus des différentes impositions, devront être gérés correctement. Le gouvernement ne devrait pas s’engager à effectuer des dépenses frivoles. Il convient de souligner que le Fonds Monétaire International (FMI) ne s’ingère pas dans la politique domestique d’un pays. Nous pouvons, cependant, essayer de comprendre les sous-entendus à travers le communiqué qui a été publié. L’idée est de mettre en garde contre les dépenses exagérées dans ce contexte électoral. Concernant les réserves en devises, communément appelées les Gross Official International Reserves (GOIR) et selon le FMI, celles du pays sont assez confortables. La Banque de Maurice doit être prête à intervenir en cas de besoin, c’est là toute l’utilité des GOIR.
Doit-on aller dans cette direction proposée par le FMI, soit de reconstituer nos réserves ?
Il sera effectivement nécessaire de reconstituer les réserves du pays. Le gouvernement dépense sans réfléchir. Ce n’est un secret pour personne que la pension de vieillesse atteindra Rs 13 500 avant la fin de mandat du régime actuel. Cela aura un impact sur les dépenses du gouvernement. Les derniers chiffres publiés par Statistics Mauritius indiquent que 264 000 personnes environ touchent la Basic Retirement Pension (BRP). La charge fiscale mensuelle pour chaque augmentation de Rs 1 000 sur la pension sera de Rs 264 millions. On parle d’un montant de plus de Rs 3 milliards pour 13 mois que le gouvernement devra trouver.
Le fonctionnement et l’utilité des réserves pour un État ressemblent à celui d’un individu ayant épargné une certaine somme d’argent. Elles doivent être utilisées en cas d’urgence. La situation à Maurice est que le gouvernement dépense plus que l’argent dont il dispose. Cela résulte à un déficit budgétaire de 3 % par rapport à notre Produit intérieur brut (PIB). Ce que le FMI préconise, c’est de faire attention et d’établir des priorités.
Un recalibrage des politiques macroéconomiques pourrait selon le FMI permettre cette reconstitution des réserves du pays. Dans la pratique, en quoi constitue ce recalibrage ?
Le rapport complet dans le cadre de l’Article IV n’étant pas prêt, nous avons uniquement lu un communiqué sur la récente visite du FMI à Maurice. Ceci dit, je pense que les délégués du FMI ont en tête le fait que le gouvernement utilise la dépréciation de la roupie comme politique. Cette pratique est dangereuse. L’aspect monétaire inclut un contrôle de l’inflation et la valeur de la roupie. Ces deux éléments sont liés. D’ailleurs, la Banque de Maurice a mis en place une fourchette d’inflation. D’autre part, le côté fiscal comprend le budget. Comme susmentionnée, une maîtrise des dépenses serait souhaitable.
Les réserves de Maurice estimées à Rs 269 milliards en 2019 se chiffrent à Rs 321 milliards. Le niveau de nos réserves est-il en bonne voie ?
Les diverses monnaies disponibles dans le pays sont échangées contre des roupies pour être utilisées dans le calcul des provisions. Par conséquent, toute appréciation des devises se traduit par une augmentation de la valeur des réserves en roupies. Il serait plus approprié de calculer les réserves en monnaies étrangères pour obtenir une valeur plus précise.
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