Maurice participe à la Conférence internationale sur le changement climatique depuis quelques années. Si les politiques s’efforcent d’appliquer les différents engagements pris lors de ces conférences, les Mauriciens commencent, quant à eux, à comprendre les enjeux.
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Le changement climatique, on en a tous entendu parler. Certains pays subissent déjà ses effets : canicule, hiver sans neige, sécheresse dans une partie du globe et inondation dans l’autre, hausse du niveau de la mer, phénomènes climatiques en tous genres... Le changement climatique se manifeste sous diverses formes. Pire encore, si les prédictions les plus pessimistes se réalisent, certains archipels comme les Maldives pourraient disparaître de la carte, de même que certaines parties de notre petite île d’ailleurs, notamment certaines plages. Mais qu’en pensent les Mauriciens ?
C’est dans les rues de Port-Louis que nous leur avons posé la question. Ils étaient tous unanimes : personne n’a ressenti les effets du changement climatique. « Cela ne m’affecte pas dans mon quotidien. Je ne sais pas ce que c’est. J’en ai entendu parler dans les films et les reportages mais je ne l’ai personnellement jamais ressenti », dit en substance la majorité des personnes interrogées.
Écosystème marin affecté
Si les Mauriciens n’ont pas forcément ressenti concrètement les effets du réchauffement climatique qui perçoit ce changement ? À l’échelle de la planète, l’être humain n’est qu’une espèce parmi des millions d’autres. À Maurice, les espèces qui vivent dans la mer sont déjà affectées par le réchauffement climatique.
Pour comprendre cet aspect-là, direction le Sud de l’île, à Pointe d’Esny, où Hanista Jhumun, scientifique, oeuvre pour le projet Lagon Bleu. Elle fait état des dommages subis par le récif corallien et le lagon. « Les coraux sont plus sensibles au changement climatique. Qui dit changement climatique dit aussi changement de température. Et c’est ce qui cause le changement de salinité de l’eau. Cela a aussi un impact sur les nutriments dans l’eau. L’un des premiers effets du réchauffement climatique est la rupture de l’association symbiotique entre le corail et ses zooxanthelles. C’est le blanchiment du corail. Cette menace est directement liée à l’acidification des océans. Ce phénomène est provoqué par la dissolution du gaz carbonique dans les océans, diminuant la calcification des coraux et provoquant la dissolution de leur squelette. »
Quand le récif corallien est endommagé, tout l’écosystème marin est menacé. Car ce sont les coraux qui apportent des nutriments essentiels dans la chaîne alimentaire des espèces marines. L’heure est donc à la restauration du récif corallien. Et Hanista Jhumun d’expliquer qu’il est difficile de rétablir complètement l’écosystème, mais qu’on peut rétablir le récif corallien. « Avec notre projet de coral farming, nous prenons des échantillons de corail déjà abîmés par les passages des bateaux et nous les mettons dans notre nursery qui se trouve dans le lagon. Nous faisons le suivi régulier de la température de l’eau, de la salinité. Dès qu’un échantillon a grandi un peu, nous le transplantons dans un plus grand espace pour qu’il puisse se développer pour former une colonie. »
Conscientisation en cours
Martine Lassémillante, activiste écologique, cherche des idées pour que les citoyens adoptent une attitude plus verte. Elle est la directrice de Belle Verte, entreprise qui s’est fixée pour objectif d’assainir le pays. Et pour cela, elle s’est lancée dans un nouveau créneau : le team building à travers le nettoyage des espaces verts. « Nous proposons aux compagnies des activités de sensibilisation. Ces activités sont le nettoyage d’espaces verts, par exemple la caverne qui se trouve en haut de la cascade Chamarel. C’est ce genre d’activités auxquelles Belle Verte incite les citoyens à partriciper, dans un cadre professionnel et avec toute une prise en charge. »
Selon la jeune femme, les Mauriciens commencent à se montrer réceptifs aux nouvelles attitudes à adopter. « Depuis que nous avons commencé les activités en 2014, nous avons remarqué qu’il y avait eu un changement de mentalité chez les Mauriciens. Nous ne sommes pas les seuls à faire de la sensibilisation. »
Et puis il y a ces citoyens, écolos dans l’âme ou simplement conscients que la planète suffoque, qui essaient d’apporter leur pierre à l’édifice pour protéger l’environnement. Jugdish Seebaruth, retraité, a, lui, installé des panneaux solaires sur son toit. L’idée : produire de l’énergie.
« Quand le CEB a présenté ce projet de panneaux photovoltaïques, il avait accordé seulement 144 permis. J’ai été l’un des heureux élus. J’ai dû financer les panneaux et leur installation a coûté Rs 300 000. Je reçois de l’argent du CEB pour l’énergie que je produis, mais je suis surtout heureux d’apporter ma contribution pour une île Maurice plus propre. »
Cela prendra certainement plusieurs années pour rétablir, ne serait-ce qu’un peu, l’écosystème de la planète. Il est donc impératif de s’y atteler dès à présent pour éviter le pire.
Yahya Patel, cadre au ministère de l’Environnement : « Ce n’est pas seulement l’affaire du gouvernement »
« La protection de l’environnement n’est pas seulement l’affaire du gouvernement », martèle Yahya Patel, cadre au ministère de l’Environnement. Selon lui, nous devons avoir une certaine discipline et nous devons adopter une nouvelle culture de l’environnement. On ne peut continuer à adopter de mauvaises habitudes.
Il y a une raison pour laquelle le gouvernement a banni les sacs en plastique, dira Yahya Patel. Ils étaient devenus un problème environnemental car le plastique est une matière qui prend du temps à se dégrader. Des campagnes de sensibilisation sont menées par les autorités et les ONG. Toutefois, a souligné Yahya Patel, les mentalités ne changeront pas du jour au lendemain.
Et d’ajouter que « dans le primaire, une bonne partie du programme est consacrée à l’environnement. La prise de conscience est un processus continu et ce n’est pas juste le ministère qui le fait. Il y a beaucoup d’ONG qui sont très actives au niveau de l’environnement. La population doit comprendre que finalement c’est la survie de toute la planète qui est en jeu. »
Khalil Elahee : « Il faut revoir les directions prises »
Pour le scientifique Khalil Elahee, il y a des symptômes que nous ne pouvons ignorer. Un des exemples serait l’état des manguiers ou des litchis. Avec la chaleur ces arbres rapportent plus tôt qu’auparavant. Il y a beaucoup de signes comme cela qui sont évidents, selon lui.
Il est d’avis que « Le changement climatique est là et il faut s’adapter. Toutefois, nous êtres humains, nous pouvons nous adapter mais pas l’écosystème. Les espèces qui vivent dans nos lagons et les animaux, comment font-ils pour s’adapter ? Et les coraux, comment font-ils ? Nous ne pouvons pas dire que cela ne nous concerne pas. Car si on ne fait pas attention et que l’écosystème est détruit, ce sont nous, les êtres humains, qui allons en souffrir. Nous devons nous adapter certes mais au delà de l’adaptation, nous devons songer à nous sauver nous mêmes. »
Mathieu Discour directeur régional de l’Agence française de développement : « À Maurice il y a une vraie prise de conscience »
Est-ce que Maurice est victime des effets du changement climatique ?
Maurice est victime des effets du changement climatique, les études le prouvent. Il y a une montée des eaux qui est visible. Plus d’un millimètre par an. Si on projette cela sur 20 ans, cela posera un vrai problème aux zones côtières. Il y a un régime de précipitations. Des pluies plus tardives et plus intenses. Ce sont des effets qui sont très probablement liés au changement climatique. Il est évident que Maurice en est victime. Selon des études, Maurice est le 7e pays mondial le plus vulnérable face aux risques liés au changement climatique et aux catastrophes naturelles.
Que risque-t-on à long terme ?
Il y aura un impact sur les activités humaines. S’il y a une montée des eaux, il y aura une réduction de l’espace. Les activités touristiques en seront affectées. Il y a des régimes de pluviométrie que nous avons du mal à anticiper. Cela peut être de la sécheresse dans certains endroits ou une accumulation d’eau dans d’autres. On est face à des choses qui sont difficilement mesurables mais ce n’est pas parce qu’elles sont difficilement mesurables que nous ne pouvons pas agir maintenant.
C’est ce qu’on appelle la notion d’adaptation au changement climatique. Il faut dès maintenant s’adapter. C’est une problématique que les îles doivent gérer maintenant. Ce n’est pas dans 10 ans ou dans 20 ans qu’il faut s’adapter. Il y a déjà des îles dans le Pacifique qui sont affectées, avec des réfugiés. Maurice n’est pour l’instant pas confronté à ce même problème, mais il faut regarder ce qui se passe à côté. Les espaces insulaires seront les premières victimes.
Y a-t-il une prise de conscience ?
Il y a une vraie prise de conscience des habitants. On le sait à notre niveau à l’AFD. Tout simplement parce qu’on avait contribué à cette initiative qui s’appelle Maurice Ile Durable, qui a été un grand succès et quelque chose d’assez unique. Maurice a su, à ce moment-là, créer un processus de prise de conscience, impliquant la société civile qui a produit un certain nombre de recommandations, dont certaines ont été mises en œuvre. Depuis, on constate qu’il y a quand même une prise de conscience à tous les niveaux des défis environnementaux et climatiques.
Et cela se traduit effectivement sur la scène internationale parce que Maurice est un des premiers pays à avoir ratifié l’accord de Paris. Maurice est invité par le président de la République française à participer au Sommet de Paris qui a lieu le 12 décembre prochain et qui va traiter de la question de la finance verte. Donc, Maurice est présent au plus haut niveau dans les discussions internationales. On en est à 20 % d’énergie renouvelable dans le mix énergétique, mais l’objectif est de 25 % en 2025.
Cet objectif est tout à fait réalisable parce qu’il y a beaucoup d’investissements dans l’éolien, dans le photovoltaïque. Il y a aussi l’efficacité énergétique. À Maurice il y a beaucoup d’initiatives, à la fois au niveau gouvernemental mais aussi à celles des entreprises. Les industries investissent et il y a des gains très rapides.
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