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Réajustement des salaires : les craintes des employeurs du privé 

Les ajustements salariaux concernent principalement les employés touchant les rémunérations les plus basses.
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La relativité salariale est actuellement le « Talk of the Town ». Bien que le rapport ne soit pas encore rendu public, certaines entreprises dans le privé expriment déjà leurs appréhensions quant aux conséquences de la mise en œuvre d’une nouvelle révision salariale.

Après l’augmentation du salaire minimum à Rs 16 500 en début d’année, de nombreux travailleurs du secteur privé devraient bénéficier d’une nouvelle hausse salariale dans les mois à venir. Le National Wage Consultative Council (NWCC) travaille depuis plusieurs mois sur un réajustement des salaires, avec un rapport en phase de finalisation actuellement. L’objectif est de garantir une plus grande équité salariale. Cependant, l’augmentation du salaire minimum à Rs 16 500 pourrait être perçue comme un inconvénient pour ceux situés au milieu de l’échelle salariale. Ainsi, il est envisagé de réajuster les salaires de tous ceux gagnant déjà Rs 15 000, ce qui entraînera également des ajustements pour les échelons supérieurs.

Les employés concernés 

Les ajustements salariaux concernent principalement les employés touchant les rémunérations les plus basses, comme les « typists », réceptionnistes, opérateurs de machines, et autres postes similaires, excluant les cadres supérieurs. Seuls les salariés gagnant moins de Rs 30 000 par mois devraient être inclus dans cet exercice de réajustement. Le NWCC prévoit de réviser environ 30 Remuneration Orders (RO) dans divers secteurs pour cette initiative. À noter que ce rapport prend en compte aussi la nouvelle classification des salaires basée sur l’occupation.

Bien que les entreprises soient prêtes pour un réajustement des salaires, elles ne cachent toutefois pas leurs craintes quant aux répercussions de cet exercice. D’ailleurs, le calcul de la masse salariale est, dans la plupart des secteurs d’activité, le premier poste de dépenses d’une entreprise et peut représenter jusqu’à 80 % du budget de fonctionnement pour certains.

employeurs du privé

Questions à…

Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius : « Les ajustements salariaux sont déjà courants et périodiques au sein des entreprises » 

Kevin Ramkaloan

Quels sont les processus actuellement en place pour les ajustements salariaux dans les entreprises à Maurice ?
Il est important de comprendre que les ajustements salariaux sont déjà courants et périodiques au sein des entreprises mauriciennes. Dans plusieurs secteurs, il existe des ordonnances de rémunération et les entreprises de ces secteurs disposent déjà de leurs propres processus pour les ajustements, supervisés par le NRB. En plus de ces ajustements, les entreprises suivent également leurs propres procédures internes. Actuellement, dans la plupart des secteurs, les entreprises sont en phase d’ajustement salarial pour tenir compte de l’augmentation du salaire minimum en début d’année. Business Mauritius a récemment lancé une étude pour évaluer les pratiques des entreprises et des secteurs à cet égard.

Quels facteurs influencent les formules utilisées pour déterminer les ajustements salariaux dans les entreprises ?
Ces ajustements sont influencés par plusieurs facteurs, notamment les conditions du marché du travail, les politiques internes de l’entreprise et sa capacité à payer, ainsi que la productivité et la valeur ajoutée. Les réalités sectorielles jouent également un rôle crucial, notamment pour les secteurs comme les TIC et les services financiers, qui opèrent à l’échelle internationale. Ainsi, les salaires et leurs ajustements périodiques sont actuellement déterminés par les entreprises et les secteurs eux-mêmes.

Quels défis potentiels sont soulevés par les récentes révisions salariales à Maurice ?
Actuellement, il y a des discussions sur une classification des emplois, avec des implications potentielles non seulement pour les entreprises de toutes tailles, mais aussi pour les marchés, la compétitivité et l’attrait de Maurice. Il est à noter que cette classification, selon l’Organisation internationale du travail, n’existe nulle part ailleurs. De plus, plusieurs mesures récentes ont introduit des coûts additionnels en peu de temps - l’augmentation du salaire minimum, la compensation salariale et les ajustements salariaux. Cela s’ajoute aux augmentations de salaires déjà prévues par les politiques internes des entreprises, avec une autre compensation salariale prévue pour décembre de cette année. Tous ces éléments doivent être pris en compte lors de la détermination des salaires. Cependant, une évaluation définitive est difficile à faire tant qu’un rapport des autorités compétentes n’est pas disponible.

Les attentes des employés du privé

Bernard Saminaden, observateur politique.
Bernard Saminaden, observateur politique.

L’annonce d’un réajustement des salaires dans le secteur privé a créé, depuis quelques mois, une forte attente et impatience parmi les salariés. Vikash, 47 ans et helper dans une compagnie de textile, affirme que depuis janvier, il y a une certaine frustration parmi certains salariés. « Les employés les plus anciens et les plus expérimentés comme moi, qui comptent plus de 10 ans de service, voient mal que des jeunes sans expérience et sans formation touchent plus ou moins les mêmes salaires que nous », confie-t-il. Selon lui, il y a une certaine injustice à ce niveau et il est grand temps de corriger cette anomalie. Sarah, 25 ans, qui travaille dans une entreprise offshore, abonde dans le même sens. « Je suis diplômée de l’université. Ce n’est pas normal qu’un collègue qui n’a que le Higher School Certificate comme bagage académique touche le même salaire que moi. Ça ne vaut pas le coup de poursuivre des études tertiaires dans ce cas », déplore-t-elle.

 


 

4. Moins de capacité d’investissement

Jean Claude Ip Man Pun, directeur de Mac & Allan Ltée.
Jean Claude Ip Man Pun, directeur de Mac & Allan Ltée. 

Une augmentation des salaires entraînera une hausse des coûts pour les employeurs, ce qui peut avoir un impact négatif sur leur rentabilité et leur viabilité financière. Selon Jean Claude Ip Man Pun, cette baisse de rentabilité peut entraîner une réduction des investissements et un manque de capacité pour investir dans des plans d’expansion. « Dans mon cas, j’envisage d’acquérir un nouvel équipement pour la production dont le prix est à Rs 450 000. Avec le réajustement salarial, je ne sais pas si j’aurai toujours les moyens de faire cet achat », se demande-t-il. Pour Ajay Beedassee, avec les salaires qui ne cessent d’augmenter depuis le début de l’année, la question d’investissement ne se pose même pas. « Par ailleurs, ce ne sont pas que les salaires qui ont augmenté, il faut également compter l’électricité et les matières premières qui coûtent de plus en plus cher. Ainsi, à la fin du mois, il ne nous reste rien pour investir », déplore-t-il.

 


 

5. Risque de fermeture 

Ajay Beedassee, président de SME Chamber.
Ajay Beedassee, président de SME Chamber.

Le pire scénario que prévoient les employeurs, en particulier les PME, avec une nouvelle augmentation des salaires est la fermeture de leurs entreprises. « Si les salaires sont revus à la hausse, sans que le gouvernement n’accorde un soutien, nous serons obligés de mettre la clé sous le paillasson », déplore le directeur de Mac & Allan Ltée. Le président de SME Chamber abonde dans le même sens. « D’ailleurs, il y a déjà de grandes entreprises à Maurice qui ont fermé leurs portes pour s’implanter dans d’autres pays où la main-d’œuvre est moins chère. En tant que PME, nous n’avons pas les moyens de nous implanter ailleurs », fait ressortir Ajay Beedassee. Toutefois, il dit craindre que des fermetures ne soient inévitables.

 

Un cadeau électoral ?

Il y a beaucoup de débats sur le fait que le réajustement salarial est l’arme du gouvernement pour gagner des votes. En effet, c’est une mesure qui va satisfaire tous les salariés, dont les potentiels votants. L’observateur politique, Bernard Saminaden, ne dira pas le contraire. « Il n’y a pas de doute que ce réajustement soit fait en période de campagne électorale. Aujourd’hui, l’argent est considéré comme le poumon de la politique et les politiciens feront tout leur possible pour remplir la poche des votants », exprime-t-il. D’ailleurs, il avance que c’est la même stratégie adoptée par l’opposition en proposant l’introduction d’un 14e mois. Notre interlocuteur fait ressortir que miser sur la poche des électeurs est une stratégie non seulement utilisée à Maurice, mais également dans d’autres pays. Par exemple, il indique qu’en France, l’accent est mis sur l’amélioration du pouvoir d’achat en proposant des augmentations de salaires. « En Angleterre, l’enlèvement d’impôts sur les pensions est proposé à l’approche des élections », indique l’observateur économique. Ainsi, il est d’avis que les politiciens mauriciens suivent la mouvance que leurs homologues à l’étranger. « Alors que des mesures visant à lutter contre la drogue, le changement climatique, le manque de devises devraient être des priorités, c’est plutôt avoir plus d’argent qui demeure la préoccupation principale », soutient Bernard Saminaden. 

La promesse du Premier ministre

À l’occasion de la Journée internationale de la Fonction publique au centre Swami Vivekananda, à Pailles, dimanche dernier, le Premier ministre Pravind Jugnauth a affirmé que le Pay Research Bureau travaille sur le réajustement salarial. Il a fait comprendre que le travail a déjà commencé et que le PRB viendra avec ses recommandations. « Une attention spéciale est donnée à ce dossier. Dès que les recommandations seront prêtes, nous les appliquerons. Quand je donne ma parole, je la tiens », a-t-il promis.

 

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