Le Premier ministre Navin Ramgoolam a déposé le mardi 28 octobre, à l’Assemblée nationale, le rapport détaillé sur l’atterrissage du vol privé en provenance de Madagascar, à l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam, dans la nuit du 11 octobre. Il répondait à une demande du leader de l’opposition, Joe Lesjongard.
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Le rapport explique comment le vol du jet privé malgache transportant le milliardaire Mamy Ravatomanga et l’ex-Premier ministre Christian Ntsay a forcé les portes du ciel mauricien. Certaines personnes étaient au courant la veille que l’avion allait forcer la main des autorités mauriciennes.
Ce document, remis dans le cadre de la Private Notice Question, met en lumière des failles dans les procédures de contrôle des vols privés. Il annonce des mesures correctives, dont une révision des autorisations. Une possible action en justice contre le pilote et l’opérateur est abordée. L’atterrissage est qualifié de « préplanifié », sans pour autant révéler d’irrégularités sécuritaires.
Le rapport, rédigé par le secrétaire au Cabinet, Suresh Seeballuck et daté du 14 octobre, reconstitue minute par minute une séquence d’événements marquée par des échanges tendus entre les autorités mauriciennes, le pilote et les services de l’île de La Réunion. À 00 h 44 le dimanche 12 octobre, un jet privé affrété par Trans Ocean Airways (TOA), opérant sous le régime d’un vol non commercial, s’est posé sur le tarmac de SSR après avoir obtenu moins d’une demi-heure la permission formelle du département de l’aviation civile (DCA). Cette entorse aux règlements a été justifiée par un niveau de carburant critique, obligeant les responsables à déroger aux protocoles pour des raisons de sécurité.
Demande tardive
Tout commence la veille, le samedi 11 octobre à 21 h 30. Une employée de Jet Prime Ltd – filiale d’Airport Holdings Ltd, chargée de la gestion des jets privés entrants et sortants –, informe un préposé du DCA de l’arrivée imminente du vol en provenance de Madagascar. Jet Prime Ltd agit comme agent de handling pour les passagers et l’équipage. À 21 h 58, Trans Ocean Airways, entité du groupe Sodiat (appartenant à Mamy Ravatomanga), adresse un courriel au DCA pour s’enquérir si une demande d’atterrissage à Madagascar a été soumise par Jet Prime. Selon le rapport, « à 22 heures, le pilote de Trans Ocean Airways informe le DCA qu’il attend l’aval du service d’information aéronautique (AIS). Le vol est avisé de ne pas décoller avant d’avoir reçu la permission d’atterrir ».
Le problème réside dans le délai : la demande n’a été soumise que sept heures avant le décollage prévu, alors que la section 4.1 de la Publication d’information aéronautique de Maurice (AIP), régie par les Règlements sur l’aviation civile, exige une notification « (a) deux jours ouvrables à l’avance de la date prévue d’opération, pour les passagers ne requérant pas de visa ; (b) trois jours ouvrables à l’avance de la date prévue d’opération, pour les membres d’équipage requérant un visa ». Le rapport précise que « le DCA, par Jet Prime Ltd au nom de Trans Ocean Airways, informe Jet Prime Ltd que la demande ne peut être prise en compte, car la notification doit être transmise au moins sept jours avant le vol ».
Malgré cela, l’avion décolle d’Ivato (Madagascar) à 22 h 19, à destination de Maurice pour un atterrissage prévu à 23 h 30, dans le cadre d’un voyage touristique. Le vol prévoit un retour le 5 novembre avec deux membres d’équipage et cinq passagers. À 23 h 18, la demande est requalifiée en « vol privé non rémunérateur » par l’AIS. À 23 h 25, le DCA sollicite l’avis de Mauritius Airports Co. Ltd (AML) sur la disponibilité des emplacements de stationnement, et contacte le bureau des passeports et de l’immigration (PIO) pour vérifier les antécédents des passagers et de l’équipage via les bases de données Interpol et World Check.
À 23 h 30, AML confirme « l’absence d’objection opérationnelle ». Mais à 23 h 31, le contrôle du trafic aérien mauricien (ATC) demande au pilote de ne pas pénétrer l’espace aérien et de maintenir sa position en vol en cercle, « car le pilote n’était pas encore autorisé ». Le pilote informe l’ATC que l’avion dispose de carburant pour trois heures et vingt minutes. À 23 h 36, l’opérateur confirme la nature privée non rémunératrice du vol.
La tension monte dans les premières heures du 12 octobre. À 00 h 13, le PIO certifie que l’équipage et les passagers ont un « casier judiciaire vierge, qu’ils ne figurent pas sur la liste controversée, la base de données Interpol et la base de données World Check ». À 00 h 14, le superviseur ATC informe l’agent directeur du DCA de cette autorisation et précise que « la Division des communications ATC externes du bureau du Premier ministre était informée ».
À 00 h 16, le superviseur ATC contacte l’aéroport de Gillot (La Réunion) pour vérifier si un atterrissage alternatif y est possible en cas de refus mauricien. Gillot répond qu’aucun plan de vol n’a été reçu et qu’une autorisation des autorités supérieures serait nécessaire ; un rappel est promis. Le pilote rapporte alors au superviseur ATC que l’avion n’a plus d’autre option, car il affirme avoir du carburant que pour 1 heure et 5 minutes seulement. À 00 h 20, le directeur par intérim du DCA accorde l’autorisation d’atterrissage. À 00 h 21, l’avion est autorisé à se poser, avec un horaire estimé autour de 00 h 44.
À 00 h 28, l’employée de Jet Prime Ltd délivre l’autorisation écrite d’atterrissage pour Trans Ocean Airways, « selon les instructions du directeur par intérim de l’aviation civile ». L’appareil atterrit à 00 h 44, et tous les acteurs concernés sont informés.
Le directeur par intérim du DCA justifie cette dérogation par « les clairances reçues du PIO et d’AML, et en tenant compte du faible niveau de carburant rapporté, dans l’intérêt de la sécurité et conformément aux procédures établies de l’aviation civile ATC ». Le rapport ajoute : « Selon le DCA, émettre la clairance d’atterrissage était nécessaire. Selon le directeur par intérim, « lorsqu’un avion déclare avoir un carburant minimum, cela signifie que ce n’est pas une urgence, mais une alerte qu’il n’a que peu ou pas de carburant en extra et qu’il ne peut accepter de retards significatifs. L’objectif d’une telle déclaration est de protéger la réserve finale de carburant. »
Atterrissage préplanifié
Le vol transportait deux membres d’équipage et cinq passagers, tous originaires de Madagascar. Parmi donc le milliardaire Ravatomanga et Christian Ntsay, titulaire d’un passeport diplomatique malgache expirant le 6 février 2027, décrit comme une « personne politiquement exposée » (PEP) dans la base World Check.
Le rapport soulève de forts soupçons sur un accueil orchestré. Quatre personnes, dont Gilbert Noël, membre du board de Airport Holdings Ltd et de Jet Prime Ltd, se présentent au salon Jet Prime à 01 h 15 pour accueillir l’avion. Selon le document, « ces personnes avaient déjà demandé l’accès au salon Jet Prime bien avant l’atterrissage de l’avion », Gilbert Noël à 00 h 33 et les autres à 22 h 00. « Sur la base des informations, il est évident que l’atterrissage de l’avion était préplanifié. Les quatre personnes, en particulier Gilbert Noël et Louis Raymond Dary Rivet, étaient au courant des informations concernant ce vol. Ces deux personnes étaient à un dîner coparrainé par Jet Prime Ltd, le samedi 11 octobre 2025 à Avalon . »
La Mauritius Revenue Authority est informée verbalement à 23 h 50 le 11 octobre par Jet Prime d’un atterrissage. Deux préposés procèdent aux vérifications à 00 h 45 : cinq bagages à main pour les passagers et six pour l’équipage sont scannés et autorisés. Les cinq passagers déclarent un total de 10 000 euros (Rs 529 000), dans les limites autorisées de 500 000 roupies par personne.
Révision des procédures
Dans ses conclusions, le rapport annonce une refonte des protocoles : « (i) Les procédures pour l’opération de vols privés par le DCA sont en cours de révision en vue des nouveaux changements non routiniers que rencontre l’aviation civile ; (ii) L’approbation du Premier ministre sera dorénavant recherchée pour toutes les demandes politiquement sensibles ; (iii) L’opération continue de Jet Prime Ltd sera révisée ; (iv) En parallèle, le Département de l’aviation civile recherche l’avis du bureau de l’Attorney General sur une possible action légale contre le pilote et l’opérateur de l’aéronef pour violation des règlements sur l’aviation civile pour avoir décollé sans permission préalable du Département de l’aviation civile de Maurice ; et (v) Le Département de l’aviation civile rapportera également à l’Autorité de l’aviation civile malgache la violation de la disposition des obligations d’information aéronautique. »
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