Les explications du Premier ministre Navin Ramgoolam sur le retard du rapport du PRB, fondées sur des contraintes économiques et administratives, ont-elles convaincu les syndicats, l’opposition et les économistes ? Le point.
La publication du prochain rapport du Pay Research Bureau (PRB) s’installe au cœur de l’actualité politique. Cela pourrait être révélateur d’un fossé entre les justifications du gouvernement et les attentes des fonctionnaires. Au Parlement le 2 décembre dernier, le leader de l’opposition, Joe Lesjongard, a interpellé le Premier ministre Navin Ramgoolam sur l’état d’avancement du rapport, sa date de publication et les dispositions financières prévues pour ses recommandations.
Le Premier ministre a rappelé que l’élaboration du rapport a débuté en mars 2023. Il a insisté sur le fait que ce calendrier suivait un plan de travail déjà établi avant l’arrivée de son gouvernement. Selon lui, la tâche du PRB se complique par l’ampleur des institutions concernées : ministères, départements, Collectivités locales, Assemblée régionale de Rodrigues et environ 125 organismes parapublics. Le Bureau, a-t-il expliqué, doit accumuler un volume important de données afin de favoriser des échanges constructifs avec l’ensemble des parties prenantes. Ce processus exigerait du temps et une coordination minutieuse, ce qui retarderait la publication du rapport.
Mais le Premier ministre a surtout mis en avant la situation économique pour justifier l’absence d’échéance claire. Il a rappelé que le rapport « The State of the Economy », rendu public en décembre 2024, décrivait une économie fragile. Navin Ramgoolam a reproché à l’ancien régime d’avoir laissé un déficit plus marqué que prévu et une dette publique qu’il a qualifiée d’insoutenable. Dans ce contexte, le gouvernement aurait dû présenter un budget imposant des mesures drastiques pour rétablir les finances publiques, rendant ainsi complexe la préparation d’un rapport salarial assorti d’engagements financiers.
Ces arguments ne semblent pas avoir convaincu l’opposition. Joe Lesjongard a répliqué que la publication du rapport PRB faisait partie des engagements électoraux du nouveau gouvernement, qui avait promis de rendre le document public en décembre et d’effectuer les paiements en janvier. Pour lui, ce retard s’ajoute à d’autres promesses non tenues.
Du côté syndical, les réactions s’inscrivent dans le même ton. Le négociateur Radhakrishna Sadien souligne une déception palpable chez les fonctionnaires. Il rappelle que le précédent rapport du PRB, attendu en 2020, n’avait été publié qu’en 2021 en raison de la pandémie, et que les employés du secteur public ne disposent d’aucun recours en attendant le nouveau rapport. « Il y a beaucoup d’attentes et beaucoup de frustration », affirme-t-il.
Radhakrishna Sadien évoque également un point de divergence entre l’ancien et l’actuel régime. L’ancien gouvernement avait laissé entendre que le prochain rapport prendrait effet dès janvier 2026. Navin Ramgoolam avait par la suite annoncé une publication pour fin 2025. « Cela fait cinq ans que le rapport est attendu. Comment expliquer qu’il ne soit toujours pas prêt ? » interroge-t-il.
Le dirigeant syndical rappelle qu’il fut possible, par le passé, de réaliser un rapport en un an. À cela s’ajoutent des préoccupations sur les salaires actuels. Le dernier rapport indique, par exemple, qu’une cuisinière du secteur public perçoit environ Rs 14 000. Radhakrishna Sadien estime que ce niveau de rémunération rend difficile l’attraction de nouveaux employés et que seule la publication du prochain rapport permettra de corriger ces déséquilibres.
Pour le syndicaliste, le problème dépasse la question salariale. Le PRB évalue également les conditions de travail, qui influencent notamment le calcul des pensions pour ceux proches de la retraite. Retarder le rapport revient donc, selon lui, à affecter directement les perspectives financières de milliers de travailleurs.
Situation incertaine
L’économiste Chandan Jankee est, pour sa part, d’avis que le Premier ministre maintient un discours cohérent depuis son arrivée au pouvoir, en l’occurrence, celui d’une économie affaiblie qui limite les marges de manœuvre. De ce fait, il lui serait difficile de s’engager fermement sur une date de paiement liée au rapport.
Cependant, l’économiste nuance ce diagnostic. Il estime que la situation économique ne peut pas justifier entièrement le report du PRB. Selon lui, le Budget 2025-2026, marqué par une orientation « austère », a lui-même freiné la dynamique économique. L’augmentation de la fiscalité sur les PME ou la révision de l’âge d’éligibilité à la pension auraient créé un effet multiplicateur négatif. Ces mesures se traduiraient aujourd’hui par une croissance en repli — passée d’environ 5 % en 2024 à une prévision autour de 3,2 % cette année — et par une baisse de l’investissement. « Les investisseurs observent une situation incertaine et attendent », analyse-t-il.
Chandan Jankee rejette, par ailleurs, l’idée que le gouvernement aurait hérité d’une économie en état critique. Il rappelle que l’ancien régime a pu financer deux rapports PRB, ce qui, selon lui, contredit l’argument d’une situation catastrophique. Il juge que la stratégie économique actuelle a alimenté une forme d’inquiétude, voire de méfiance, ce qui aurait aggravé la situation au lieu de l’améliorer.
Pour le financement du PRB, l’économiste craint qu’il faut avoir recours accru à l’endettement, la hausse de certains impôts, ou mobilisation des profits de la State Trading Corporation, estimés à environ Rs 3,5 milliards.
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