Le mardi 28 septembre 2021, les administrateurs d’Air Mauritius présenteront leur plan de redressement. Leur rapport, dont Le Défi Quotidien détient une copie, propose de sauver la compagnie grâce à une injection de Rs 9,5 milliards par l’État pour rembourser les créanciers et de Rs 2,5 milliards pour les dépenses d’Air Mauritius.
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Un montant de Rs 12 milliards. C’est ce que le gouvernement mauricien se propose d’injecter, sous forme de prêts, au sein d’Air Mauritius pour la sauver du crash. De cette somme, Rs 9,5 milliards seront mises à disposition d’ici le 1er octobre. Le reste, en l’occurrence Rs 2,5 milliards, le sera selon les besoins de la compagnie.
C’est fort de cette garantie formelle, confirmée officiellement le lundi 20 septembre 2021 dans une lettre (voir encadré), que Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool, administrateurs de la compagnie nationale d’aviation, se présenteront devant les créanciers le 28 septembre. Ce jour-là, ils animeront la Watershed Meeting où ils présenteront, par audioconférence, le plan de sauvetage de la compagnie.
Trois réunions seront organisées ce jour-là. La première avec les sociétés de leasing d’avions, la deuxième avec les sociétés de « hedging » et la troisième avec tous les autres créanciers. Chaque créancier sera appelé à voter pour ou contre le plan au moyen d’une plateforme numérique. Le plan sera adopté si au moins 75 % d’entre eux votent en faveur.
Trois options
Dans l’Administrators’ Report, Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool indique que les créanciers ont trois options : mettre fin à l’administration, décider de la liquidation de la compagnie ou accepter le plan de redressement qui vient sous forme de Deed of Company Arrangement (DOCA). Aux yeux des administrateurs, la « meilleure option pour les créanciers » est d’accepter le plan de relance.
Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool avancent quatre raisons pour lesquelles ils estiment que ces derniers devraient accepter le DOCA qu’ils proposent. Comme le montant des dettes d’Air Mauritius dépasse celui de ses avoirs, une liquidation n’est pas une option crédible. Mettre simplement fin à l’administration volontaire sans plus et rendre la firme à ses directeurs « n’est pas viable non plus car la compagnie est insolvable ».
De plus, une liquidation ne permet pas de prévoir combien d’argent sera récolté lors de la vente des avoirs. Par contre, le plan de relance, que les administrateurs appellent le plan de restructuration de la dette, permettra de rembourser les créanciers d’ici le 31 octobre. La sortie d’administration est prévue le 1er novembre.
Les destinations desservies réduites de 50 %
Air Mauritius doit se focaliser sur les routes qui peuvent lui rapporter le plus et éliminer celles qui n’en valent pas la peine. C’est dans cette optique qu’un plan quinquennal a été préparé. Celui-ci réduit de 50 % le nombre de routes par rapport à la période pré-COVID-19 où elle opérait 22 destinations.
Air Mauritius opère déjà des vols vers La Réunion, Paris et Rodrigues. À partir du 1er octobre, elle ajoutera des vols vers Londres et Johannesburg. Durant les cinq ans à venir, les destinations qui s’y ajouteront, dépendant de la demande, sont Hong Kong, Kuala Lumpur, Mumbai, Perth et Antananarivo.
Sept années de pertes de 2004-05 à 2018-19
Les profits de la compagnie ont été historiquement incohérents. Ces 15 dernières années, c’est-à-dire depuis l’année financière 2004-05 jusqu’à l’année financière 2018-19 qui a pris fin le 31 mars, des pertes ont été encourues pendant sept ans. Au cours de l’année financière 2018-19, la compagnie a enregistré des pertes de 21,7 millions d’euros (soit Rs 1 078 056 000), contre des profits de 4,5 millions d’euros (soit Rs 223 560 000) pour l’année financière 2017-18.
Cette baisse de profits est principalement due à une hausse du prix du carburant et du coût du personnel. Pour renforcer ses liquidités et ses fonds propres, la compagnie a vendu ses actions au sein de Pointe Coton Resort Hotel Co. Ltd pour la somme de Rs 111,3 millions (soit 2,7 millions d’euros) à la fin de l’année financière 2018-19.
La compagnie a également émis 27 000 000 d’actions ordinaires à Airports of Mauritius Co. Ltd en échange de 20 % de parts au sein de la Mauritius Duty Free Paradise. La compagnie a alors pu avoir Rs 405 millions (soit 10 millions d’euros). D’avril à décembre 2019, la compagnie a, une nouvelle fois, enregistré des pertes de 14,9 millions d’euros (soit Rs 740 232 000).
L’impact de la COVID-19
La pandémie aura causé d’énormes dégâts dans le secteur de l’aviation et Air Mauritius n’a pas été épargné. Depuis que le pays est frappé par la COVID-19, les activités de la compagnie sont sujettes aux décisions du gouvernement. « Malgré la réouverture des frontières, la reprise du trafic passager à Maurice dépend essentiellement de l’évolution de la pandémie au niveau local ainsi que sur les principaux marchés d’Air Mauritius », indiquent les administrateurs dans leur plan de redressement.
Ces derniers font aussi comprendre que du 1er octobre 2020 au 6 mars 2021, quand les passagers venant à Maurice devaient rester en quarantaine pendant 14 jours, le taux de remplissage des avions de Paris et de l’île de la Réunion était respectivement de 34 % et 10 %.
La lettre qui garantit le sauvetage de MK
« Ceci est pour vous informer que l’approbation a été obtenue pour que le gouvernement procure Rs 9,5 milliards à la compagnie d’ici le 1er octobre afin d’honorer toutes les dettes qui sont admissibles sous un Deed of Company Arrangement, à condition que celui-ci soit adopté par les créanciers de la compagnie. » C’est ce qu’a écrit Nayen Kumar Ballah, Secrétaire au Cabinet, au nom du bureau du Premier ministre, dans une lettre adressée aux administrateurs d’Air Mauritius le 20 septembre.
Il ajoute qu’un « montant additionnel de Rs 2,5 milliards sera aussi fourni à la compagnie de manière similaire, si et lorsque ce sera nécessaire ». Nayen Kumar Ballah précise que ces fonds seront sous forme d’emprunts à Air Mauritius « à travers une entité appartenant au gouvernement choisi par le gouvernement ». Il nous revient que le premier choix est la Mauritius Investment Corporation, appartenant à la Banque de Maurice, même si le choix d’une autre entité n’est pas exclu.
Retour à la normale après 2023
L’International Air Transport Association estime que ce n’est qu’en 2023 que le nombre de passagers qui voyageront sera pareil à celui de 2019. Mais cela inclut les vols domestiques dont la reprise est plus rapide que les vols internationaux. En juillet 2021, les vols internationaux étaient 74 % en dessous de ceux de la même période en 2019. Du coup, les administrateurs sont d’avis que ce n’est qu’après 2023 que la situation retournera à la normale pour Maurice, qui dépend principalement des vols internationaux.
En chiffres
Rs 47,5 millions
C’est le montant qu’ont perçu les administrateurs pour la période allant du 23 avril 2020 au 31 août 2021.
Plus de 2 100
C’est le nombre de créanciers que compte Air Mauritius, avec des sommes allant de Rs 166 à Rs 455 853 127 (dues à la banque ABSA).
Que dit le rapport au sujet des emplois ?
Dans le rapport, il est simplement dit que la réduction du personnel a été au cœur des discussions. Mais rien de plus n’est mentionné à ce sujet. Dans le passé, les administrateurs avaient laissé entendre qu’il y avait 1 200 employés surnuméraires. Au 18 août 2021, Air Mauritius avait un personnel constitué de 2 441 personnes, incluant 707 employés seconded d’Airmate Ltd mais excluant les 119 employés dans les Outstations.
Les administrateurs avaient pris plusieurs mesures. Elles ont d’ailleurs permis à la compagnie d’économiser Rs 382 545 008 au 31 août 2021. Les mesures à long terme (retraite volontaire, licenciements, révisions de contrats, etc.) permettront à Air Mauritius d’économiser Rs 1 251 965 482 par an, en se basant sur les coûts de l’année financière 2019-20.
Voici quelques-unes des actions prises par les administrateurs au niveau du personnel :
- Le 1er août, 142 employés qui avaient complété 400 mois de service sont volontairement pris leur retraite.
- Les contrats de 39 pilotes expatriés ont été résiliés en juin 2020.
- Un nouveau contrat a été proposé à certaines catégories d’employés : pilotes, personnel navigant, managers et professionnels. Il comprend des congés sans solde, ainsi qu’une baisse des allocations et des salaires. Depuis octobre 2020, les pilotes et les membres du personnel navigant opèrent selon un « roster ». Lorsqu’ils ne travaillent pas, ils sont considérés comme étant en congé sans solde.
- Sept des huit syndicats d’Air Mauritius ont accepté l’accord portant sur la réduction des allocations.
- Certains employés travaillent désormais à temps partiel, tandis que ceux qui perçoivent un salaire situé en dessous d’un certain barème exercent à plein-temps.
- Certains employés ont eu la possibilité de choisir d’aller en congé sans solde pour un maximum de deux ans.
- En juillet 2021, les administrateurs ont déposer une demande devant le Redundancy Board pour licencier 18 pilotes qui opéraient sur les Airbus A319 et A340 (avions ne faisant plus partie de la flotte). Mais après discussions, ils ont été placés en Special Leave Without Pay pour une période de cinq ans.
Plan de pension
Les administrateurs ont reçu des réclamations ne dépassant pas Rs 2,75 milliards de la part des curateurs de l’Air Mauritius Limited Pension Scheme (AMLPS). Cette somme représente un manque à gagner sur les engagements. La compagnie a donné l’assurance qu’il sera financé à travers l’aide du gouvernement.
L’actionnariat de MK
Le plus grand actionnaire d’Air Mauritius est Air Mauritius Holdings. Ses actionnaires sont l’État avec 43,8 % des actions, la State Investment Corporation Ltd avec 18 % des actions, Rogers avec 18,1 % des actions, Air France avec 11,2 % des actions et Air India avec 8,8 %. Du coup, que ce soit directement ou indirectement, l’État contrôle plus de 50 % de droits de vote au sein de la compagnie.
Les actionnaires
Nom | Nombre d’actions | Pourcentage |
---|---|---|
Air Mauritius Holding Ltd | 52 175 550 | 40,4 |
Air of Mauritius Co. Ltd | 27 000 000 | 20,9 |
État de Maurice | 8 564 658 | 6,6 |
State Investment Corporation Ltd | 4 646 265 | 3,6 |
Rogers | 4 379 344 | 3,4 |
Air France | 2 841 986 | 2,2 |
Air India | 2 617 098 | 2,0 |
National Pensions Fund | 2 078 508 | 1,6 |
Autres actionnaires | 25 001 591 | 19,3 |
Filiales actives et associés
Nom | Activité principale | Actionnariat (%) |
---|---|---|
Airmate Ltd | Opère comme un centre d’appels | 100 |
Mauritius Estate Development Corporation Ltd | Propriétaire du bâtiment Air Mauritius Centre | 95,15 |
Air Mauritius (S.A) (Pty) Ltd | Agent de la compagnie en Afrique du Sud | 100 |
Mauritius Helicopter Ltd | Opère des vols en hélicoptère | 100 |
Air Mauritius Institute Co. Ltd | Offre des formations aux pilotes | 100 |
Mauritius Duty Free Paradise Co. Ltd | Opère des boutiques hors taxes | 20 |
Actifs et passifs d’Air Mauritius
Actifs
Item | Valeur (en euros) | Valeur (en roupies) |
---|---|---|
Avions | 409 883 000 | 20 363 466 974 |
Actifs immobiles | 14 050 000 | 698 020 437 |
Investissements dans les firmes subsidiaires | 27 036 000 | 1 343 180 110 |
Investissement dans les sociétés associées | 10 046 000 | 499 097 033 |
Dépôt à long terme | 17 358 000 | 862 365 747 |
Inventaires | 17 884 000 | 888 498 043 |
Commerces et autres | 18 951 000 | 941 507 851 |
Cas et l’équivalent de cash | 46 694 000 | 2 319 812 548 |
TOTAL | 561 903 000 | 27 915 998 427 |
Passifs
Emprunts | 322 629 000 | 16 028 586 173 |
---|---|---|
Bénéfices aux employés | 95 506 000 | 4 744 849 815 |
Provisions | 18 857 000 | 936 837 821 |
Commerces et autres dépenses | 50 795 000 | 2 523 555 026 |
Contrats | 94 768 000 | 4 708 185 111 |
Passifs financiers dérivés | 26 971 000 | 1 339 950 834 |
TOTAL | 609 526 000 | 30 281 964 782 |
Passifs nets | 47 623 000 | 2 365 966 355 |
Ce tableau démontre que même si Air Mauritius parvenait à vendre ses actifs, elle serait endettée à hauteur de Rs 2 365 966 355. |
Une liquidation pas souhaitable
Selon les administrateurs, une analyse menée sur un scénario portant sur une mise en liquidation indique que le rendement serait nul pour tous les créanciers si cette option venait à être choisie. S’ils décident de vendre une partie des actifs (bâtiments, matériel, mobilier, accessoires, etc.), rien ne dit que l’autre partie trouvera acquéreur dans l’immédiat. Une vente partielle des actifs rapporterait uniquement Rs 3,7 milliards, une somme insuffisante pour couvrir les frais encourus pendant la période de mise en administration et les frais d’une liquidation éventuelle. « Il est évident qu’une telle situation n’est souhaitable », estiment les administrateurs.
Détails financiers si le choix se porte sur une mise en liquidation
En euros | En roupies | |
---|---|---|
Actifs réalisés sur la base de ventes forcées | ||
Avions | 2 975 660 | 147 834 270 |
Bâtiments à Maurice et en Inde | 46 121 000 | 2 291 345 238 |
Investissement dans les sociétés associées | 7 244 898 | 359 935 008 |
Autres actifs | 19 206 895 | 954 221 014 |
Total | 75 548 453 | 3 753 335 530 |
Distributions aux créanciers | ||
Coût de la mise en liquidation (estimé à 10 % de la réalisation des actifs) | (7 554 845) | (375 333 538) |
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