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Rapport d’enquête : Cargotech a-t-elle été favorisée par Air Mauritius ?

Un rapport rédigé par le ministère de la Bonne gouvernance fait état d’une série de maldonnes ayant pour but de favoriser Cargotech. Cela aurait occasionné un manque à gagner de Rs 320 millions pour Air Mauritius sur plusieurs années.

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L’affaire Cargotech revient à l’avant-plan par le biais du syndicaliste Jack Bizlall. Ce dernier demande que lumière soit faite sur ce dossier qui aurait causé un manque à gagner de Rs 320 millions. Selon certains, cela pourrait bien être une des clés derrière le limogeage de Megh Pillay du poste de Chief Executive Officer d’Air Mauritius vendredi dernier. Cette thèse veut que certains membres du conseil d’administration voulaient protéger Cargotech et que Megh Pillay était devenu gênant dans ce contexte.

Un rapport de 22 pages rédigé en juillet 2015 par le ministère de la Bonne gouvernance relève plusieurs zones d’ombre. En mars 2015, trois cadres du département Cargo – Sudh Ramjuttun, vice-président exécutif, Vikash Ramburuth, Senior Manager, et Rajesh Luchoomun, Manager – sont suspendus à la suite d’une enquête commanditée par le conseil d’administration.

Le rapport fait état de « significant malpractice » dans le département. Le document parle de « conflits d’intérêts », de « sous-facturation » et de « rabais excessifs » en faveur de Cargotech. Cela aurait causé un préjudice « estimé à Rs 320 millions » pour Air Mauritius. Le rapport parle carrément de « fraude ».

Volume de cargo en baisse

Le département Cargo génère environ 9 % des revenus totaux d’Air Mauritius. Pour l’année financière 2014/ 2015, il a rapporté approximativement Rs 2 milliards. Le rapport relève qu’alors que le volume de cargo a baissé de 30,76 % de 2006 à 2015, le tarif par tonne transportée a chuté de 60,2 %.

Les six plus gros clients d’Air Mauritius au niveau du cargo sont Cargotech, Somatrans SDV, Allport (Mauritius) Ltd, Velogic Ltd, DHL (Mauritius) Ltd et Freight and Transit Company Ltd. Le rapport soutient, chiffres à l’appui, qu’alors que le volume traité par ces agents de dédouanement et commissionnaires de transport a, soit baissé, soit est resté stable de 2002 à 2015, il est monté en flèche pour Cargotech qui s’est largement imposé comme numéro 1 du secteur. « Il y a eu une hausse remarquable au niveau du volume de Cargotech et une baisse incroyable dans les revenus générés par Air Mauritius », dit le rapport. Les tarifs qu’Air Mauritius lui octroyait étaient plus bas que ceux de la concurrence.

Il ressort aussi que Cargotech pouvait se permettre de réserver à l’avance 45 mètres cubes sur les 75 disponibles dans la soute d’un avion. « Il n’y avait aucune justification commerciale pour permettre cela, sauf si c’est au bénéfice de l’agent », souligne le rapport. Cela a permis à Cargotech de dominer le marché. Les enquêteurs ont également remarqué que « Cargotech annulait souvent les réservations totalement ou les réduisait sans qu’on ne lui imposait des pénalités ». Cela au détriment d’Air Mauritius. De nombreuses irrégularités ont été mises au jour pour démontrer que Cargotech a été favorisée par rapport à la concurrence.

Le ministère de la Bonne gouvernance a également découvert que le département Cargo faisait preuve de bien des négligences dans d’autres domaines. Par exemple, des personnes travaillant pour des compagnies de transport étaient admises dans les soutes des avions d’Air Mauritius, parfois sans supervision et bien après le délai de sécurité.

En conclusion, « le constat de ce rapport soulève de sérieuses inquiétudes sur de mauvaises pratiques systémiques et des pertes financières significatives. Il y a aussi l’inquiétude que les négligences et collusions mises au jour pourraient exposer Air Mauritius au crime organisé, au trafic de narcotiques et à d’autres délits d’ordre public ».

Le Central Criminal Investigation Department a ouvert une enquête en début d’année à ce sujet.

Kishore Beegoo : « Qu’on amène des preuves »

Kishore Beegoo, actionnaire majoritaire de Cargotech, nie avec force les allégations portées contre lui. « Je sais que ce que j’ai fait, je l’ai fait proprement. Que mes détracteurs amènent des preuves. Jack Bizlall ne peut écouter tout ce qu’on lui dit et venir tout balancer », s’insurge-t-il.

Kishore Beegoo a siégé sur le conseil d’administration d’Air Mauritius de septembre 2005 à décembre 2014. Il était également directeur exécutif de Cargotech, qui est en affaires avec Air Mauritius au niveau du transport de cargo. Avant de fonder Cargotech, il était un directeur cargo chez Air Mauritius.

Le fait qu’il siégeait en même temps sur le board de la compagnie nationale tout en étant le directeur de sa propre compagnie qui faisait des affaires avec la compagnie nationale lui a valu des accusations de favoritisme de toutes parts. Chose qu’il nie. Air Mauritius se retrouve d’ailleurs avec une réclamation nette de dommages de Rs 100 millions. Il s’agit d’une réclamation logée en Cour suprême par Kishore Beegoo en son nom personnel et au nom de sa compagnie Cargotech Ltd. Il évoque dans sa plainte, logée en septembre 2015, une campagne malveillante à son égard en vue de ternir sa réputation et celle de son entreprise.

Un chiffre d’affaires de Rs 597 millions

Incorporé le 27 février 2002, l’entreprise, qui agit comme agent de dédouanement et commissionnaire de transport, n’a jamais connu de mauvaise passe depuis sa création. Pour l’année financière 2015, son chiffre d’affaires était de Rs 597 051 589 pour un profit après impôts de Rs 11,1 millions. L’année précédente, le chiffre d’affaires était de Rs 537 034 688. La compagnie avait alors fait un profit après taxes de Rs 17 752 486.

Cela fait de Cargotech, dont les actionnaires sont Kishore Beegoo (105 000 actions), qui est aussi directeur exécutif, et la Compagnie mauricienne de textile (95 000 actions), un client très important pour Air Mauritius, car c’est avec la compagnie nationale d’aviation que Cargotech travaille le plus.

Les quatre directeurs de Cargotech Ltd sont Kremchand Beegoo, Neil Hugh Mc Glynn, Louis Lai Fat Fur, directeur de la CMT, et Françoise Irma Beegoo.

Jack Bizlall lie l’affaire Cargotech au limogeage de Megh Pillay

« Il y a eu une conspiration pour protéger certains », dénonce le syndicaliste. Pour Jack Bizlall, l’affaire Cargotech est une des raisons qui ont pu mettre Megh Pillay en disgrâce auprès de certains. Il a écrit une lettre pour alerter Megh Pillay, alors encore CEO d’Air Mauritius, le 19 septembre. Le 13 octobre, l’ancien CEO lui a répondu qu’Air Mauritius réclame une somme substantielle à Cargotech pour impayés et que le dossier est entre les mains des conseils légaux.

 

 

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