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Rapport de l’Audit 2021-2022 : gaspillages et mauvaise gestion à grande échelle

Comme chaque année, le rapport met en lumière plusieurs irrégularités dans la gestion des finances publiques.

Le rapport de l'Audit, qui examine les dépenses des fonds gouvernementaux par les ministères et les entités affiliées, a été publié mardi dernier. Comme c’est le cas chaque année, les mauvais élèves ont été pointés du doigt pour leur mauvaise gestion des fonds et leurs violations des procédures. Le Défi Plus vous présente une sélection de gaspillages criants, qui ne manqueront pas d'attirer votre attention.

Année après année, c’est la même histoire. Le rapport 2021-2022 du bureau de l'Audit a mis en évidence une multitude d'abus, tant au niveau des finances que des procédures, révélant l'ampleur du problème. Le constat est accablant, des centaines de millions de roupies ont été jetées par les fenêtres. Il est préoccupant de constater que malgré les recommandations du bureau de l'Audit, certaines anomalies persistent, car aucune mesure corrective n'a été mise en place, laissant planer des doutes sur la volonté réelle de corriger ces dysfonctionnements.

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La somme de Rs 520 m versée au PSA au lieu du Covid-19 Solidarity Fund 

Le bureau de l’Audit fait ressortir qu’en vertu de la section 4 du Consumer Protection (Control of Price of Petroleum Products) Regulations 2011, seuls les excédents relatifs aux expéditions de produits pétroliers et les gains exceptionnels découlant des hausses des prix de détail peuvent être crédités au Price Stabilisation Account (PSA). 

Le rapport 2021-2022 fait état d'un cas troublant où le ministère du Commerce et de la Protection des consommateurs a donné des instructions à la STC. Ceux-ci étaient en contradiction avec les dispositions légales correspondantes. Plus précisément, un transfert de Rs 800 millions vers le compte du PSA pour « Contribution à la construction d'installations de stockage pour les produits pétroliers » était contraire aux articles 3(2)(ga) et 4(a) de la loi.

Le rapport fait aussi ressortir que la somme de Rs 520 millions (approximativement) collectée par la State Trading Corporation (STC) n'a pas été versée au Covid-19 Solidarity Fund, mais créditée au compte du PSA. Le report de la date de versement, qui était encore une fois contraire à la loi,  était en vigueur à partir du 6 avril 2020.

Le montant des paiements excédentaires de pensions s'élève à Rs 106,3 millions

Le rapport souligne que le montant total des pensions surpayées a augmenté à Rs 106,3 millions au 30 juin 2022, soit une hausse par rapport à l'année précédente où il était de Rs 104,7 millions. Il est à noter que Rs 2 millions n'ont pas été récupérées et ont été considérées comme une perte, car elles ont été annulées en août 2022.

Parmi le montant total de Rs 104,7 millions, seulement Rs 14,2 millions ont été remboursées durant l'année 2021-2022. En revanche, aucun remboursement n'a été effectué pour 400 cas en attente depuis longtemps, totalisant environ Rs 45,6 millions.

De gros contrats ont été alloués à des entreprises qui ont ensuite abandonné les travaux"

Rs 74,5 millions déboursées pour un centre de détention d’où on peut s’évader

Initié en 2010 avec un coût estimé de Rs 29,5 millions, le projet de construction du Centre de détention à Piton a vu son coût augmenter constamment en raison de changements dans sa portée. En octobre 2019, le contrat de construction a été octroyé pour un montant d'environ Rs 85,7 millions avec une date d'achèvement prévue pour le 5 mai 2021. La construction a été retardée en raison du confinement lié à la Covid-19, des travaux de variation visant à améliorer la sécurité et de changements dans la portée des travaux. La date de fin a donc été prolongée jusqu'au 23 novembre 2021.

En octobre 2022, environ Rs 74,5 millions ont été versées au principal entrepreneur, mais le Centre de détention n'était pas encore opérationnel. Le risque  d'évasion des détenus a été détecté à 85 % durant la phase de construction, plutôt qu'à la phase de conception.

Rs 42 millions de TVA n'ont jamais été réclamées

Un projet de construction de la Chancellerie et de la résidence du personnel à Addis-Abeba était à l’agenda. Les contrats ont été attribués pour la construction d'un bâtiment de cinq étages et pour les travaux de décoration intérieure et d'ameublement, ainsi que pour les services de conseil respectifs, afin d'accueillir la Chancellerie et le personnel résident, y compris l'Ambassadeur. 

La remise finale a été effectuée le 24 mai 2022. La Mission n'avait pas réclamé le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) d'un montant total de 938 320 dollars américains (environ 42 millions de roupies) auprès du gouvernement éthiopien. 

Outre cela, une mauvaise planification et un retard dans le déménagement vers le nouveau bâtiment construit pour un montant de 238 millions de roupies à Addis-Abeba ont entraîné le paiement d'un loyer totalisant environ 3,5 millions de roupies. Une situation qui aurait pu être évitée selon le rapport de l’Audit. 

Rs 43,7 millions à un contracteur qui abandonne le chantier

Un entrepreneur a été chargé de construire un Market Fair et un Traffic Centre à Mahébourg. Cependant, après trois ans de travaux, le chantier a été abandonné. Malgré le fait qu'il ait reçu Rs 43,7 millions, soit 50 % de la valeur du contrat de Rs 83,7 millions, aucune poursuite n'a été engagée contre l'entrepreneur jusqu'à présent.

Près de Rs 50 millions aux policiers suspendus

Jusqu'au 30 juin de l'année dernière, 147 policiers étaient suspendus. Un total de Rs 49,6 millions de salaires a été versé pendant leur période d'interdiction. Dans de nombreux cas, les périodes d'interdiction ont duré plusieurs années. Une fois leur cas résolu, les agents concernés ont été soit licenciés, soit réintégrés. En tout, 186 infractions présumées ont été commises par ces 147 agents, dont 29 officiers suspendus pour plus d'une infraction. Les salaires étaient versés en attendant une éventuelle condamnation.  Certaines infractions dataient de sept ans.

Les dépenses de loyer à l'étranger ont atteint Rs 124 millions

Selon le Bureau de l'audit, l'État a dépensé Rs 124 millions en loyers entre juillet 2019 et juin 2022 en raison de retards dans la rénovation et la construction de bâtiments publics. De plus, Rs 2 millions ont été dépensées en loyers pendant la même période pour des espaces vacants dans un bâtiment. Les ambassades de Washington et de Berlin ont coûté au total Rs 1,4 million en raison de retards de loyers ou de locaux inoccupés. Un montant total de Rs 1,4 million a été dépensé pour des frais de stockage de meubles et d'équipements appartenant à des membres du personnel qui ont terminé leur affectation à New York et à Riyad, la capitale de l'Arabie saoudite.

Des dépenses de Rs 1,2 million en raison de mauvaises instructions

Les soumissionnaires ont reçu des instructions erronées dans les documents d'appel d'offres, entraînant des charges supplémentaires de Rs 1,2 million. En juillet 2019, le Mauritius Fire and Rescue Service a demandé au fournisseur de modifier le bénéficiaire de la garantie bancaire de performance (PBG) de l'entreprise privée locale au ministère des Collectivités locales.

Plus d’un milliard de loyers impayés

D'après le rapport du bureau de l'Audit, les détenteurs de baux de l'État n'avaient pas encore versé au ministère du Logement et des Terres la somme de Rs 1,1 milliard de loyers dus au 30 juin dernier. Parmi eux, 47 locataires avaient accumulé un retard de Rs 301 millions, sans inclure les intérêts dus depuis le 30 juin 2019. À la même date, le montant de leurs arriérés avait augmenté pour atteindre Rs 485 millions, sans tenir compte des intérêts. Le bureau de l'Audit a exprimé des préoccupations quant à cette situation.


L’inefficacité persistante pointée du doigt

Le rapport annuel du bureau de l’Audit pour l'exercice 2021-2022 met en lumière l'inefficacité persistante du système qui coûte des milliards de roupies aux contribuables. Sunil Romooah, le directeur du bureau, se dit « inquiet » face à l'incapacité de certains organismes publics à respecter les règlements en vigueur. Il l'impute au manque de compétence des décideurs et des fonctionnaires. 

« Les constats mis en avant dans ce rapport sont semblables à ceux relevés lors des années précédentes, mettant en lumière les failles structurelles du système », écrit Sunil Romooah dans ses observations. Il ne dissimule pas sa préoccupation face à cette situation qui persiste d'année en année. « Je suis inquiet par rapport à la non-conformité de certains organismes publics aux règles et réglementations, notamment en matière d'appels d'offres », indique-t-il.

L'inefficacité de la réalisation des projets infrastructurels est une autre « inquiétude majeure » pour le directeur de l'Audit. Ce dernier a constaté des cas où « de gros contrats ont été alloués à des entreprises qui ont ensuite abandonné les travaux ». Il déplore également que « les retards dans l'exécution des projets soient devenus récurrents dans le secteur public ». 

Seulement 30 % des points soulevés dans le rapport précédent ont été résolus

Sunil Romooah souligne que le taux de résolution des points soulevés dans le rapport de l'année précédente est seulement de 30 %. Pourtant, fait-il ressortir, les procédures dans le service public sont conçues pour éviter les manquements. Il rappelle que « les entités publiques et les fonctionnaires doivent travailler de manière efficace, efficiente, éthique et en accord avec les lois et régulations ».

Cependant, il exprime des regrets quant au fait que cela ne soit pas toujours le cas.

Il pointe du doigt ceux en charge de la gouvernance du secteur public, à qui il incombe de s'assurer que le travail est bien fait en mettant en place des systèmes d'évaluation et en faisant le suivi qui s'impose. Sunil Romooah demande également aux responsables de prendre des mesures pour corriger les manquements, mais aussi de s'assurer qu'ils ne se reproduisent plus.

Les aspects saillants

Rs 6 345,6 millions sur les produits du tabac

Les droits d'accises collectés sur l'importation de produits du tabac, notamment les cigarettes, les cigares, le tabac à mâcher, entre autres, se sont élevés à Rs 6 345,6 millions pour l'exercice financier 2021-2022. 

Rs 792,7 millions sur les produits sucrés

Depuis 2013, le gouvernement a introduit une nouvelle taxe sur la teneur en sucre des produits pour faire face aux maladies non transmissibles telles que le diabète. Les droits d'accise collectés sur les produits sucrés pour l'exercice financier 2021-2022 se sont élevés à Rs 792,7 millions, comprenant des montants de Rs 633 millions et de Rs 159,7 millions collectés respectivement auprès des fabricants locaux et des importateurs.

Autres anomalies

Seulement neuf projets de drains sur 60 ont été complétés

Concernant les projets de tout-à-l'égout dans des zones à haut risque d'inondations, 60 projets ont été identifiés en 2019 et 2020. Malheureusement, seulement neuf projets ont été achevés en août 2022, avec 14 projets encore en cours de construction et 33 en phase de conception et d'appel d'offres. Les raisons pour lesquelles les délais ont été prolongés comprennent des modifications fréquentes de la conception ainsi que des délais dans l'acquisition de terrains.

Une mauvaise utilisation de l’Emergency Procurement déplorée

Le directeur du bureau de l'Audit a soulevé des préoccupations quant aux achats de médicaments sous le Emergency Procurement par le ministère de la Santé pour lutter contre la Covid-19. Cette question est suffisamment importante pour justifier une « special review ». Entre novembre 2021 et juin 2022, le ministère a dépensé Rs 357 millions pour l'achat de médicaments tels que le Molnupiravir et le Tocilizumab. À la fin de juin, Rs 153 millions avaient déjà été dépensées.

La construction d'un marché et d'un centre de circulation à Goodlands est aussi évoquée. Encore une fois, le bureau de l’Audit déplore une utilisation inappropriée des dispositions sous l’Emergency Procurement. Le projet était estimé à environ Rs 276 millions et a finalement été attribué pour Rs 317,4 millions le 29 août 2019. En octobre 2022, les paiements totaux au contractant avaient atteint 242,3 millions de roupies.

280 écoles publiques sans Fire Certificate 

Selon le rapport, 280 établissements scolaires publics fonctionnaient sans certificats d'incendie et ne se conformaient donc pas au Mauritius Fire and Rescue Service Act et à l’Occupational Safety and Health Act. Des fonds ont été mis à disposition dans le budget du ministère de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur, des Sciences et de la Technologie depuis l'exercice financier 2018-19 pour des améliorations dans les écoles en vue de se conformer aux normes incendie. Cependant, ces fonds sont restés inutilisés.

Appel d’offres modifié pour un coût élevé 

Pour l’achat d’Air Ground High Frequency Communication Equipment, le Central Procurement Board (CPB) a lancé un appel d'offres en février 2019. Le coût estimé du projet était de 80 millions de roupies. Le 24 juillet 2019, le CPB a préconisé son annulation, car l'offre la moins chère reçue était nettement supérieure au coût estimé du projet, soit environ 150 %. 

Le coût estimé du projet a été revu à la hausse à 173 millions de roupies, ce qui a entraîné la réalisation d'une deuxième procédure d'appel d'offres en octobre 2020. Le contrat a été attribué le 22 octobre 2021 à une entreprise étrangère, la Société A, pour un montant de 1 952 453 euros (équivalent à environ Rs 95,2 millions), bien en dessous du coût estimé révisé.

 

  Rapport de l’Audit 2019-2020 Rapport de l’Audit 2020-2021 Total
Nombre de dossiers en suspens qui ont été suivis lors de l’Audit 2021-2022 158 159 317
Nombre de dossiers en suspens et qui sont à suivre durant l’Audit 2022-2023 110 120 230
 

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