Live News

Rapport «accablant» du FACT-FINDING COMMITTEE : qui paiera pour les 11 patients dialysés décédés ?

Le calvaire enduré par les patients dialysés pendant la crise de Covid-19 a été mis à nu dans le rapport du Fact-Finding Committee.

Les rapports du Fact-Finding Committee et du Medical Negligence Standing Committee révèlent de graves failles dans la prise en charge des patients dialysés placés en quarantaine en 2021. Alors que les familles des victimes réclament justice, le ministère de la Santé s’engage à prendre des mesures.

Publicité

La longue attente des proches des 11 patients dialysés positifs à la Covid-19 qui ont perdu la vie en 2021 a pris fin avec la publication, vendredi, des rapports du Fact-Finding Committee (FFC) et du Medical Negligence Standing Committee (MNSC) visant à établir les circonstances de leur mort. Ces documents mettent clairement en lumière les divers manquements survenus à différents niveaux, qui y ont contribué. Désormais, ces familles réclament justice (voir en page 5). Des actions sont attendues de la part du ministère de la Santé contre ceux qui ont « fauté ».

Pour l’ancien directeur des services de santé, le Dr Vasantrao Gujadhur, « l’ancien ministre Kailesh Jagutpal a failli à tous les niveaux. Il est coupable de mauvaise gestion et a caché au public, et aux familles des victimes, des informations essentielles qu’il avait en sa possession sans prendre les mesures appropriées ». « Ce ne sont pas seulement les défunts qui ont souffert, mais aussi leurs proches », déclare-t-il avec révolte.

Ainsi, pour lui, Kailesh Jagutpal, devrait être parmi les premiers à être sanctionnés. « Lorsque nous disposons d’un tel rapport, qui fait état de divers manquements de la part du personnel de santé, soit des actions disciplinaires sont prises, soit, s’il y a négligence criminelle, le cas est référé à la police ou au Bureau du Directeur des poursuites publiques », ajoute l’ancien directeur des services de santé, qui, à l’époque où il était au ministère de la Santé, avait tant bien que mal géré la première vague de la pandémie de COVID-19, de mars à mai 2020, avant d’être évincé.

Bien qu’il n’ait pas parcouru l’intégralité des deux rapports, le Dr Gujadhur se demande notamment s’il « y avait une réelle nécessité de placer [les patients] en quarantaine ». Il s’interroge également sur le « preparedness plan » à la suite de la première vague de COVID-19 : « Quel a été le rôle de l’hôpital de Souillac et de ses administrateurs ? » 

Cependant, pour Ram Nowzadick, président de la Nursing Association, on ne peut accuser le personnel médical de négligence. La décision de placer des patients dans les centres de quarantaine avait été prise sans instructions précises concernant leur prise en charge, fait-il savoir. « Les infirmiers n’ont fait que suivre le protocole mis en place. Ils ont prodigué les soins appropriés, mais aucune instruction ne précisait qu’ils devaient s’occuper des patients dialysés dans leur chambre », affirme-t-il. 

Ram Nowzadick précise que les infirmiers n’étaient que les exécutants des directives données par les directeurs de la santé, le responsable du service de dialyse et les Regional Nursing Administrators. « Les infirmiers ont agi selon les instructions reçues », précise-t-il. Et d’insister : « Nous avons fait ce qu’il fallait. »

Ce manque d’organisation, de directives claires et de supervision est mentionné dans le rapport du MNSC. Le comité souligne également le chaos total qui a régné, notamment lors du transfert des patients dialysés. La qualité des repas destinés à ces patients y est également évoquée.

Bien que le rapport ait été qualifié d’« accablant », un médecin, ayant requis l’anonymat, affirme que le personnel a fait de son mieux avec les moyens du bord. « Il y a quatre ans, nous n’avions pas autant de connaissances sur la COVID-19. C’était une nouvelle maladie que nous avons appris à gérer au fur et à mesure, tout en nous protégeant au mieux », explique-t-il. Pour lui, face à la peur, « c’était humain de se tenir à distance des patients ou d’avoir peur de les toucher ».

L’approche du personnel a évolué avec le progrès, une meilleure connaissance de la maladie et des moyens de protection renforcés. « Il est trop facile, après coup, de tirer des conclusions et de formuler des recommandations dans un rapport. Il faut prendre en compte le contexte, les moyens disponibles à l’époque et les ressources limitées », affirme-t-il. 

Enquête et poursuites judiciaires

« Les patients qui sont morts ont énormément souffert et sont décédés dans l’agonie », regrette Bose Soonarane, secrétaire de la Renal Disease Patients’ Association. Il indique que les proches des patients réclameront justice à travers l’association : « Aucune famille ne prendra d’action individuelle. Ce seront des actions communes menées par l’association en leur nom. »

Les familles demanderont des dédommagements, compte tenu des cas flagrants de négligence révélés par les rapports. Le secrétaire de l’association parle de négligence criminelle, étant donné qu’il y a eu mort d’homme. Les responsables doivent être identifiés et des sanctions prises à leur encontre, soutient-il.

Les rapports seront étudiés dans leur intégralité avant de décider de la marche à suivre. Mais d’ores et déjà, une lettre a été envoyée au bureau du Directeur des poursuites publiques pour demander l’ouverture d’une enquête judiciaire. 

« Contrairement à ce qu’a voulu faire croire l’ancien ministre de la Santé Kailesh Jagutpal, les documents ne contenaient pas que des recommandations. La vérité nous a été cachée », ajoute-t-il. De nombreux proches des patients décédés étaient conscients de ce qui se passait à l’hôtel Tamassa, converti en centre de quarantaine : « Nous étions témoins du calvaire qu’ils vivaient. »

Bose Soonarane tient l’ancien ministre de la Santé Kailesh Jagutpal pour responsable, dénonçant son inaction face à la situation : « Il a préféré nier les faits, clamant sans cesse qu’il y avait une bonne prise en charge et que Maurice avait fait mieux que d’autres pays. »

Des sanctions attendues

« Nous allons prendre les mesures nécessaires », affirme le ministre de la Santé Anil Bachoo. Selon lui, depuis le dépôt du rapport au ministère (NdlR, rendu public avec le consentement des familles des patients décédés), il n’y a pas eu de suivi concernant les conclusions des rapports du FFC et du MNSC. 

Des mesures ont déjà été prises concernant les recommandations figurant dans les deux documents, indique-t-il. Après avoir étudié les rapports, le gouvernement prendra une décision. Des actions à l’encontre de ceux qui ont failli dans leurs tâches ne sont pas écartées, fait-il comprendre. 

Le rapport du Medical Council décrié

« Le rapport du Medical Council est à mettre à la poubelle », déclare Bose Soonarane. Ce document, qui soutient qu’il n’y a pas eu de négligence médicale, est contredit par les conclusions du FFC et du MNSC. Néanmoins, la Renal Disease Patients’ Association souhaite également obtenir une copie de ce document dans le cadre des actions à venir.

Sollicitée, une source au sein du Medical Council explique que l’enquête s’est concentrée uniquement sur les médecins et non sur les autres membres du personnel ayant travaillé dans les centres de quarantaine et au New Souillac Hospital. Notre interlocuteur a refusé de commenter davantage les documents rendus publics, préférant les examiner au préalable avant de s’exprimer.

Ce qu’avait dit Kailesh Jagutpal

L’ancien ministre Kailesh Jagutpal avait choisi de « dissimuler » les conclusions des enquêtes en invoquant la clause de confidentialité. Cependant, il avait promis des sanctions en cas de manquements. « Chacun doit assumer ses responsabilités face à cette enquête. Nous prendrons les mesures nécessaires en cas de négligence », avait-il assuré dans une déclaration à la presse en avril 2023. Pour lui, le rapport du FFC ne faisait état que d’un « manquement administratif ». 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !