
L’ancien vice-président de la République, Raouf Bundhun, se réjouit de l’arrivée du Premier ministre indien, Narendra Modi, à Maurice, tout en affirmant que cette année marque une véritable libération pour le pays après une décennie de règne du Mouvement socialiste militant (MSM). Il voit en cette fête nationale l’occasion de célébrer l’indépendance retrouvée.
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Le pays célèbre son indépendance et son accession au statut de République. Quels sont vos sentiments en tant que citoyen ?
Je suis un homme soulagé. Après la grande victoire de l’Alliance du Changement, le pays s’est débarrassé d’un régime que je qualifie de totalitaire. Aujourd’hui, le pays respire enfin l’air de la liberté et de la démocratie après dix ans. Ce 57e anniversaire de notre indépendance et le 33e de notre République seront fêtés comme il se doit. Le peuple a rendu son verdict et a redonné à notre nation le mieux-être qu’elle mérite.
Depuis notre indépendance, estimez-vous que le pays a réellement progressé ? Dans quels domaines en particulier ?
Après l’indépendance, il y a eu des avancées historiques au niveau économique. À une époque, l’économie du pays dépendait presque exclusivement de l’exportation du sucre. Plus de 90 % de nos revenus dépendaient de l’exportation de ce trésor de sucre en devises étrangères. Les différents gouvernements ont ensuite entrepris une diversification économique.
Pourriez-vous nous donner des exemples concrets ?
La zone franche manufacturière, le tourisme et le secteur financier. On a fait des avancées énormes également dans le domaine de l’éducation qui est gratuite à tous les niveaux, en matière de santé et au niveau de l’État-providence, avec notamment la pension universelle.
Mais avez-vous constaté des reculs ?
Il faut se l’avouer ; il y a eu quelques reculs importants avec le développement économique, au niveau de la famille, de la drogue et de la criminalité, entre autres.
La visite officielle du Premier ministre indien, Narendra Modi, en tant qu’invité d’honneur des célébrations de l’indépendance et de la République, revêt-elle une symbolique particulière ?
La visite de Shri Narendra Modi est symbolique pour Maurice. C’est un honneur de le recevoir. Mais je voudrais rappeler que la toute première visite officielle post-indépendante à Maurice a été celle d’Indira Gandhi, alors Première ministre de l’Inde. C’était en 1970. Après est venue celle de la reine d’Angleterre en 1972.
La visite de Narendra Modi représente les liens qui unissent nos deux pays. Il y a toujours eu ce cordon ombilical qui unit nos deux peuples. D’ailleurs, la majorité de nos compatriotes trouve ses origines de la Grande péninsule.
Le terme « Little India » a souvent été utilisé pour décrire Maurice. Qu’en pensez-vous ?
C’est Indira Gandhi qui avait dit que Maurice est une « Little India ». Mais Maurice est Maurice. C’est un pays multiculturel, multiracial et pluriethnique, avec une population qui trouve ses origines d’Europe, d’Afrique, d’Asie et d’Inde. Maurice est un véritable arc-en-ciel doté de sa propre identité. Malgré notre diversité, nous avons une population harmonieuse. C’est un exemple que nous offrons au monde entier.
Pensez-vous que l’Inde peut nous apporter son appui sur le dossier des Chagos à travers nos relations bilatérales ?
Toute aide de pays amis est la bienvenue. Je suis confiant après la déclaration de Donald Trump qu’on se dirige vers une bonne direction pour ce qui est du traité qui sera signé.
Venons-en aux actualités locales. Quel regard portez-vous sur les 100 premiers jours du nouveau gouvernement ?
Le nouveau gouvernement a pris le taureau par les cornes. On a vu les arrestations spectaculaires de ceux accusés d’avoir pillé les caisses de l’État de manière éhontée. Il faut désormais attendre la fin de l’enquête et d’éventuelles poursuites judiciaires. La population attend du nouveau gouvernement qu’il prenne les décisions appropriées pour remettre le pays sur les rails.
Quel a été l’apport de Rezistans ek Alternativ (ReA) dans la victoire de l’Alliance du Changement ?
Jusqu’à présent, je n’ai pas compris comment et pourquoi les deux plus grands partis politiques de ce pays que sont le Parti travailliste (PTr) et le Mouvement militant mauricien (MMM) se sont mis en alliance avec ReA. À mon avis, si ReA avait été seul comme les partis de Bhadain, de Bodha ou de Grandcourt, il aurait mordu la poussière comme eux. Ce parti aurait connu le même sort, c’est-à-dire la débâcle. D’ailleurs, Ashok Subron a lui-même dit qu’il n’aurait jamais pensé devenir ministre un jour.
Mais encore ?
Heureusement qu’on a un peuple éclairé qui n’a pas pris en considération des petitesses et qui a agi. Je pense surtout à la majorité silencieuse qui a pris la bonne décision. Il y a aussi la presse et les médias libres qui ont joué leur jeu honnêtement dans des moments difficiles.
Les récents amendements apportés à la Financial Crimes Commisssion (FCC) Act ont redonné au Directeur des poursuites publiques (DPP) ses pouvoirs discrétionnaires. Trouvez-vous que c’est un bon dénouement dans la bataille juridique opposant l’ex-Commissaire de police et le DPP ?
Je salue la décision d’avoir apporté des amendements à la FCC Act. Je n’ai pas compris les raisons pour lesquelles le gouvernement mené par le MSM voulait à tout prix se défaire du DPP qui a un rôle constitutionnel bien défini. C’est très bien de redonner tous ses pouvoirs discrétionnaires au DPP et son indépendance. C’est bien pour le pays.
Restons sur la FCC. Le MSM crie à tue-tête, à travers Joe Lesjongard, que cette institution le viserait par vengeance politique, surtout son leader. Serait-ce le cas dans l’affaire des valises ? Pourtant, le gouvernement avance une tout autre version…
Ce qui se passe dans l’affaire des valises avec des millions et l’arrestation de Pravind Jugnauth ne constituent pas une vengeance politique. Le leader du MSM devrait s’estimer heureux que Navin Ramgoolam n’ait pas demandé de le traiter comme un vulgaire criminel, comme le gouvernement du MSM l’avait fait contre lui, en sa qualité de leader du PTr et Premier ministre sortant. Je suis heureux que le peuple ait redonné sa dignité à Navin Ramgoolam. Je le félicite pour la manière dont il a su gérer ces dix dernières années et comment il s’est conduit. Il a fait confiance à la justice de notre pays. Il s’est conduit comme un citoyen responsable.
Les municipales sont annoncées pour dans deux mois environ. Pensez-vous qu’il y aura un « walk-over » de l’Alliance du Changement ou des partis, tels que le Reform Party de Roshi Bhadain, En Avant Moris de Patrick Belcourt ou encore le Mouvman Bruneau Laurette pourraient faire une percée, même timide ?
Toute élection est bonne pour la démocratie d’un pays. Pendant des années les élections municipales ont été renvoyées par le MSM pour des raisons qui lui sont propres et connues de tous. C’est bien de voir des partis extra-parlementaires se présenter. Mais ce sera un « walk-over » pour l’Alliance du Changement aux municipales, un score net de 124-0.
Serait-il judicieux que le MSM se lance dans cette bataille municipale après la débâcle du 11 novembre 2024 ?
Si le MSM choisit de participer aux municipales, ce sera à ses risques et périls. Si ce parti pense redorer son blason après la débâcle de novembre 2024… Qu’il tente sa chance, quitte à tout perdre de nouveau.
Quel avenir pour le Parti mauricien social-démocrate (PMSD), maintenant que ce parti a rompu ses liens avec le MSM et ses alliés ? Est-ce le clap de fin du PMSD ?
Le PMSD a eu son heure de gloire, notamment sous sir Gaëtan Duval, avec un score de 44 % lors des premières législatives du pays en août 1967. Mais aujourd’hui, où en est le PMSD ? Ce parti existe-t-il encore ? Il semble n’être plus que l’ombre de lui-même, avec un seul député « Best Loser ». Où est son leader s’il en existe encore un ?
Propos recueillis par Jean-Claude Dedans

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