
Rama Sithanen a tenu à dire sa « part de vérité » dans l’émission au Cœur de l’Info sur Radio Plus ce vendredi 5 septembre au micro d’Ashna Nuckcheddy-Rabot. Gros plan sur les grandes lignes.
Rama Sithanen est catégorique : son fils Tevin n’a commis aucune des fautes qu’on cherche à lui imputer. « On mène une véritable campagne d’acharnement et de harcèlement contre mon fils », dénonce-t-il tout en ajoutant qu’il est « adulte » et est « capable de se défendre ». Il déplore que certaines personnes puissent penser « qu’il ne vaut rien ». « C’est faux ! », souligne-t-il. Pour preuve, il met en avant le parcours de son fils. « Tevin a obtenu 5 A en HSC, au Royal College. Il a ensuite étudié à la London School of Economics, une des meilleures universités au monde. Il a travaillé chez Deloitte, est devenu expert-comptable, puis a exercé dans la City de Londres, avant de rejoindre le secteur bancaire en Irlande », indique-t-il. Rama Sithanen indique également que son fils Tevin est proche du Parti travailliste et de Navin Ramgoolam. « Il était aussi un ami proche de Gérard Sanspeur pendant la campagne électorale », a-t-il souligné.
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Face aux allégations de Gérard Sanspeur sur « l’ingérence » de Tevin Sithanen dans les affaires de la BoM, Rama Sithanen répond : « Il n’a rien fait, et c’est facilement vérifiable. Aucune licence bancaire n’a été accordée, aucun prêt n’a été débloqué, personne n’a été révoqué. Une seule personne a été écartée, et cela, sur la base d’allégations formulées par Gérard Sanspeur lui-même. On ne peut pas harceler un enfant à ce point », martèle-t-il.
Rama Sithanen est même sorti de ses gonds à un moment donné. « On semble croire que tous les problèmes du pays sont causés par mon fils. Demain, si quelqu’un tombe dans la rue, on dira que c’est sa faute. Si demain, il y a un souci à la MCB ou à Absa, on l’accusera encore. Ce n’est pas juste. Ce n’est pas lui la cause de tout », fustige-t-il.
Ce que Rama Sithanen a dit sur…
…sur la démission de Gérard Sanspeur : « Ce qui s’est passé la semaine dernière relève d’une distorsion de la réalité. Le Premier ministre m’a appelé alors que je présidais un Conseil d’administration auquel assistaient les deux Deputy Governors. Il m’a dit que Gérard Sanspeur devait démissionner ou qu’il serait révoqué avec des charges. Il a négocié pour rester à son poste pendant quelques jours. On lui a demandé de partir immédiatement. Il voulait partir après la conférence de presse, mais on lui a dit de partir avant. »
…la situation à la BoM après la démission de Sanspeur : « Aujourd’hui, il y a la sérénité à la Banque de Maurice. Nous restons concentrés sur notre mandat. Mais, les attaques continuent, les allégations aussi, venant de snipers. Ces faussetés sont vérifiables. »
…sur la réforme des pensions : « Gérard Sanspeur m’a accusé à tort sur la réforme des pensions. Le Premier ministre adjoint et leader du MMM, Paul Bérenger, l’a démenti. Sanspeur n’a pas le courage d’attaquer le Premier ministre, le DPM, alors il s’en prend à moi. Je n’ai rien à voir avec la politique fiscale du gouvernement ni avec la réforme des pensions. Je suis le Gouverneur de la BoM. »
…les allégations faites à son encontre et du Board : « Je me trouve dans une situation extrêmement compliquée. Il y a eu des attaques contre mon intégrité, celle des membres du Board, du First Deputy Governor, contre mon fils, ma famille. Beaucoup de personnes m'ont conseillé de ne pas trop répondre. Mais je dois apporter un minimum de réponses. Plus je garde le silence, plus certains finissent par croire à ces mensonges. De plus, il y a des snipers qui écrivent n’importe quoi – et nous savons tous qui se cache derrière. Je suis triste pour ma famille, car elle subit des attaques inacceptables. Mes collègues à la Banque de Maurice et les membres du Conseil d’administration subissent, eux aussi, des attaques, alors qu’ils sont de véritables professionnels qui accomplissent leur travail en toute indépendance. »
…l’indépendance de la Banque de Maurice : « La Banque de Maurice est une institution indépendante. En tant que Gouverneur, j’ai la responsabilité de gérer la BoM, et je suis redevable devant le Conseil d’administration. Je bénéficie du soutien total de tous les membres du Board ainsi que du First Deputy Governor. »
… le soutien du Premier ministre : « J’ai le soutien total du Premier ministre. Il est au courant de tout ce qui se passe — que ce soit concernant la Financial Services Commission, la Silver Bank ou la Mauritius Investment Corporation— même si la Banque centrale reste indépendante. J’ai transmis des documents et des explications au Premier ministre. Il ne m’a jamais critiqué, ni en public ni en privé. Quand il a des questions, il me dit : « Rama, j’ai besoin d’explications », et je les lui donne. Maintenant, je ne sais pas s’il partage ensuite ces informations. »
…ses voyages et ses per diem : « Je n’ai pas effectué six voyages en tant que Gouverneur. C’est vérifiable. Per diem pa sa montan Sanspeur pe dir. Je comprends que cela puisse choquer, mais il faut écouter mes explications. »
…sur les enregistrements qui pousseraient Sithanen à la démission s’ils sont rendus publics : « Je ne sais pas de quoi il parle. Pourquoi ne les a-t-il pas encore dévoilés ? Si c’est une conversation entre A et C et que je ne suis ni A, ni B, ni C, pourquoi dois-je démissionner ? Que ce ne soit pas des fabrications de l’IA. Attention ! »
…sur la Silver Bank : « C’est Gérard Sanspeur qui s’est occupé du dossier de la Silver Bank. Il faut le reconnaître. C’est un dossier complexe qu’on a hérité. Pendant sept mois, il a fait de son mieux. Nous sommes en discussion avec un repreneur. Trois conditions lui ont été imposées : injecter suffisamment de capitaux, divulguer certaines informations et mettre en place une équipe compétente. Je souhaite sincèrement que l’on trouve une solution pour la Silver Bank. Nous faisons tout notre possible. »
…sur son poste à la Financial Services Commission : « Je suis Non Executive Chairman à la FSC. C’est le CEO et sept sous-comités qui prennent des décisions. En 2010, il était question de fusionner la FSC avec la BoM. Mais, plusieurs Gouverneurs, notamment Bheenick et Basant Roi, s’y sont opposés car cela créerait un risque d’instabilité financière. Il n’y a pas de conflits d’intérêts et de concentration de pouvoirs. »
14 charges contre Sanspeur
Quatorze charges pèsent contre Gérard Sanspeur pour « breach of trust », « default » et « serious misconduct », selon Rama Sithanen. « Notre équipe d’avocats finalise un rapport qui sera transmis à la police. Ce rapport est fondé sur 14 charges, dont abus de confiance et faute grave, et il comprend des documents et des échanges de mails », ajoute-t-il.
Une plainte à la police contre l’ex-Second Deputy Governor
« Gérard Sanspeur a cette capacité de dire des choses qui sont totalement à l’opposé de la réalité. Il n’y a eu aucune transaction avec Sotravic, et c’est Gérard Sanspeur lui-même qui a initié cette démarche. Il a exercé des pressions sur l’officier en charge, au point où ce dernier a dû faire une déclaration à la police concernant ce dossier », soutient Rama Sithanen. Il aurait tenté, selon Rama Sithanen, de conclure des transactions dans le dos de l’officier, y compris des deals portant sur deux terrains dans le sud.
Sithanen disposé à rencontrer Paul Bérenger
Êtes-vous le point de discorde entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ? À cette question, Rama Sithanen a répondu : « Il faut poser la question à Paul Bérenger. N’attendez pas que je lui réponde, je ne le ferai pas. J’ai aussi de l’expérience politique, je sais comment cela fonctionne. Cela dit, je n’ai jamais entendu le DPM me critiquer en tant que Gouverneur de la Banque de Maurice ». Il se dit prêt à rencontrer Paul Bérenger si celui-ci souhaite le voir.
Price Stabilisation Fund, une idée de Sithanen
Rama Sithanen a révélé que l’idée du Price Stabilisation Fund venait de lui. Il en a fait la proposition lors de la préparation du programme électoral. « Beaucoup étaient contre. J’ai parlé de cette proposition au chef du gouvernement. Je ne réclame pas la paternité de cette mesure. Je fais mon travail dans la discrétion », a-t-il indiqué.
Publications à caractère sexiste
Cinq employées de la BoM ont porté plainte à la police pour cause de publications à caractère sexiste à leur encontre. « Il y a des snipers qui font des attaques en ligne, allant jusqu’à utiliser des termes odieux pour désigner certaines employées de la Banque de Maurice », déplore Sithanen.
Image de la BoM Le FMI et Moody’s s’interrogent
« Toutes ces allégations envoient un très mauvais signal à l’international », avance Rama Sithanen. Car, il est question de gouvernance. Il indique que le FMI et Moody’s commencent déjà à poser des questions. « Quand il y a des critiques contre la BoM, le FMI n’est pas content », souligne-t-il. Il réclame la prudence. « Il ne faudra pas prendre des décisions qui fragiliseraient la position de la BoM. Surtout que l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) viendra bientôt pour une évaluation. Il est essentiel de faire confiance à l’indépendance de la Banque de Maurice », insiste Rama Sithanen.
MIC : deux audits ont été faits, selon Sithanen
Rama Sithanen balaie d’un revers de la main la déclaration de Gérard Sanspeur qu’aucun audit n’a été fait sur la Mauritius Investment Corporation. : « Dès mon arrivée, j’ai demandé un audit sur la MIC. Celui-ci a été conduit par la Banque mondiale et l’IFC, dont le rapport a été remis en février. Nous travaillons actuellement sur les recommandations de ce rapport », souligne-t-il. Le FMI et Moody’s ont recommandé que la Banque de Maurice se désengage de la MIC. « Mais le gouvernement n’a pas les moyens d’acheter la MIC. Rs 81 milliards, c’est énorme par rapport au PIB », explique Rama Sithanen.
Le Gouverneur a aussi indiqué qu’il y a trois catégories de « defaulters » à la MIC :
- les « bandits », soit des individus ayant profité de connexions politiques pour obtenir des prêts sans garanties, qu’ils n’ont pas remboursés. « Ces dossiers ont été transmis à la FCC, il y a environ 7 ou 8 cas », indique-t-il. Il cite au passage l’exemple d’un « bandit » qui a utilisé des fonds obtenus de la MIC pour rembourser des prêts contractés auprès d’autres banques, en mettant un terrain de l’État en garantie.
- Les entreprises en difficulté, qui ne peuvent pas payer les intérêts : « La MIC travaille avec elles pour trouver des solutions », souligne-t-il
- Ces compagnies qui ont pris des « equity » comme Verde, dont le dossier a été transmis à la FCC.
Cependant, il insiste sur la confidentialité : « On ne peut pas dévoiler publiquement les noms. Il y a des clauses de confidentialité. »
VERBATIM
- « Je réalise que mon intégrité a été affectée. Ce n’est pas de ma faute. J’ai tout essayé. J’ai toléré énormément. Je peux donner quantité d’exemples de cette tolérance. »
- « On s’attaque à mon intégrité et à celle des membres du conseil d’administration. C’est grave. Nous avons hérité d’une situation difficile et vraiment complexe. »
- « Gérard Sanspeur essaie de faire croire qu’il est pauvre. Pourtant, au Parlement, en 2017, à une question de Rajesh Bhagwan, le Premier ministre avait répondu que Gérard Sanspeur touchait Rs 1 million par mois ainsi que des per diems. Ses explications : il est compétent. Moi, qui ai été ministre des Finances pendant dix ans, je ne peux pas avoir un gros salaire ? De plus, il a méprisé Rajesh Bhagwan, en disant qu’il ne prendra pas de leçons d’un « meter reader qui n’est pas allé à l’école ». »
- « Je connais Stéphane Adam comme un vendeur de sondages. Ce qu’il demandait était démesuré. Et il donnait gagnant l’Alliance du Changement. Il fait actuellement face à deux affaires : l’une civile, l’autre criminelle. »
- « Des « snipers » lancent des rumeurs sur ma femme qui roulerait en Porsche. Cela peut être vérifié. Ce n’est pas le cas. »
- « Si Tevin venait régulièrement à la BoM, c’est parce qu’il était proche de Gérard et Rajeev… »
- « J’ai suffisamment d’expertise et d’expérience – dix ans comme ministre des Finances, et 46 ans d’expérience à l’international – pour ne pas laisser quiconque venir dire comment je dois gérer la Banque de Maurice. »
- « Mon fils soutient le Premier ministre et le PTR. Aditi Boolell, selon certains, a pris position pour Jugnauth. Chacun défend son camp et peut-être qu’un échange musclé a eu lieu. Où sont les menaces dedans ? Les Adam cherchent à détourner l’attention pour qu’on oublie les irrégularités sur les Rs 45 millions qu’ils ont perçus… »
- « La BoM est indépendante, bien sûr elle est redevable. Ce n’est pas pourtant qu’elle doit venir dire ce qu’elle fait au jour au jour à chaque allégation.»
- « C’est la pratique à la BoM de suspendre quiconque sur lequel il y a une charge criminelle. »
Ces chiffres à retenir
Rs 1 milliard
La quantité de devises sur le marché a augmenté de Rs 1 milliard, a indiqué Rama Sithanen.
5 pressentis pour le poste de Gouverneur de la BOM
Au total, cinq personnes étaient pressenties pour être Gouverneur de la Banque de Maurice. « Beaucoup de gens ne sont pas contents que le PM m’ait confié ce poste et celui de First Deputy Governor à Rajeev Hasnah. There is nothing I can do. Ils vont continuer à m’attaquer peu importe ce que je fais… », a déclaré Sithanen, qui précise qu’il n’a fait « aucun lobby » pour ce poste. « Je n’ai rien demandé. Je gagnais très bien ma vie dans le secteur privé », ajoute-t-il.
Rs 81 milliards pour la MIC
La MIC a été créée à travers une création monétaire de Rs 81 milliards par la Banque de Maurice. Sur ce montant, Rs 59 milliards ont été investis, dont le plus important investissement est Airports Holding Ltd à hauteur de Rs 25 milliards (Ndlr : Or, selon la Banque mondiale, les Rs 25 milliards investis dans AHL ne valent aujourd’hui que Rs 5 milliards). « Il reste Rs 22 milliards sur les Rs 81 milliards. Certaines entreprises nous ont remboursé. Nous avons récolté à ce jour Rs 5 milliards », indique Rama Sithanen.
Rs 10 milliards
La MIC dispose aussi de Rs 10 milliards dans des terrains. « Depuis notre arrivée, leur valeur a augmenté de 40% », a indiqué Rama Sithanen.

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