Live News

Rama Sithanen : «Ceux qui touchent moins de Rs 25 000 auraient dû obtenir Rs 2 000»

L’ancien ministre des Finances était l’invité de Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul dans l’émission « Au cœur de l’info » ce vendredi. Rama Sithanen s’est livré à une analyse critique des mesures énoncés dans le discours du budget de Renganaden Padayachy.

D’emblée, Rama Sithanen indique qu’il attendait le ministre des Finances sur trois grands axes. Primo, compenser la perte du pouvoir d’achat et contenir la crise sociale. Secundo, les moyens de financement des mesures budgétaires sans aggraver le déficit et la dette publics. Et tertio, les mesures pour relancer l’économie. 

Publicité

Pour ce qui est du pouvoir d’achat, il reconnaît que le gouvernement a fait « un gros effort » mais pense qu’il aurait dû le faire plus tôt. Concernant le financement du budget, il estime que Renganaden Padayachy s’est montré trop optimiste sur la croissance en misant sur des revenus plus élevés qu’ils ne devraient l’être. Ainsi, dit-il, le Grand argentier peut se permettre d’emprunter plus, que ce soit à Maurice ou à l’étranger.  « Il prévoit aussi de vendre des bijoux de l’État et d’avoir recours à des fonds spéciaux », ajoute-t-il. 

Quant aux mesures permettant une relance économique, Rama Sithanen se demande si le ministre ne serait pas en train de redessiner les contours de notre économie. « Pour moi, il y a des points d’interrogation. Dans certains secteurs, il annonce toute une panoplie de mesures alors que dans d’autres, il n’y a presque rien. » 

Compensation insuffisante

Pour Rama Sithanen, le ministre des Finances aurait dû avoir plus de considération pour les personnes touchant moins de Rs 25 000 par mois. Car, dit-il, le chiffre de 8,5 % d’inflation prévu par la Banque de Maurice est une moyenne, alors que ceux au bas de l’échelle subissent une « food inflation » allant jusqu’à 20 %. « Ces personnes-là auraient dû obtenir une compensation mensuelle de Rs 2 000 ou l’équivalent en ‘food voucher’ ». Il souligne que les Rs 1 000 seront vite englouties par une hausse de l’inflation causée, entre autres, par la dépréciation de la roupie et le coût du fret. 

Prix des carburants    

L’ancien ministre des Finances estime que Renganaden Padayachy aurait pu consentir à faire un effort sur les prix des carburants. « Il aurait dû faire preuve d’empathie envers ceux qui ont un véhicule, en réduisant le prix de l’essence d’au moins 10 %. Sans compter que les prix des carburants ont un effet cascade sur ceux d’autres produits. » 

Marge de manœuvre

Selon Rama Sithanen, il est faux de dire que le ministre des Finances n’a pas de « fiscal space ». « Li ena kass ! », assure-t-il, arguant que Renganaden Padayachy disposerait d’au moins Rs 40 milliards dans des fonds spéciaux. De plus, ajoute-t-il, le Grand Argentier aura à sa disposition « les milliards de roupies allouées à la construction de drains et de logements sociaux qui seront très peu utilisées ».

Relance économique

L’ancien ministre des Finances est d’avis que le Budget 2022-2023 est fade en termes de mesures pour la relance économique. Selon lui, il aurait fallu mettre davantage l’accent sur l’investissement du secteur privé mauricien, l’exportation de biens et services, et attirer les investissements directs étrangers (IDE) dans des secteurs productifs. 

Sécurité alimentaire

La relance économique doit passer, selon Rama Sithanen, par une baisse des importations de produits alimentaires. Pour cela, dit-il, il faut accompagner les planteurs dans la modernisation de leurs méthodes de culture. Il pense aussi qu’il faut inciter les étrangers à investir dans l’agriculture à Maurice, déplorant au passage que 80 % des IDE aillent au secteur de l’immobilier haut de gamme. Par ailleurs, « les grandes compagnies qui souhaitent convertir leur terrain pour un développement foncier, par exemple, devraient réserver une partie du terrain à la culture de produits alimentaires », suggère-t-il. 

Énergie renouvelable

Pour Rama Sithanen, Maurice n’a pas d’autre choix que de décarboniser son économie. Cela devrait se faire, selon lui, à travers un plan national réunissant le Central Electricity Board et le secteur privé avec le concours d’un régulateur. Tout aussi important, dit-il, est d’aller vers l’efficacité énergétique. « En d’autres mots, consommer moins d’énergie pour la même activité », précise-t-il, estimant que cela peut se faire à la fois au niveau des foyers et des industries. 

Les « réchauffés »

Des mesures déjà annoncées dans le passé n’ont pas échappé à l’ancien ministre des Finances, à l’instar du Rivière des Anguilles Dam. Trois raisons sont avancées par Rama Sithanen pour tenter d’expliquer pourquoi les mêmes projets reviennent d’année en année dans les annonces budgétaires. « Un projet peut accuser un retard dû à des contestations dans l’allocation du contrat. Il y a aussi le manque de capacité à planifier et à implémenter. Il peut également s’agir d’un manque de suivi. » Et d’ajouter : « C’est la même chose pour la construction de 12 000 logements sociaux. On en parle depuis plusieurs années. » 

Baby bonus

Au sujet du déclin démographique, l’ancien ministre des Finances indique que les prévisions tablent sur une baisse d’un tiers de la population mauricienne d’ici 30 à 40 ans. Rama Sithanen estime que la prime de Rs 1 000 pour les parents d’un nouveau-né n’aura pas l’effet escompté. « Je ne pense pas que le choix d’un couple d’avoir un enfant dépendra de ces Rs 1000 », dit-il. Et selon lui, il est difficile de convaincre les femmes d’avoir plus d’enfants. Il propose trois solutions : encourager les femmes à intégrer le marché du travail, ouvrir le pays aux immigrés et avoir recours à la technologie pour les travaux qui sont réalisés aujourd’hui par des êtres humains. 

Les manquements 

Rama Sithanen se désole qu’il n’y ait pas de mesures importantes en faveur du développement de l’économie bleue. « La Blue Economy a un potentiel énorme mais pas grand-chose n’est proposé. Idem pour le secteur des dernières technologies, le Fintech, la Blockchain, etc. Ces secteurs-là représentent l’avenir », soutient-il. 

Sri Lanka

Bien qu’il concède que les problèmes du Sri Lanka sont différents et d’une autre amplitude, Rama Sithanen cite des points communs avec Maurice qui devraient pousser à la réflexion : l’investissement dans de nombreux projets « prestigieux », la dépréciation de la monnaie locale et la baisse des arrivées touristiques.

Prévisions

Rama Sithanen estime qu’il n’y a pas suffisamment de visibilité pour faire des prévisions précises pour les prochains mois. « Nous sommes dans une situation caractérisée par le risque, l’incertitude et l’instabilité », dit-il. Selon lui, le conflit entre l’Ukraine et la Russie ne se résoudra pas sans un compromis entre les Occidentaux et la Russie. « Et si la guerre dure, je crains que les prix ne continuent d’augmenter. Non seulement ces deux pays sont les greniers du monde mais ils ont aussi d’autres ressources comme des minéraux. » 

 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !