Interview

Ram Seegobin: «Les lois Bhadain instrumentalisent un problème qui est bien réel»

Ram Seegobin, porte-parole de Lalit, revient sur l’arrestation de Shakeel Mohamed et ses implications. Il parle aussi du projet de loi sur la bonne gouvernance qui devrait, selon lui, être tout bonnement retiré. Que vous évoque l’arrestation de Shakeel Mohamed ? Il nous faut nous rappeler qu’en 1996, il y avait trois principaux blocs qui étaient en lice pour les municipales :  le PTr/MMM, le MSM et le Hizbullah. Et il faut se rappeler que Shakeel Mohamed était un candidat du MSM… Concernant la présente enquête, je ne sais pas exactement ce qui a relancé l’affaire, surtout 19 ans après. Cette arrestation de Shakeel Mohamed est un mystère. D’autant plus que durant ces dernières années, il y a eu plusieurs changements, des dénonciations et des contre dénonciations, faits dans le cadre de cette affaire. Par contre, et en oubliant qu’il s’agit de Shakeel Mohamed, ce cas est venu mettre en lumière les dangers d’une arrestation sur la base d’allégations. Pensez-vous que la police soit allée un peu trop loin ? Avec Navin Ramgoolam, Anil Bachoo et maintenant Shakeel Mohamed ? Je pense que toute arrestation doit se faire sur la base d’une enquête. Est-ce que la police est allée trop loin ? Il y a des cas, comme celui du campement de Roches-Noires, où il n’y a pas de réel problème. Dans d’autres, c’est vrai que la police nous laisse l’impression qu’elle exagère. Pensez-vous, comme le clament les dirigeants du Parti travailliste, qu’il s’agit d’une « vendetta politique » ? Est-ce que le pouvoir craint un Shakeel Mohamed ? C’est une question de sémantique. En kreol, nous pourrions apparenter cette « vendetta politique » au concept de bate rande. Est-ce qu’il y a une stratégie délibérée de déblayer quelque peu le terrain pour Pravind Jugnauth, surtout dans la mesure où ce dernier se trouve en difficulté ? Je pense que c’est un peu le cas. Un argument qui revient souvent au sein du gouvernement, c’est qu’il est nécessaire de faire le « nettoyage ». Que pensez-vous de cet argumentaire ? Si le gouvernement veut agir par étapes, soit nettoyer et par la suite, s’occuper des considérations économiques et sociales, il fait fausse route. Au contraire, le gouvernement aurait dû consacrer toute son énergie à la création d’emplois. Le gouvernement tente de faire ce « nettoyage » au détriment d’autres considérations plus importantes. Parlons de la loi sur la bonne gouvernance. Que pensez-vous de cette législation ? Faut-il apporter des amendements supplémentaires au projet de loi sur l’enrichissement illicite ? La présentation de ce projet de loi vient s’inscrire sur une liste déjà longue d’incohérences de la part du gouvernement. Par exemple, le texte a été présenté en première lecture au Parlement, mais ce n’est qu’après coup que l’on a appris que le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) travaille toujours sur la position à adopter. Quant à la loi, elle représente en elle-même un grand danger. C’est une loi qui instrumentalise et politise un problème qui est bien réel, soit l’enrichissement illicite. Posez-vous la question : est-ce que cela va régler le problème si une instance est créée et se retrouve sous l’égide d’un ministre ? Malgré tous les garde-fous, une telle institution pourra toujours être utilisée comme un instrument politique. Que préconisez-vous ? Il faut tout simplement éliminer ce projet de loi. Pourquoi ne pas instaurer, à la place, une nouvelle taxe sur les revenus, même minime ? Cela permettrait ainsi de mieux contrôler les revenus de tout un chacun. Un projet que Lalit tient à cœur, c’est l’introduction du kreol au Parlement. Les partis politiques se disent plutôt en faveur. Avez-vous bon espoir de voir un tel projet se concrétiser ? Notre campagne est la conséquence directe de la retransmission prochaine des travaux parlementaires en direct. Cela n’a pas de sens de retransmettre les débats en direct, sans permettre à tout le monde de comprendre ce qui se dit. Nous disons simplement qu’il faut permettre aux députés d’utiliser le kreol au Parlement s’ils le veulent. Presque un an après les dernières législatives, quel est votre appréciation du travail du gouvernement et de l’action de l’opposition ? Commençons par l’opposition. Elle est divisée et manque de cohérence. Elle ne se concerte pas et demeure, de ce fait, affaiblie. En face, nous avons un gouvernement arrogant. L’Alliance Lepep avait pris part aux dernières élections sans véritable programme. Elle avait présenté plutôt une liste de mesures, qui ont été peu ou prou appliquées. Certes, il y a eu beaucoup de voyages, beaucoup d’annonces, mais pas de véritable début de mesures. Des annonces, des listes de projets et c’est tout. Je pense qu’une certaine politique d’arrogance et le « nettoyage » à outrance pratiqué pèsent lourd sur le gouvernement. Comment voyez-vous l’évolution politique sur les court et moyen termes ? Prévoyez-vous un retour en grâce de Navin Ramgoolam ou de Paul Bérenger ? Ou encore une montée en puissance de Pravind Jugnauth ? C’est difficile à dire dans la mesure où en politique, à Maurice, nous avons eu tellement d’alliances et de mésalliances. Est-ce que le PTr et le MMM feront de nouveau alliance ? Est-ce que l’Alliance Lepep, avec ses trois composantes, finira son mandat ? Nous sommes, c’est sûr, dans une dynamique très particulière. Sur le court terme, il est assez difficile de prévoir ce qui va se passer. Sur le moyen terme, c’est très difficile. Sur le long terme, c’est quasiment impossible…

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