Les parents pourront passer plus de temps avec leurs nouveau-nés. La loi sera, en effet, revue pour que les congés liés à la maternité et la paternité augmentent. Une initiative qui vise à améliorer le taux de natalité face au problème de vieillissement de la population. Dans le milieu des affaires, on craint, cependant, l’impact de cette mesure sur les PME.
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Les changements apportés
Congés de paternité
- Avant le Budget : 1 semaine
- Après le Budget : 4 semaines
Congés de maternité
- Avant le Budget : 14 semaines
- Après le Budget : 16 semaines
À retenir
Pour les mères ayant donné naissance à des jumeaux, des triplés ou plus, ou bien à un nouveau-né prématuré, un congé de maternité supplémentaire de deux semaines sera accordé.
Les trois implications dans le monde du travail
Au niveau du personnel
Qui dit congés parentaux, dit longues absences. Les compagnies devront s’y préparer. « Il faudrait toute une réorganisation dans l’entreprise. Dans certaines compagnies, le remplacement pourra se faire plus facilement. Par contre, pour les PME, les choses s’annoncent plus compliquées, car les tâches y sont bien définies et structurées », soutient Thierry Goder. Heureusement, poursuit-il, « que les naissances, on les voit venir ». « Les entreprises peuvent donc se préparer en avance, en recrutant une personne à temps partiel ou sur contrat comme remplacement jusqu’à ce que la mère/le père qui part en congé revienne. Si l’employeur fait preuve de réactivité et de proactivité, tout devrait bien se passer », ajoute-t-il.
Ravish Pothegadoo, directeur de Talent on Tap, souligne, pour sa part, que dans bien des cas le mari et la femme travaillent dans la même compagnie. « Cela représentera un manque à gagner pour l’entreprise, car deux employés seront en congé prolongé simultanément », fait-il ressortir. Adilla Diouman-Mosafeer évoque, quant à elle, les difficultés à remplacer des employés pendant leurs absences. « Le marché du travail fait face à un manque de personnel sur le marché. Par ailleurs, l’intérim n’est pas encore entré dans nos mœurs. Quand on recrute, les jeunes ne veulent pas travailler pour trois, quatre à six mois. Ce sera donc compliqué de remplacer ceux qui partent en congés parentaux le temps de leur retour », avance-t-elle.
Sur les finances de l’entreprise
« Ce sera un coût financier, car ce sont des congés payés. On vient prendre de court les entreprises », déplore Ravish Pothegadoo, directeur de Talent on Tap.
En termes de recrutement
Ravish Pothegadoo craint des conséquences sur le recrutement. « Avant même cette mesure, il y a des entreprises qui sont réticentes à enrôler des femmes qui viennent de se marier », souligne-t-il. Le risque que cette tendance prenne de l’ampleur n’est pas à écarter. Pour Adilla Diouman-Mosafeer, il faudra s’attendre à un « certain ‘bias’ » vis-à-vis des femmes. Certaines entreprises hésiteront à les recruter d’autant plus que les charges patronales ont augmenté avec le rehaussement du salaire minimum.
Maurice par rapport à ses pairs de l’océan Indien
Madagascar | Afrique du Sud | Réunion | Seychelles | Comores | |
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Congés de maternité | 14 semaines | 4 mois (non rémunéré) | 16 semaines | 16 semaines | 14 semaines, et jusqu’à 17 semaines en cas de complications ou de maladies |
Congés de paternité | 10 jours (non rémunérés) Note : La loi a été revue pour permettre aux parents de se partager les congés | 25 jours | 10 jours |
L’inquiétude des PME
« Il est tout à fait normal de revoir ces congés. malheureusement, cela aura un impact sur la production. Ce type de mesure entraîne un coût additionnel », avance Dev Santchurn, directeur de Julien R et membre de la SME Chambers. Il fait ressortir que les dépenses des entreprises sont en constante hausse. « Nous avons dû réviser les salaires cette année. Certes, l’État apporte son soutien aux PME pour 2024, mais à l’avenir, on ne sait pas trop ce qui va se passer. L’incertitude règne. Par ailleurs, le fret augmente, entraînant une hausse des coûts de production, ce qui fait croître les dépenses tandis que les ventes diminuent. Nous ne pouvons même pas revoir nos prix à la hausse, car nous sommes déjà moins compétitifs. Je me demande comment les PME financeront tout cela. Il faudra s’attendre à ce beaucoup de PME ne survivent pas », prévient-il. Adilla Diouman-Mosafeer abonde dans le même sens. « Les PME souffrent déjà. Elles ne pourront pas soutenir quatre mois de congés », souligne-t-elle. On met tout le poids des mesures sur le dos du patronat, clame un autre opérateur sous le couvert de l’anonymat. « Combien les entreprises, surtout les PME, vont-elles pouvoir supporter ? On est en train de prendre le patronat pour acquis », fulmine cet interlocuteur.
IL A DIT
Ravish Pothegadoo, directeur de Talent on Tap : « C’est un copier-coller de ce qui se fait à l’international, en France notamment. Or, on ne peut pas comparer Maurice avec la France, car ce n’est pas la même économie et le même niveau de production. »
Une mesure favorablement accueillie dans l’ensemble
Thierry Goder, Chief Executive Officer chez Alentaris :
« C’est une excellente initiative. Jusqu’ici, les pères devaient garder leurs congés pour être présents pour l’enfant, mais aussi pour l’épouse, qui vit un moment de transition important. Cette mesure ne peut qu’aider au bien-être de la vie familiale. »
Darmen Appadoo, fondateur de SOS Papa :
« On ne peut qu’accueillir cette mesure favorablement. C’est bien que les politiciens reconnaissent l’importance des pères et du lien qui les unit à leurs enfants. Ce lien se renforce quand ils passent du temps ensemble. »
Adilla Diouman-Mosafeer, directrice de Talent Lab :
« Le fait de rallonger les congés pour les papas va permettre à la maman de respirer. En termes de bien-être, c’est une bonne mesure. Sur le long terme, cette initiative ne peut qu’être bénéfique pour le pays, qui fait face à une population vieillissante. Cela dit, il y a toute une panoplie de supports et d’incitations qu’il faudrait accorder en parallèle, si on veut aller dans cette direction. Cela requiert une approche stratégique et c’est une question qui mérite une réflexion plus élargie. »
Radhakrishna Sadien, président de la State Employees’ Federation :
« Cette décision encouragera les Mauriciens à devenir parents. Il sera nécessaire, parallèlement, d’adopter d’autres mesures d’accompagnement, peut-être sous forme de déductions fiscales. L’encadrement familial est important pour l’épanouissement de l’enfant. Il conviendra d’assurer que le parent utilise son congé à ce besoin spécifique. De même, une discussion plus approfondie avec tous les acteurs concernés sera indispensable pour déterminer les mesures à mettre en place afin de faire face au vieillissement de la population. »
Pour plus de flexibilité
Ravish Pothegadoo recommande plus de flexibilité comme un partage de congés entre le père et la mère. « Il faut un cadre approprié et des conditions adéquates pour que tout se passe correctement », ajoute-t-il. Pour Adilla Diouman-Mosafeer, ce serait mieux de rendre les options plus flexibles et souples en fonction de divers secteurs afin de ne pas pénaliser les femmes. « Les deux parents peuvent se partager une partie des congés. À titre d’exemple, la mère peut bénéficier de trois mois entiers et le père prend le relais par la suite. Pour ce qui est de la rémunération, que ce soit versé entièrement pendant trois mois et, que pour le reste, ce soit la moitié du salaire. On peut craindre que cette mesure décourage de nombreux employeurs de recruter des femmes qui sont sur le point de se marier ou de fonder une famille. Par ailleurs, quand une mesure devient force de loi, elle devient rigide. Il faut encourager la flexibilité », conclut-elle.
Bon à Savoir
Une révision de la loi pour protéger les parents en congé
La loi du Travail sera revue pour éviter que ceux qui partent en congé parental ne soient licenciés ou soient victimes de discrimination. « C’est une bonne chose, mais je ne pense pas que dans les entreprises bien structurées, une naissance empêchera la personne d’être promue. Il y a déjà des instances où une personne qui se sent lésée peut avoir recours à la justice. Les entreprises feront bien attention. Il faudrait aussi que les employés ne profitent pas du système. Ce qui arrive parfois. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Ce serait compliqué si un employé qui a pris un congé de maternité enchaîne immédiatement avec un ‘vacation leave’. N’oublions pas que les employeurs ont également des responsabilités vis-à-vis de leurs clients et fournisseurs. Il faut qu’il y ait une ‘win-win situation’ », recommande Thierry Goder.
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