Interview

Rakesh Ragoobeer : «Il n’y aura pas un autre Dufry/ Frydu»

Mauritius Duty Free Paradise Co. Ltd, compagnie d’État propriétaire des magasins hors taxes de l’aéroport de Plaisance et de Plaine-Corail, affiche la bonne santé. Son CEO, Rakesh Ragoobeer, explique les raisons de cette réussite et revient sur l’affaire des biscuits et celle de Dufry/Frydu.

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L’année financière 2016-2017 a pris fin sur une bonne note pour Mauritius Duty Free Paradise (MDFP) avec un nouveau record au niveau du chiffre d’affaires. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je tiens avant tout à remercier mon conseil d’administration et le bureau du Premier ministre, qui est le ministère de tutelle, car sans leur soutien, nous n’aurions jamais pu atteindre ces objectifs. De juillet 2016 à juin 2017, on a produit un chiffre d’affaires de Rs 2,3 millions avec un profit avant impôts de Rs 406 millions. Nous n’avons jamais atteint de tels chiffres auparavant. L’année dernière, nous avions enregistré un profit de Rs 320 millions. La boutique de l’aéroport de Plaine-Corail à Rodrigues fait aussi très bien. Son profit a été de Rs 28 millions pour un chiffre d’affaires de Rs 125 millions. Cela a été rendu possible par une façon de faire et une stratégie.

À quoi est due cette performance ?
La MDFP a un grand potentiel, mais l’ancienne direction n’a peut-être pas travaillé suffisamment à ce niveau. Notre stratégie repose sur nos employés, nos produits et notre compétitivité dans le domaine.

C’est-à-dire ?
Je parle du local et de l’international. Deux A380 passent par notre aéroport chaque jour et davantage en période haute qui nous relient à Dubaï. Et puis, il y a également l’aéroport Charles-de-Gaulle, à Paris.

Notre chiffre d’affaires pour 2016 et 2017 est en pleine croissance. La compagnie est viable. Nous avons les mains libres pour travailler comme une entreprise privée.

Ce sont nos compétiteurs et nous devons offrir un meilleur service et de meilleurs prix qu’eux. Les gens sont mieux informés, grâce à leur smartphone et leur connexion Internet, ils peuvent facilement vérifier les prix d’ici avec ceux de Dubaï, de La Réunion, de l’Afrique du Sud ou encore de la France.

Comment se distinguer de Dubaï, par exemple ?
Dubaï travaille en dollars. Nous en euros. Beaucoup de produits, tels que les parfums, sont vendus en euros. Nous n’avons donc pas besoin de convertir les euros en dollars et cela nous économise les frais de conversion. Ce n’est qu’un exemple de notre force. Puis, nous avons aussi une section pour les produits locaux. Nous croyons en ces produits et pensons qu’il y a une forte marge de progression.

La multinationale allemande du duty free, Gebr Heinemann, est de retour depuis quelques semaines après quelques années d’absence. Un contrat de trois ans vient d’être signé. Que peuvent-ils apporter de plus ? Pourquoi ne pas travailler seul sans s’attacher à une multinationale ?
Pour fonctionner seul, il faut la logistique pour importer les produits, parfois en groupage et en tenant compte des frais de transport à l’international. Il nous est arrivé de négocier directement avec une compagnie à l’étranger dont le produit est moins cher que le frais de transport. Par contre, avec Heinemann, on a l’avantage du volume. Puis, il y a des produits que nous n’avions pas qui sont introduits dans nos magasins. Heinemann achète en gros et en plus grand volume que nous. Ils ont un pouvoir de négociation beaucoup plus élevé que nous, car ils sont parmi les plus grandes multinationales du domaine dans le monde. Le contrat concerne les liqueurs, les parfums, les chocolats et les cigarettes.

Il y a un projet d’agrandissement des magasins…
Nous croyons dans les produits locaux. On a déjà ouvert une boutique, Ile Vanille, pour les produits du terroir et de la région, mais nous voulons en exposer davantage. Dans la section des départs, on va agrandir l’espace. Le magasin est actuellement de 1 410 m2. On va en rajouter 163, tout en rénovant la boutique actuelle pour mieux optimiser l’espace. À l’arrivée aussi, on va aussi procéder à un petit agrandissement.

Qu’en est-il du projet de permettre à la MDFP de s’implanter dans des endroits autres que l’aéroport ? Est-ce toujours d’actualité ?
On y travaille. On pourra alors vendre des produits  à de meilleurs prix que les supermarchés. On ne sait pas quand cela deviendra réalité, mais le plus vite sera le mieux.

Il y a quelques mois, la MDFP a été secouée par le scandale des biscuits de la société Rum & Sugar, appartenant à Sheila Hanoomanjee, la fille de la Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee. Êtes-vous toujours en affaires avec cette entreprise ?
Non, pas pour le moment. Les biscuits sont toujours là, dans notre store, mais valeur du jour, on n’a pas encore pris de décision. Nous maintenons que nous avons agi selon tous les paramètres.

Ce n’est un secret pour personne que la MDFP, qui est une compagnie d’État, a fait l’objet de beaucoup d’ingérence politique. Que faites-vous pour empêcher cela ?
Notre chiffre d’affaires pour 2016 et 2017 est en pleine croissance. La compagnie est viable et saine. Nous avons les mains libres pour travailler comme une entreprise privée. Je ne pense pas que la MDFP aurait fait aussi bien avec de l’ingérence. Il y a quelques années, elle n’allait pas dans la bonne direction. Il n’y avait pas d’organigramme, des rayons étaient vides, un accord collectif qui devait être signé en 2013 a pris plusieurs années. Aujourd’hui, c’est chose faite.

Une vingtaine d’employés a été limogée à la mi-mars, alors que la compagnie se porte très bien. Pourquoi ?
En 2013, ils étaient recrutés pour être « personnel service assistants », mais au final, ils ont été embauchés comme « sales trainees ». Alors que l’un a tout à faire avec la satisfaction de la clientèle, l’autre concerne la vente. C’est deux choses différentes. C’est comme recruter quelqu’un pour le poste de finance manager, mais le faire travailler comme responsable du marketing. Ils n’ont jamais été confirmés. Il n’y a pas eu d’évaluation de leur performance. Pourquoi ces personnes n’ont jamais demandé à être confirmées ? Pourtant, il y a un négociateur en la personne de Jack Bizlall. Pourquoi n’a-t-il rien fait à l’époque pour eux ?

Pourquoi ne pas les avoir recyclés autrement ?
Nous avons relancé des appels à candidatures pour des « sales assistants » la semaine dernière. Ils ont de l’expérience et ils connaissent déjà la maison. Rien ne les empêche de postuler pour ce poste.

Ils soutiennent être victimes d’une vendetta politique.
Peuvent-ils le prouver ? Peut-être ont-ils bénéficié d’appuis politiques dans le passé ?  Je n’en sais rien.

Dans le passé, on a eu le cas Dufry/ Frydu. Cette dernière percevait des commissions sur chaque vente faite par la MDFP. Avec Heinneman, y a-t-il un autre intermédiaire ?
Je me demande comment faire ce genre de choses. Jusqu’à présent, il n’y a rien de la sorte et sous ma direction, cela n’arrivera pas. La MDFP doit être gérée comme une organisation qui doit faire des profits. Pas question de retourner à l’ancienne situation.

 

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