Ex-consultant des Casinos de Maurice auprès de la State Investment Corporation, Raja Pillay s’exprime sur la démission de Kurt Peter. Il soutient que des membres du conseil d’administrationde cet organisme ne connaissent rien au monde des jeux.
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Vous avez été consultant auprès de la State Investment Corporation Management Services (SICMS) pour les Casinos de Maurice. Est-ce que le départ de Kurt Peter vous a surpris ?
Pas le moins du monde. Kurt Peter n’a jamais été un technicien. Cependant, il faut reconnaître qu’il n’avait pas toute la liberté de faire son travail. Les outils nécessaires pour mener à bien sa mission n’ont pas été mis à sa disposition.
Les critiques sont faciles après coup. N’êtes-vous pas un de ceux qui ont recommandé son recrutement ?
Certes. J’ai approuvé sa nomination. Par la suite, nous avons découvert qu’il a davantage travaillé dans des hôtels opérant des casinos. En clair, il n’a jamais été à la tête d’un casino en tant que tel.
Les recrutements sont-ils effectués au petit bonheur à la SIC ?
Nous étions pressés. Il y avait trop de pression, notamment de la part des syndicats dont les demandes défiaient toute logique. Les Casinos de Maurice étaient en plein chaos. Il nous fallait un directeur au plus vite. Quand j’ai été nommé à la SICMS, j’ai constaté qu’il y avait 900 salariés au lieu de 600. Nombre de ceux figurant parmi les 300 salariés excédentaires ne venaient même plus au travail.
Ne fallait-il pas plutôt les remercier, pour améliorer la santé financière des Casinos de Maurice ?
Mon rôle n’était pas de dégraisser le personnel. Ces gens sont des pères de familles…
Ne devait-on pas faire le ménage aux Casinos de Maurice ?
Il y a trois façons de procéder : 1) licencier ; 2) créer des emplois et 3) éliminer les gaspillages.
Depuis quand la SIC fait-elle dans l’humanitaire ? Ne devrait-elle pas se concentrer sur les profits ?
Je ne pouvais pas mettre des gens sur le pavé ! C’est ce qui a pourtant été fait après mon départ. Il aurait mieux valu développer les casinos au lieu de réduire les espaces pour les machines à sous. Cette espace aurait rapporté des profits additionnels de Rs 10 millions.
Évidemment, vous allez me demander pourquoi j’ai fait fermer le casino de Flic-en-Flac. C’était devenu nécessaire. Premièrement, il était mal situé et la location s’élevait à Rs 300 000 par mois. La moitié de l’emplacement était sous-louée à un opérateur à Rs 12 500 afin qu’il puisse y opérer une boîte de nuit.
Cette situation était ridicule dans la mesure où rien que la facture d’électricité de la discothèque dépassait largement le montant du loyer.
«Si un compatriote ne peut gérer un casino, de quelle indépendance parlons-nous ?»
Kurt Peter dit avoir laissé des profits de Rs 26 millions. N’est-ce pas un chiffre encourageant ?
Ce montant est dérisoire. Sur ces Rs 26 millions, j’y ai personnellement contribué Rs 12 millions. Comment ? J’ai négocié avec la société Promotion and Development Ltd afin que la location du casino du Caudan soit réduite d’un million de roupies par mois. De Rs 2,2 millions, la location est passée à Rs 1,2 million, ce qui fait des économies de Rs 12 millions par an.
J’ai aussi apporté des changements tels qu’ils m’ont été inculqués par mon gourou, John Harris. C’est un Britannique que feu sir Gaëtan Duval avait fait venir à Maurice au début des années 70 pour créer le tout premier casino, celui de Curepipe. Pour revenir au chiffre des Rs 26 millions avancé par Kurt Peter, une partie lui a été reversée en termes de dépenses personnelles. Ce montant n’est pas extraordinaire. J’ai personnellement lancé le casino de Grande-Baie mais il ne s’est pas transformé en ce que je souhaitais…
Lorgnez-vous le fauteuil de Kurt Peter ?
Non, pas du tout (rires). J’aurais préféré voir un Mauricien à la tête des Casinos de Maurice. 48 ans après l’Indépendance, un fils du sol aurait été le meilleur choix. Si un compatriote ne peut gérer un casino, de quelle indépendance parlons-nous ?
«Les jeux doivent être une distraction, pas une addiction.»
Sir Anerood Jugnauth dit ne pas comprendre comment un casino soit non profitable. Y a-t-il trop d’ingérences politiques ?
Le conseil d’administration de la SIC doit être composé de gens ayant une bonne connaissance des jeux. Beaucoup n’ont jamais mis les pieds dans un casino. Il faudrait les remplacer immédiatement par des personnes compétentes. Le secteur privé aura sans doute un rôle à jouer pour la relance des Casinos de Maurice. Cela dit, il faut que le gouvernement s’en désengage complètement.
Les dirigeants de la SIC doivent rendre des comptes aux contribuables. Le gouvernement ne peut pas passer son temps à subventionner les Casinos de Maurice. Certains ont tendance à confondre les caisses de l’Etat avec ceux des Casinos de Maurice. Un changement de mentalité est salutaire. Il faut redonner aux Casinos de Maurice sa fierté d’antan.
Est-ce vrai que vous allez bientôt inaugurer un casino à Flic-en-Flac ?
(Hésitant) C’est le gouvernement qui doit ouvrir un casino à Flic-en-Flac. Moi, je n’ai pas les logistiques nécessaires à ma disposition. Sur un territoire de 1,2 million d’habitants, le marché est saturé. Le mieux est d’attirer une clientèle étrangère. Les Mauriciens ne doivent pas représenter le gros des clients aux casinos.
Les jeux doivent être une distraction, pas une addiction. Quand j’étais au Casino de Curepipe dans les années 80, je faisais l’éducation des ménagères.
Pourquoi avez-vous claqué la porte de la SICMS ?
Quand vous envoyez un soldat sur un champ de bataille, il faut lui donner les armes appropriées. Je n’étais pas équipé pour mener à bien mon travail. Je n’avais pas les pouvoirs nécessaires, comme ceux qui ont été accordés à Kurt Peter.
Dans le temps, un montant était voté par le conseil d’administration pour être distribué en tant que bonus du 14e mois. Cet argent ne peut être distribué à tout le monde mais seulement au personnel le plus méritant. Un bonus du 15e mois était aussi de mise. C’est ainsi que vous allez encourager l’excellence, la méritocratie car il y a trop de parasites…
Pas de distribution de bonus aux agents politiques ?
J’ai aussi mis des agents incompétents à la porte. Même si, par la suite, j’ai dû prélever sur mon salaire pour soutenir leurs familles.
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