Interview

Raj Meetarbhan : «Un conseiller n’a pas pour vocation de faire du marketing»

Raj Meetarbhan Raj Meetarbhan, nouveau conseiller du Premier ministre

Réputé pour ses éditos incisifs, l’ancien rédacteur en chef de l’express a accepté de promouvoir la communication de Pravind Jugnauth. Connu pour avoir été proche de Paul Bérenger, il soutient que sa nomination n’est pas précurseur d’un futur remake.

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« L’information doit être centrée sur les gens »

Être indépendant d’esprit et conseiller auprès du Premier ministre sont-ils compatibles ?
Changer de job, ce n’est pas changer de nature. Je ne renie aucun de mes principes, aucune de mes valeurs. Il y a une mauvaise compréhension quant aux responsabilités d’un conseiller. C’est sans doute lié aux pratiques du passé. Donnez-moi une raison pourquoi une personne qui n’est inféodée à aucun parti, à aucun leader politique ne peut aider à la réalisation des projets gouvernementaux à travers la communication et les échanges avec le public ?

Mon rôle est de faciliter l’accès à l’information. Cela n’a aucun caractère politique en tant que tel. Un conseiller n’a pas pour vocation de faire du marketing. Je ne me vois pas dans le rôle d’un commercial en train de vendre un produit. Je suis là pour faire un travail utile et d’intérêt général. Le maître-mot est la transparence.

Êtes-vous donc le nouveau directeur de communication du Premier ministre ? En plus accessible ?
Je fais partie d’une équipe qui assure la communication du Premier ministre et je serai accessible. Mon rôle sera d’expliquer les actions du gouvernement. Je prends l’engagement de faire de l’accès à l’information mon combat principal.

Votre définition d’un communicant se résumait à l’image d’un facteur lorsque vous étiez rédacteur en chef à l’express. Avez-vous changé d’avis ?
(Silence). Effectivement, j'ai sévèrement critiqué ceux qui se contentaient d’être des facteurs et de transmettre la bonne parole. Ce n’est pas ma conception du rôle qui m’a été attribué.
Devons-nous nous attendre à une réédition de la cellule créée par Alain Gordon-Gentil  pour mieux coordonner la communication du gouvernement ?

C’est un peu trop tôt pour moi de dire comment je vais agir. Je viens à peine de m’installer. Mon mode opératoire n’aura rien à voir avec ce qui se pratiquait auparavant, sous les précédents gouvernements. J’aimerais briser ce mur de silence qui s’est érigé entre la presse et les autorités. J’en ai connu des conseillers qui bloquaient l’information au lieu d’en faciliter la transmission.

Vous devez convenir que la communication de l’Alliance Lepep est la pire qui soit depuis 1996…
Comme disaient mes enseignants au collège, 'there is room for improvement'. Les efforts d’ouverture sont très inégaux. Des efforts doivent être faits dans certains secteurs. Il faut toutefois reconnaître qu’un ministre qui refuse de communiquer se protège, surtout s’il a été victime d’une campagne délibérée visant à nuire à son image.

Vous n’avez jamais été perçu comme un membre de la « cuisine », ni un grand fan de Pravind Jugnauth. Comment avez-vous fait pour atterrir à l’Hôtel du Gouvernement ?
Je suis en poste depuis 24 heures et je n’ai senti aucune odeur de « cuisine » autour de moi. Au contraire, je me suis retrouvé dans un environnement professionnel. Je n’ai pas été fan de quiconque depuis mon éveil politique. J’ai toujours éprouvé un attachement à des idéaux. J’ai des convictions politiques au sens large du terme. Je crois aux valeurs de justice, d’unité nationale et surtout à une éthique de la vie publique.

Quelle a été la réaction de vos contacts au sein de la classe politique et de vos proches en apprenant votre nomination ?
Ceux qui me connaissent disent qu’ils sont convaincus que je travaillerai pour l’intérêt général. Paradoxalement, c’est parmi mes proches que certains ont exprimé un certain scepticisme : ils craignent que je ne perde cet esprit d’indépendance qui m’a toujours caractérisé, que je ferai des compromis et que je ne serai plus fidèle à mes principes en servant des intérêts partisans. Ils ne me désolent pas. Ils me font l’honneur de reconnaître que j’ai toujours eu un souci d’intégrité et un sens patriotique.

Le fait qu’il y a trop de Pravind Jugnauth sur les ondes de la radiotélévision publique ne favorise-t-il pas un sentiment de rejet ?
Oui. Le service public de l’audiovisuel reste centré, comme il l’a été durant des décennies, sur les institutions et les personnalités politiques. Ce n’est pas ma conception de l’information moderne. Elle doit être centrée sur les gens. Pas comme on le fait aux Comores et à Madagascar. J’aurais préféré qu’elle ressemble à ce qui se fait à La Réunion et aux Seychelles. Il y a effectivement un gros travail à faire, mais je peux comprendre la difficulté à changer des mentalités du jour au lendemain. Le personnel n’a pas beaucoup changé. Comment forcer la MBC à prendre le train de la modernité ?

Serez-vous nommé au conseil d’administration de la MBC ? Donner des ordres à la « newsroom » ?
Je ne vois aucune entorse à la bonne gouvernance si un conseiller du Bureau du Premier ministre siège au board de la MBC parce que le service public de l’audiovisuel a une obligation d’appliquer la politique culturelle du gouvernement. Ses projets ont des implications financières pour l’État. Donnerai-je des ordres à la newsroom ? Une salle de rédaction est comme un temple. Aucun stranger ne peut franchir la ligne jaune, sinon une hérésie est commise.

Des ordres sont toujours venus d’en haut…
Un changement est en marche, mais il n’a pas encore atteint toutes les sphères de la vie publique. Je garde espoir que cela arrivera bel et bien.

Votre nomination présage-t-elle un rapprochement entre le MSM et le MMM ? Vous avez toujours été perçu comme un proche de Paul Bérenger.
En tout cas, je ne vais pas faciliter des koz koze. Comme je suis pour la transparence totale, je ne vous cacherai pas que depuis que j’ai une conscience politique, je me suis senti très proche des idées prônées par le MMM. C’est ce qui m’a rapproché de Paul Bérenger pendant longtemps. Un virage a été amorcé en 2014. J’ai eu quelques divergences avec les positions prônées par Paul Bérenger par le passé, mais en 2014, la coupure a été irréversible. Paul Bérenger est une personne dont la position politique m’a paru répugnante en 2014.

Vous ne serez donc pas un « agwa » ?
Je respecterai la désignation de mon poste. Je ne fais pas de la politique partisane. Du moins pour l’instant.

Cela signifie-t-il que vous serez candidat au prochain scrutin ?
Aucun Mauricien qui s’intéresse à son pays avec autant d’intérêt et d’attachement que moi ne peut dire non à une opportunité de servir son pays efficacement.

Que vous inspirent les derniers événements au MMM à la suite de l’entretien de Steven Obeegadoo ?
Les choses ont empiré. Quand on voit la crise depuis les propos de Steven Obeegadoo et le recours à des pratiques peu démocratiques, on a raison d’avoir des craintes sur ce parti.

Le tandem Paul Bérenger-Madun Dulloo peut-il être un « winner » aux prochaines législatives ?
On peut sortir un lièvre de son chapeau comme on peut sortir Madan Dulloo de son trou. Cela va-t-il sauver le MMM ? Permettez-moi d’exprimer des doutes. Posons la question autrement. Les idées du MMM survivront-elles ? Je crois que oui, si l’on laisse la place aux vrais militants qui ont à cœur la défense des principes et les idées qui ont animé le parti jadis. Ils ne se positionnent pas pour le poste de leader. Il y a encore une minorité d’insoumis au MMM.

 

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