L’ancien éditorialiste trouve une constance dans les « coups de poker » de Roshi Bhadain. Il estime qu’il est encore tôt pour prédire les résultats de la prochaine partielle et n’écarte pas une « surprise ».
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Cinq mois après avoir refusé d’être ministre, Roshi Bhadain démissionne comme député. Comment analysez-vous sa démarche ?
Il a tenté un coup de poker qui est en train de mal tourner pour lui. Il pensait pouvoir rallier l’opposition derrière lui et écraser le candidat de la majorité, en pure perte. Il misait sur un consensus au sein de l’opposition. En fin de compte, il est parvenu à la diviser. À approfondir les clivages.
Comme politicien, la méthode de Roshi Bhadain a toujours été le coup de poker. Par exemple, quand il attaque Vishnu Lutchmeenaraidoo sur le prêt en euros, il se voit déjà au ministère des Finances. Quand il s’en prend à Gérard Sanspeur, il croit écarter la garde rapprochée de Pravind Jugnauth. Dans les deux cas, il a perdu. Il a des pulsions de pouvoir qu’il contrôle mal. Bhadain s’est risqué à provoquer une partielle sans bien appréhender les enjeux. Avec l’annonce d’une participation d’un candidat du PMSD, il a reçu un coup de poignard. Il n’y a pas longtemps, le même Xavier-Luc Duval s’apprêtait, ne serait-ce que par boutade, à partager sa tranche de PNQ avec lui. Cette partielle, il la voyait comme un baptême réussi pour son parti naissant. C’était réalisable si l’opposition n’était pas aussi divisée.
Il était censé attendre la PNQ sur le Metro Express avant de démissionner. N’est-ce pas là la preuve qu’il est un homme instable ?
Justement... Je ne comprends pas sa précipitation. Cela ne me paraît pas raisonnable. Instable ? Non. Je ne crois pas. Au contraire, je vois une grande constance dans son mode d’opération. Je vois le même Roshi Bhadain, impulsif, affectionnant les coups de théâtre et prenant des risques inconsidérés pour des gains hypothétiques. Il est un homme qui, perpétuellement, veut agiter le bocal politique. Si on veut être critique, on ne parlera pas d’instabilité mais plutôt d’insolence, d’une arrogance qui agace et d’une ambition immodérée qui le dévore.
«Malgré ses déboires, Navin Ramgoolam n’a pas perdu la main. C’est rusé et machiavélique de sa part d’aligner Arvin Boolell...»
Bhadain a été le chouchou du père, l’avocat du fils et pilote du démantèlement du groupe BAI ? Est-ce que ces casseroles peuvent jouer contre lui ?
Bhadain a été le préféré de sir Anerood. Cela se comprend… Les deux ont des traits de caractère communs. Dans l’exercice du pouvoir, ils affichent tous deux un dynamisme, une détermination et une motivation à toute épreuve. Quand ils sont animés par une grande passion, ils se donnent à fond et veulent des résultats concrets. On l’a vu avec sir Anerood Jugnauth récemment. Il a placé la barre très haut sur le dossier Chagos et a réussi. De même, on se rappellera de l’improbable victoire de Bhadain dans son combat contre l’enrichissement illicite quand il fallait avoir les trois quarts de vote à l’Assemblée nationale.
Vous dites qu’il a piloté le démantèlement du groupe BAI… Je dirais moi qu’il a été assez naïf pour laisser se créer la perception que c’est lui qui avait tout planifié. Bhadain s’est uniquement chargé de gérer certaines conséquences de l’affaire, comme la vente des avoirs de la compagnie.
Encore que la vente d’Apollo Bramwell n’était pas de son ressort. Bhadain n’était qu’un exécutant et pas le pilote auquel vous faites référence. Il s’est simplement et naïvement empressé de monter en première ligne pour soutenir le démantèlement.
Le peuple n’a jamais compris les complexités du «Ponzi-like Scheme» de la BAI et n’était pas convaincu par les arguments maladroits et techniques de Bhadain. Est-ce qu’il en paiera les conséquences ? Je n’en suis pas certain car je crois que l’électorat du n°18 n’est pas appelé à se prononcer sur cette question.
N’aurait-il pas été mieux inspiré de se présenter de nouveau face aux électeurs lors des prochaines législatives ?
Dans la mesure où l’action d’un opposant a pour finalité d’aboutir à la conquête du pouvoir, je crois qu’effectivement Bhadain s’y prend mal. Cette partielle risque de réduire ses chances de parvenir au pouvoir en 2019. Je ne vois pas cette élection accélérer la chute de Pravind Jugnauth. À moins que la donne politique ne change drastiquement et que l’opposition présente un front unifié, je pense que le résultat final sera contraire au but que s’est fixé Bhadain. Vous avez raison, un peu de patience ne lui aurait fait aucun mal.
Que pourrait signifier sa non-réélection ?
Cela dépend. Si c’est un candidat de l’opposition qui sort victorieux, Bhadain aura quand même réussi, en partie, son pari d’atteindre Pravind Jugnauth. En revanche, si c’est le MSM qui rafle la mise, sa non-réélection sera un désastre pour lui qui cherche à avoir la tête de Pravind Jugnauth. Remarquez que je ne parle pas du ML, un parti créé dans des circonstances spécifiques, qui n’a plus de raison d’être et qui n’a désormais qu’une existence virtuelle. Sa contribution ne pèse pas lourd.
Pour Bhadain, s’agissant de sa carrière politique, sa non-réélection ralentira son ascension mais ne l’anéantira pas. Cet homme a beau avoir un tempérament qui représente des faiblesses, il a néanmoins en sa faveur son jeune âge. Et surtout, cet homme différent des autres arrive en politique à un moment où les électeurs en ont marre des politiciens traditionnels. Les mouvances «anti-establishment» sont dans l’air du temps. Voyez ce qui se passe aux États-Unis et en France avec Donald Trump et Emmanuel Macron.
Comparez ce phénomène avec l’émergence du MMM lorsqu’un vent favorable soufflait sur les mouvements d’inspiration marxiste à travers le monde.
Cette partielle aura-t-elle réellement un impact sur le projet de Metro Express ?
Aucun. J’en suis persuadé. Et Bhadain le sait pertinemment. Pensez-vous vraiment que les électeurs du n°18 iront s’exprimer pour ou contre le métro léger ? Non. C’est un artifice imaginé par Roshi Bhadain pour essayer de donner à sa démission une raison politique correcte. En fait, on nage en plein jeu politique. Ni le métro léger, ni d’autres projets du gouvernement ne sont susceptibles de motiver le comportement électoral. C’est comme si on me disait que l’électorat mauricien vote pour ou contre le manifeste d’un parti quelconque à l’occasion des élections générales. Il ne lit même pas le manifeste !
L’Alliance Lepep va-t-elle prendre le risque d’aligner un candidat alors que sa popularité est au plus bas ?
Disons que l’appareil d’État, quand il est utilisé abusivement, peut faire des miracles. Navin Ramgoolam en a apporté la preuve dans le passé. Et il y a aussi l’opportunisme d’une frange de l’électorat, un facteur qui peut jouer en faveur d’un parti au pouvoir, aussi moribond soit-il.
Le n°18 a toujours réservé des surprises. Notamment en 83 et 87 vis-à-vis de Paul Bérenger…
On n’est pas à l’abri d’une nouvelle surprise. Les dès sont loin d’être jetés. Et, à l’exception d’une défaite de Rezistans ek Alternativ, je n’écarterais aucune possibilité.
Quid du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) qui veut s’affranchir de sa réputation de parti des minorités ?
Je ne sais pas si le PMSD ira jusqu’au bout et présentera effectivement un candidat. Mais je suis d’accord avec votre observation. Sous le leadership de Xavier-Luc Duval, le PMSD cherche à se réincarner en parti national.
Que pensez-vous de la décision du Parti travailliste (Ptr) de lancer Arvin Boolell dans cette joute ? Le n° 18 va-t-elle faire lui faire confiance ?
Malgré ses déboires, Navin Ramgoolam n’a pas perdu la main. C’est rusé et machiavélique de sa part. Il gagne dans tous les cas de figure. Si Arvin Boolell subit un échec, il aura humilié un challenger. Si le Ptr remporte la victoire, il entamera sa marche vers l’Hôtel du gouvernement.
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