
Co-conceptrice du Festival du Vivant, Rachele Bhoyroo collabore avec la House of Digital Art depuis ses débuts. Engagée depuis plus de dix ans pour l’environnement, la justice sociale et les droits humains, elle met ses compétences en communication au service de projets à fort impact. Dans cet entretien accordé à Le Dimanche/L’Hebdo, elle revient sur le sens profond de ce festival.
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Qu’est-ce qui vous a motivée à créer le Festival du Vivant ?
Nous vivons la sixième extinction de masse. Sept des neuf limites planétaires sont aujourd’hui franchies, menaçant les conditions mêmes de la vie sur Terre. Pourtant, la perte de biodiversité demeure largement ignorée et elle est absente des priorités politiques, économiques et sociétales. Elle affecte notre alimentation, santé, économie et culture.
Le Festival du Vivant est né de cette urgence ; il a offert un espace sensible et éclairant, loin du déni, pour penser l’effondrement du vivant autrement. Sa force résidait dans une approche interdisciplinaire, mêlant sciences, création artistique et savoirs citoyens comme une invitation à voir, comprendre et agir pour préserver le vivant.
Quels étaient ses principaux objectifs ?
C’était d’éveiller les consciences sur l’effondrement du vivant, mais aussi de décloisonner les disciplines et faire dialoguer science, art et engagement citoyen. Nous avons également voulu donner de la visibilité aux initiatives locales de protection de la biodiversité, et créer un espace d’écoute, de partage et d’imagination collective.
La perte de biodiversité est absente des priorités politiques, économiques et sociétales. Elle affecte notre alimentation, santé, économie et culture»
De nos jours, quelle est l’importance d’un tel événement ?
C’est important parce qu’il est encore difficile d’avoir des conversations honnêtes et accessibles à tous et toutes sur la perte de la biodiversité. Face à l’urgence, les gens peuvent se sentir impuissants. Ce festival proposait un autre récit, celui du partage, de la beauté et de la possibilité d’agir ensemble.
Quel impact espériez-vous qu’il ait sur le public ?
Nous voulions qu’il éveille des émotions, suscite des questions et crée des liens. Et surtout qu’il permette à chacun de repartir avec une idée, une envie, une rencontre et une graine à faire pousser.
Comment définissez-vous la biodiversité et en quoi est-elle essentielle pour notre pays ?
Selon l’International Union for Conservation of Nature (IUCN), la biodiversité englobe la variété des formes de vie, notamment gènes – espèces – écosystèmes. Elle est le socle de nos sociétés. Elle régule le climat, purifie l’eau, nourrit nos cultures et abrite notre mémoire collective. À Maurice, sa préservation est un enjeu vital.
Pourquoi est-il important de reconnaître que chaque forme de vie joue un rôle dans les écosystèmes et que tout est interconnecté ?
C’est important parce que l’équilibre du vivant repose sur des interactions complexes. Rien n’est isolé. Supprimer un maillon, c’est fragiliser tout l’écosystème et, par extension, nos propres conditions d’existence.
Selon vous, quel est l’état actuel de la biodiversité mauricienne ?
Maurice possède une biodiversité endémique exceptionnelle, mais parmi les plus menacées au monde. De nombreuses espèces ont déjà disparu tandis que d’autres sont en grand danger. De plus, les écosystèmes côtiers, marins et terrestres sont sous pression constante, affectant la vie de plusieurs Mauriciens et différentes activités sociales et économiques.
Quels bouleversements la menacent le plus aujourd’hui ?
Ils sont nombreux. Quelques exemples sont l’artificialisation des sols, l’urbanisation rapide, la déforestation, la pollution, l’usage excessif de pesticides, la surexploitation marine, le changement climatique et les modèles de développement économique qui ne remettent pas en cause leurs impacts sur nos écosystèmes naturels.
C’est dans le croisement des regards, des savoirs et des expériences qu’émergent des idées nouvelles et des solutions adaptées à notre contexte local»
Si nous ne prenons pas de mesures pour protéger notre biodiversité, quels risques encourons-nous ?
La perte d’espèces et d’écosystèmes réduira notre capacité à nous nourrir, à nous soigner et à résister aux catastrophes naturelles. Le vivant, ce n’est pas « autre chose », c’est nous !
Quelle est la nécessité d’une prise de conscience à grande échelle ?
Aucun acteur seul ne peut relever ce défi. Il faut des politiques, mais aussi des citoyens informés, des jeunes mobilisés, des artistes engagés et des entreprises responsables pour un « VRAI » changement.
En quoi le fait de réfléchir ensemble peut-il mener à des solutions plus efficaces ?
C’est important parce que c’est dans le croisement des regards, des savoirs et des expériences qu’émergent des idées nouvelles et des solutions adaptées à notre contexte local.
Comment un festival peut-il contribuer à sensibiliser le public ?
Un festival rend les choses sensibles accessibles et inspirantes. Il permet de faire communauté, de poser des mots, des images, des émotions sur ce que nous vivons. Et, surtout, il donne envie de continuer en réunissant des personnes qui ne se croiseraient pas ailleurs.
Des retombées positives du Festival du Vivant ?
Oui. Des connexions ont été créées entre associations, artistes, enseignants et scientifiques. Des idées sont nées et le public a exprimé un vrai besoin de compréhension et d’engagement. Et, surtout, une envie de continuer.
D’autres projets envisagés après ce premier Festival du Vivant ?
Nous espérons que cette première édition ne sera que le début. Collectivement, nous réfléchissons à comment faire grandir le festival et quel format il peut prendre.
Pour clore cet entretien, un message ?
Protéger le vivant, c’est protéger ce qui nous fait vivre. Et cela commence par une prise de conscience collective. Le Festival du Vivant n’est pas une fin, mais un point de départ.

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