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Quincy Ramsamy : «Je suis une survivante de l’inceste»

L'histoire de Quincy Ramsamy et celle de Tigann se ressemblent.

Elle puise dans ses plaies profondes pour incarner « Tigann » dans la comédie musicale du même nom, les 26 et 27 février, au Caudan Arts Centre. Son enfance douloureuse n’a pas freiné son âme artistique. 

Les violences faites aux femmes sont la thématique principale de « Tigann ». Quincy Ramsamy joue le rôle-titre de cette comédie musicale présentée par Melanie Pérès et Yann Payet. La comédienne de 26 ans s’investit dans les répétitions depuis 2019. Elle se souvient de ses mains engourdies pendant le filage entre les scènes la même année. 

« Après deux ans, je pense avoir suffisamment de recul pour interpréter le personnage. Ce n’est pas un rôle facile. À Maurice, nous avons habituellement des pièces humoristiques. Je qualifie ‘Tigann’ de drame musical même si nous ne pleurons pas du début à la fin », dit Quincy Ramsamy. Elle est guidée par le metteur en scène Ashish Beesoondial. 

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Elle est aussi chanteuse et comédienne de doublage. 

Depuis six ans, sauf depuis le premier confinement, Quincy Ramsamy et Yann Payet participent à un tableau vivant « La Passion » à l’occasion de la Pâques. Elle fait la voix de Marie. C’est ainsi qu’il a pensé à la jeune femme pour incarner Tigann. 

« Un soir, j’étais avec une équipe de tournage sud-africaine dans une boîte de nuit et j’ai rencontré Yann Payet et Melanie Pérès. Il m’a alors annoncé que j’étais retenue pour le rôle. »

Le hasard fait bien les choses. Quand la première édition du livre « Tigann, traverse enn fam dan divan kontrer » est sortie, elle avait voulu se procurer une copie. Ce roman a reçu le deuxième prix au concours littéraire de la Creole Speaking Union. En même temps, Quincy Ramsamy avait regardé une vidéo présentée par l’auteur Melanie Pérès sur les réseaux sociaux. « Cela m’a bouleversée. J’ai pleuré devant mon ordinateur. »

Tigann m’aide à donner un grand coup de pied dans le nid de guêpes.»

La jeune femme confie que tout est relié. « L’histoire de Tigann et la mienne ont beaucoup de similarités. Tigann m’aide à donner un grand coup de pied dans le nid de guêpes. Tigann me tient la main et m’accompagne », partage cette habitante de Solitude. Elle puise beaucoup dans son propre vécu pour jouer ce rôle. 

« Je suis une survivante de l’inceste et de violence sexuelle. L’un était un membre de la famille et l’autre bourreau était un voisin. J’avais six ans. À cet âge, nous n’avons pas l’aptitude pour comprendre ce qu’il se passe », confie Quincy Ramsamy. Yann Payet et elle ont grandi ensemble. Ils étaient aussi dans la même chorale. « Il se doutait sûrement que j’avais une enfance douloureuse. Mais il n’était pas au courant », dit-elle.

Pendant longtemps, elle s’est murée dans le silence jusqu’à développer une amnésie partielle à l’adolescence. La jeune femme commence à en parler mais tout raconter d’un coup est toujours difficile. 

« Tigann » lui donne l’occasion d’être le porte-parole de ceux qui ont connu la même situation. « L’inceste, la pédophilie et les abus sexuels sont des maux qui rongent notre société. Ils sont considérés comme des sujets tabous. Les gens font semblant de ne rien voir. D’autres veulent protéger l’honneur de la famille. C’est tout faux ! La honte doit changer de camp », insiste-t-elle. 

Aux filles et aux garçons s’identifiant à Tigann, elle leur dit : « Vous êtes des survivants. Sortez du silence. » 

Artiste pluridisciplinaire

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Quincy Ramsamy a participé à sa première comédie musicale, « Les Enfants du Soleil », en 2013.

Quincy Ramsamy a 3 ans quand sa mère l’initie à la lecture. Dotée d’un esprit créatif fertile et le besoin de s’exprimer, elle se met à l’écriture à l’âge de 7 ans. « J’ai perdu mon père quand j’avais 10 ans. Il aimait écrire. C’est de mes parents que j’ai hérité de cette fibre artistique. »

Entre-temps, elle développe son talent inné pour le chant. À 10 ans, elle figure même parmi les finalistes du concours de chant Ti Mambo.

Au collège, elle ne rate jamais une occasion d'interpréter une chanson sur scène. Participe aux concours de dictée et d’écriture. Découvre l’association du jeu d’acteur et le chant lors de sa dernière année au collège St Nicolas. Elle participe à des spectacles et des extraits de comédies musicales comme « Moulin Rouge ! » et « Grease ». En 2013, elle participe à sa première comédie musicale, « Les Enfants du Soleil ». 

À 17 ans, un ami lui demande d’auditionner comme comédienne de doublage pour une série colombienne. « J’ai fait un essai avant les auditions. J’ai mis le casque et spontanément je lisais le texte qui défilait au rythme des images. La ‘voix-off’ m’est venue tout naturellement. On m’a annoncé que j’avais été retenue quelque temps après », se souvient la benjamine de la famille. 

Depuis, Quincy Ramsamy gagne sa vie en tant que comédienne de doublage. Elle prête aussi sa voix sur des spots publicitaires. L’occasion s’est présentée de suivre des formations, notamment celles dispensées par le Cours Florent, école française. Une représentante de l’école était à Maurice. 

En 2015, elle fait partie de la chorale du chanteur Zulu. Elle prend une pause de la scène musicale en 2019. Elle joue dans des courts-métrages mauriciens. Quincy Ramsamy tient un rôle dans « Agent ». Tournée à Maurice, cette série sud-africaine est diffusée sur la chaîne Canal Plus et est sortie sur Netflix en décembre 2019. Elle figure aussi dans la production française « Trop jeune pour moi » pour la chaîne TF1. Pour ce film, elle a créé une chanson sur le tas, dix minutes avant le tournage d’une scène. Bientôt, elle sera vue dans la production américaine/sud-africaine, « Singleholic ». 

Détentrice du niveau 1 de la « Professional Association of Diving Instructors » en plongée sous-marine, Quincy Ramsamy enseigne les langues depuis le début de cette année. Son toutou Lilou et son chat Simba lui tiennent compagnie. Elle pratique la méditation. Travailler la terre est devenue sa thérapie. 

Des projets de tournage et d’écriture sont à venir.

Sacrée meilleure actrice

Le vendredi 4 février, Quincy Ramsamy est sacrée meilleure actrice dans la catégorie professionnelle pour le film « Kifer Sa Lizaz ». Cela, dans le cadre de la compétition de court-métrage organisée par l’Independent Commission Against Corruption (ICAC). Elle joue le rôle d’une fille qui incite son petit ami à prendre un chemin alternatif. « Je suis infiniment reconnaissante à l’équipe », dit-elle. L’actrice attribue ce prix à sa passion et sa soif d’apprendre. « Je bosse très dur. »

 

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