Interview

Questions à Mervyn King, président honoraire du Global Reporting Initiative: «Le bilan financier ne donne que 20 % d’informations»

Mervyn King
Récemment de passage à Maurice pour un séminaire sur la responsabilité sociale des entreprises, Mervyn King indique les raisons pour lesquelles le bilan financier doit donner des explications davantage axées sur l’aspect socio-environnemental. À quel point le ‘reporting’ intégré est-il pertinent pour les entreprises mauriciennes ? Il est important pour les compagnies locales, puisqu’un rapport financier comptable ne reflète pas la réalité dans laquelle une entreprise opère. Il ne décrit pas les véritables enjeux auxquelles elle fait face. Le conseil d’administration doit prendre plus de temps pour réfléchir, comprendre et communiquer un bilan financier et les aspects socio-environnementaux (sustainability) des impacts directs ou indirects et immédiats ou différés. Il doit pouvoir traduire les aspects financiers et non-financiers dans un langage simple afin que son rapport intégré sur l’année puisse mieux éclairer le lecteur et l’investisseur. Ces derniers pourront alors se faire leur propre opinion en connaissance de cause. Décrivez les avantages pour une entreprise de relever les aspects socio-environnementaux ? Le Sustainability Reporting porte sur les éléments vitaux pour qu’une entreprise puisse durer dans le temps. à titre d’exemple, une brasserie aura toujours besoin d’eau de qualité pour fabriquer et vendre une bonne bière. C’est pourquoi toute brasserie doit avoir une solide stratégie à long terme pour disposer de l’eau. Le conseil d’administration d’une brasserie doit pouvoir communiquer sur cet élément afin que les investisseurs aient une opinion sur la pérennité de l’entreprise.  La partie financière d’un bilan ne représente généralement que 20 % des informations utiles, alors que les aspects socio-environnementaux couvrent pratiquement tout le reste. Il est indispensable que le contenu du reporting du développement durable évolue et devienne non plus une activité exceptionnelle menée par une minorité d’entreprises de premier plan, mais une pratique courante. Pensez-vous que les actionnaires sont conscients de ces nouvelles exigences ? Pour le long terme, ils doivent comprendre la nécessité. Autre exemple : si votre fonds de pension de retraite investit dans une entreprise qui n’a pas fait ce genre de diligences requises dans un environnement où il y a de plus en plus de contraintes de ressources et qui n’est pas à même de garantir que dans 20 ans à 25 ans, elle sera toujours profitable, comment allez-vous profiter de votre retraite ? Je vous conseillerai plutôt d’investir dans des entreprises où le board a compris les enjeux environnementaux et s’active à prendre les décisions utiles dès aujourd’hui. Que pensez-vous du niveau du ‘reporting’ à Maurice ? Il y a matière à amélioration. Si une entreprise fait du reporting intégré, le conseil d’administration doit expliquer les informations financières vitales et aussi les facteurs socio-environnementaux cruciaux. Même si vous êtes un comptable agréé, vous ne saisissez jamais vraiment tous les chiffres. Il faut bien comprendre que nous utilisons des ressources naturelles qui ne se renouvellent pas assez vite pour que cette exploitation dure. Les professionnels sont donc appelés à adopter une approche nouvelle… En 2012, j’ai reçu un Golden Award de la Fédération internationale des comptables pour avoir entraîné un changement des modes de réflexion de la profession de leurs pairs. à leur tour, les comptables conseillent à la communauté des affaires de changer leur attitude, car ce n’est plus le train-train habituel. En fin de compte, nous devons apprendre à produire plus avec moins de ressources naturelles.
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