Live News

Questions à…Me Yatin Varma, ancien Attorney Genral : «Il est temps d’introduire l’oubli pénal à Maurice» 

Le certificat de moralité, tel qu’appliqué aujourd’hui, est-il trop rigide pour les jeunes primo-délinquants ?
Le Certificate of Character Act, qui a remplacé le Certificate of Morality Act en 2012, a rendu le système plus souple. L’article 5 prévoit que certaines infractions comme l’agression, les insultes, les menaces ou les troubles à l’ordre public peuvent être exclues du certificat de moralité après cinq ans. Le mécanisme existe donc déjà. Cependant, sa mise en œuvre pose peut-être un problème. Des personnes m’ont rapporté que certains de ces délits demeurent malgré tout sur leur certificat de caractère. 

Publicité

Le droit mauricien permet-il une révision du casier judiciaire, notamment pour les infractions mineures commises en bas âge ?
Cela est prévu à l’article 75 de la Constitution. Le président de la République, agissant sur les conseils de la Commission de pourvoi en grâce, peut accorder une grâce ou réduire une peine. La personne concernée peut écrire au président ou à la commission. 

Le concept de « condamnations éteintes » (spent convictions) ou encore le droit à l’oubli pénal, n’existe pas encore dans notre droit, même si les tribunaux ont parfois tendance à l’appliquer. Il est grand temps d’introduire formellement ce concept.

Le Dangerous Drugs Act est-il disproportionné pour les petits consommateurs ?
Le Dangerous Drugs Act a été amendé en 2022 pour y inclure l’article 59B sur la suspension des poursuites. Lorsqu’un consommateur de drogues est poursuivi sous l’article 34 et que le commissaire de police estime qu’il s’agit d’une consommation personnelle sans circonstances aggravantes, et que l’individu n’est pas un trafiquant, il peut recommander au Directeur des poursuites publiques (DPP) que la personne suive une réhabilitation au lieu de poursuites. Si le DPP approuve, la personne est alors référée au Drug Users Administrative Panel (DUAP).

La justice mauricienne tient-elle compte du contexte social et familial d’un jeune délinquant ?
Selon le Children’s Act 2020, un mineur est une personne de 14 à 18 ans. Un enfant de moins de 14 ans ne peut être poursuivi. Il fait référence à l’article 49 de cette loi. L’article 51(1) impose une évaluation par un agent de probation. Cette évaluation permet, entre autres, de savoir si l’enfant a besoin de protection ou s’il a été manipulé par un adulte. En cas de condamnation, l’article 61 exige un « pre-sentence report » avec des informations détaillées sur la situation personnelle et sociale de l’enfant.

Existe-t-il des alternatives spécifiques à l’incarcération pour les jeunes ?
Oui, plusieurs dispositifs sont prévus par le Children’s Act, d’abord un diversion programme (articles 55 et 56), c’est-à-dire un programme individualisé de réhabilitation hors du circuit judiciaire formel. Un Child Mentoring Scheme (article 43), pour les enfants de 8 à 16 ans en détresse ou en rupture sociale. Une Preventive Intervention Order (article 42) peut être émise par un magistrat. L’article 62 permet au tribunal, après condamnation, de libérer le mineur conditionnellement ou de le confier à ses proches.

Quelle est la responsabilité juridique de l’État dans la prévention de la récidive ?
Le Child Services Coordinating Panel, prévu à l’article 8 du Children’s Act, est chargé de coordonner toutes les activités liées à la mise en œuvre de cette loi, ainsi que des conventions internationales comme celle des Nations unies sur les droits de l’enfant et la Charte africaine des droits de l’enfant.

Les peines courtes empêchent-elles une vraie réhabilitation ?
Dans certains cas, une courte peine peut avoir un effet dissuasif. Cela dit, notre système devrait évoluer. La loi devrait permettre une libération temporaire des personnes condamnées pour des infractions mineures, avec un système de surveillance électronique.

Existe-t-il un droit à la réinsertion et un accompagnement à la sortie de prison ?
L’article 45 du Children’s Act prévoit un Child Mentoring Scheme, où un mentor doit soumettre des rapports mensuels et trimestriels sur l’évolution de l’enfant. Cela participe à sa réinsertion.

L’État est-il légalement tenu de préparer les détenus à la vie post-carcérale ?
L’objectif premier d’une peine de prison doit être la réhabilitation. Le Probation of Offenders Act et le Community Service Order Act visent cela. L’article 59C du Dangerous Drugs Act traite spécifiquement de la réhabilitation des usagers de drogues.

Existe-t-il une protection contre la discrimination liée à un passé judiciaire ?
Aucune disposition de la Constitution, notamment dans le chapitre 2 sur les droits fondamentaux, ne protège spécifiquement contre cela. Un individu concerné peut s’adresser à la Commission de pourvoi en grâce.

Est-il légal de refuser un emploi à cause du certificat de moralité ?
Cela dépend entièrement de l’employeur. La loi ne peut pas contraindre un employeur à recruter une personne ayant un casier judiciaire.

Que penser de l’idée d’accorder des incitations fiscales aux entreprises qui recrutent d’anciens détenus ?
Il n’existe aucun obstacle juridique à cela. Toutefois, je doute de l’efficacité réelle d’une telle mesure en pratique. Je me demande si une compagnie voudra effectivement employer un jeune ou un adulte avec des antécédents d’escroqueries, de vols ou encore de détournements de fonds.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !