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Questions à…Marjorie Ayen, anti-bullying consultant : «Un enfant doit pouvoir se sentir en sécurité dans son école»

Pourquoi certaines victimes osent-elles témoigner, tandis que d’autres restent silencieuses ?
Certaines victimes osent témoigner car elles ont choisi de ne pas souffrir en silence. Elles choisissent de faire confiance à un adulte qui pourra leur venir en aide. L’adulte peut être une personne de confiance, comme un enseignant ou un membre du personnel non-enseignant avec qui la victime se sent à l’aise, un parent ou toute figure d’autorité bienveillante. 

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Certains jeunes préfèrent se confier à un ami ou à un élève plus âgé, comme un class captain, qui l’aidera à dénoncer son calvaire. Certaines victimes sont également conscientes de leurs droits et comprennent qu’elles ont tout à fait le droit de dénoncer une injustice.

Malheureusement, d’autres victimes restent silencieuses pour plusieurs raisons : la peur des représailles, la peur du jugement de leurs amis/camarades de classe, la honte et la peur de la réaction de leurs parents.

En parlant de la peur des représailles, il faut comprendre que c’est une réalité à laquelle peuvent faire face les victimes. C’est pourquoi il est important qu’un établissement scolaire donne l’assurance qu’il y aura des sanctions en cas de représailles. 

Par rapport à la peur de la réaction des parents, il y en a, malheureusement, qui minimisent ce que vivent leurs enfants ou leur reprochent d’avoir « provoqué » le persécuteur. D’autres parents ne communiquent pas assez avec leurs enfants. 

Donc, le manque de confiance envers les adultes et les institutions encouragerait le silence des victimes ?
En effet. Certains jeunes ne peuvent, malheureusement, pas faire confiance aux adultes, estimant qu’ils ne seront pas réceptifs à leurs confidences, mais au contraire se montreront indifférents ou peu compréhensifs.

Il faut comprendre qu’un cas de bullying est un cas de violence et peut prendre de graves proportions» 

Les réseaux sociaux comme Telegram favorisent-ils un harcèlement « invisible » et difficile à prouver ?
Oui, dans la mesure où vous perdez le contrôle sur ce que vous postez. Du jour au lendemain, vous pouvez retrouver une photo de vous publiée sans votre autorisation sur ces plateformes. Parfois, la photo peut même être un « deepfake », c’est-à-dire une photo truquée de la victime.

Un persécuteur peut aussi se cacher derrière un faux profil, rendant son identification difficile. Il peut arriver qu’une victime bloque un « cyberbully », mais que ce dernier continue de la tourmenter en créant d’autres faux profils pour l’humilier davantage. 

Il est important de sauvegarder toutes les preuves, comme des captures d’écran, et de contacter le Mauritian Cybercrime Online Reporting System (MAUCORS). Cet organisme gouvernemental enquêtera avec la collaboration de la police.

L’anonymat en ligne encourage-t-il la violence et l’impunité des harceleurs ?
Le fait de pouvoir se cacher derrière un faux profil motive certains à s’acharner sur leurs victimes en toute impunité. Parfois, le profil n’est pas faux, mais contient, exprès, un minimum d’informations de sorte à persécuter d’autres internautes anonymement.

En quoi l’effet de groupe pousse-t-il certaines victimes à se taire ?
L’effet de groupe, qui est connu comme le « mobbing », est un phénomène qui peut pousser, en effet, certaines victimes à se taire. Une victime peut parfois se retrouver seule face à un groupe de harceleurs. Le groupe va la dominer et ce déséquilibre de pouvoir va engendrer de la peur chez elle. Les victimes craindront de dénoncer toutes ces personnes qui les persécutent de peur de représailles.

Comment aider les jeunes à demander de l’aide ?
Il est important de former le personnel enseignant et non-enseignant ainsi que les parents à reconnaître les signes qu’une victime est en train de souffrir en silence. Il est tout aussi important que les établissements scolaires donnent l’assurance à leurs élèves que des représailles éventuelles après une dénonciation ne seront pas tolérées.

Une autre mesure est de lancer un Anti-Bullying club dans chaque école. Je me souviens que quand j’avais lancé un Anti-Bullying club et une campagne de sensibilisation sur le harcèlement scolaire dans l’école où je travaillais, des jeunes sont sortis du silence en allant consulter la psychologue de l’école.

Un établissement scolaire doit donner l’assurance qu’il y aura des sanctions en cas de représailles»

Quels rôles les parents, les enseignants et les amis doivent-ils jouer pour lutter contre le harcèlement ?
Ils doivent savoir agir quand une victime de harcèlement leur demande de l’aide. D’ailleurs, d’après l’article 34 du Children’s Act (2020), « Mandatory reporting for child in danger », les employés d’un établissement scolaire (personnel enseignant et non-enseignant) doivent intervenir quand il y a un risque qu’un enfant « has been, is being or is likely to be, exposed to harm… ». 

Cela s’applique aux cas de bullying. Il faut bien comprendre qu’un cas de bullying est un cas de violence et peut prendre de graves proportions, allant même parfois jusqu’au suicide ! Un enfant doit pouvoir se sentir en sécurité dans son école et c’est le rôle des adultes de protéger l’enfant, sinon ils seront complices de n’avoir pas protégé « a child in danger ».

Les campagnes de sensibilisation sont-elles suffisamment efficaces ?
Je n’ai malheureusement pas vu de campagnes de sensibilisation sur le harcèlement de la part des autorités. Mais certaines écoles ont dû travailler sur la sensibilisation au harcèlement. À travers mes ateliers sur le harcèlement dans quelques écoles, ONG et en ligne, j’ai eu, en général, un bon « response » des enfants. 

J’espère toucher un public encore plus large et que les autorités lanceront bientôt des campagnes de sensibilisation sur ce fléau.

 

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