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Promesses électorales : les retraités, le nouvel eldorado politique

Pour certains partis politiques, la conquête des retraités est l’élément-clé des prochaines élections générales.

Des promesses et encore des promesses à l’intention des retraités qui composent depuis ces dernières années une partie importante du bassin électoral. Le Mouvement socialiste militant et le Parti travailliste mènent une âpre bataille autour des retraités. La surenchère politique a commencé bien plus tôt que prévu.

Tout semble encore une fois indiquer que c’est la formation politique qui parviendra à séduire les retraités qui remportera les prochaines élections générales. Lesquelles devraient officiellement se tenir en 2024. Le ton a d’ailleurs déjà été donné.

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D’une part, le gouvernement, comme récemment annoncé par le ministre des Finances Renganaden Padayachy, compte dès juin 2023 revoir à la hausse la pension de vieillesse. S’en est suivi un affrontement à distance entre Pravind Jugnauth et le leader du Parti travailliste (PTr), les deux challengers au poste de Premier ministre pour les prochaines élections générales.

Pravind Jugnauth a, dans un premier temps, mis les retraités en garde, en déclarant que le montant de la pension de vieillesse serait réduit si l’opposition venait à accéder au pouvoir. Une déclaration qui a fait réagir Navin Ramgoolam, lequel a fait ressortir que c’est Pravind Jugnauth qui voulait réduire la pension des retraités du temps où il était ministre des Finances.

Le leader des rouges a ajouté que c’est le PTr qui a introduit la pension universelle à Maurice. Ne voulant pas lâcher prise sur le dossier des retraités, Navin Ramgoolam est allé plus loin en annonçant par la suite son intention d’accorder un voyage gratuit vers l’île de la Réunion aux pensionnés.

Une annonce qui n’a pas manqué de susciter son lot de commentaires, notamment sur les réseaux sociaux et au sein de l’opposition. Cette proposition a cependant été jetée aux oubliettes. Samedi dernier, lors d’une conférence de presse, le leader du Mouvement militant mauricien (MMM), Paul Bérenger, a affirmé qu’il y a eu beaucoup de confusions autour de la déclaration du leader des rouges. Il a précisé que l’Entente de l’Espoir et le PTr feront, au début de l’année prochaine, de nouvelles propositions afin d’améliorer les conditions de vie des retraités.

Mais le fait est que la voie semble toute tracée pour une véritable opération de séduction en vue de rallier les retraités. Une situation qui n’a certainement pas échappé au politologue Avinaash Munohur. Dans une déclaration accordée au Défi Plus, ce dernier tient d’abord à brosser le tableau. « Il y a 252 727 seniors qui touchent la pension de vieillesse à Maurice. Il y avait 941 719 électeurs inscrits pour les élections générales de 2019. Un calcul rapide nous démontre que la part des seniors dans l’électorat est donc d’à peu près 27 % », dit-il.

Ce calcul est encore plus pertinent en tenant en compte du système électoral de Maurice. « Avec le système First Past The Post, comme le nôtre, un gouvernement peut obtenir une majorité confortable à l’Assemblée nationale avec 37 % des votes, comme cela a été le cas du MSM en 2019. Il me semble que l’enjeu électoral est ainsi clairement défini dans ces quelques statistiques : le vote des pensionnés est devenu un vote hautement stratégique pour les partis politiques, ce qui explique la multiplication des propositions et des promesses en tous genres faites à leur intention », ajoute le politologue.

Le vieillissement de la population devient, de ce fait, un enjeu sociétal majeur, selon lui. Il plaide pour une modernisation des systèmes de solidarité en vigueur à Maurice. « L’accès aux soins médicaux et paramédicaux, l’accès aux loisirs, le soutien au pouvoir d’achat des seniors, l’accès à une qualité de vie améliorée et la prise en charge de ceux en situation de fin de vie deviendront des enjeux extrêmement importants dans un avenir proche. Il est essentiel de mettre en place une planification sociale, économique et politique à tous ces problèmes », ajoute Avinaash Munohur.

Face à cet enjeu capital, la responsabilité et la prudence de ceux qui aspirent à gouverner le pays est donc crucial, selon lui. Il ajoute qu’il est extrêmement important que les gouvernants fassent preuve de prudence et de responsabilité. Il est d’accord qu’il faut soutenir les retraités, mais il estime que cela ne doit pas se faire aux dépens de la productivité et des opportunités économiques pour la jeunesse.

« Si cette dernière ne s’épanouit pas sur le plan économique, nous ne pourrons plus financer la pension des retraités et un niveau de vie convenable pour la majorité des Mauriciens. C’est un cercle vicieux », poursuit-il. Il souligne que cette équation est extrêmement complexe et que c’est là que les Mauriciens pourront juger du sérieux ou du manque de sérieux des politiciens.

L’ancien ministre et observateur politique, Jean Claude de l’Estrac, semble, quant à lui, outré par cette ruée de la classe politique vers les retraités. « Tout cela nous éloigne des véritables enjeux politiques et fausse dramatiquement le sens des élections censées offrir aux électeurs un choix de société », déclare-t-il.

Faisant état d’une évolution considérable au niveau de l’âge de la population mauricienne, il estime que les partis politiques font preuve d’opportunisme. « La structure d’âge des électeurs ayant dramatiquement changé de par le vieillissement de la population, les partis politiques cherchent à séduire en priorité les seniors qui sont désormais plus nombreux chez les électeurs », explique-t-il.

Une formule qui a d’ailleurs déjà fait ses preuves dans le passé, selon Jean Claude de l’Estrac. « L’efficacité de cette stratégie a été amplement démontrée lors des dernières élections législatives. Les partis rivaliseront désormais de propositions de douceurs à l’intention des seniors, y compris les plus farfelues. Je m’attends à ce que l’un d’eux propose à nos vieux un voyage sur la lune », ironise-t-il.

2000-05 : le courageux projet de ciblage de Sam Lauthan

C’est sous le gouvernement MSM-MMM, durant la période 2000-05, que la question du ciblage a été abordée avec insistance. Le ministre de la Sécurité sociale d’alors, Sam Lauthan, était d’ailleurs arrivé à un stade très avancé puisqu’un seuil d’éligibilité à la pension de vieillesse avait été déterminé.

L’idée consistait à accorder la pension de vieillesse uniquement à ceux et celles dont les revenus ne dépassaient pas Rs 17 333 par mois. Le projet n’avait cependant pas pu aboutir après que l’opposition d’alors, menée par Navin Ramgoolam, avait fait une campagne agressive anti-ciblage. La pension universelle avait d’ailleurs été un des principaux thèmes de campagnes qui avait été vendu par le PTr et ses alliés.
Joint au téléphone afin de s’expliquer sur cette démarche, Sam Lauthan avance que c’était une initiative rationnelle. « On avait estimé qu’il n’était pas nécessaire d’accorder la pension à ceux qui touchent des millions. La question du ciblage reprend toute sa pertinence en 2022, surtout en cette période post-COVID-19 », dit-il.

Appelé à s’exprimer sur les promesses qui fusent des rangs politiques en vue d’amadouer les retraités, Sam Lauthan avance que « c’est dégoutant de vouloir distribuer à tort et à travers. Il faut venir en aide à ceux qui méritent le plus, à ceux qui sont le plus en difficulté ».

Prem Seebaruth : « Degradan ki bann politisien servi nou kouma bann saritab »

Il ne mâche pas ses mots à l’encontre des politiciens qui promettent monts et merveilles aux retraités. « Mo trouv sa bien degradan ki bann politisien servi nou kouma bann saritab », déclare Prem Seebaruth, président du Senior Citizen Council.

« On nous offre des brianis. On nous promet des tickets d’avion, mais c’est tout simplement dégueulasse », affirme-t-il. S’il se dit, en revanche, d’accord que la pension de vieillesse continue d’augmenter, il plaide néanmoins auprès des autorités pour davantage de mesures d’accompagnement afin d’améliorer les conditions de vie des retraités. Il propose notamment l’élimination de la taxe sur les médicaments pour les personnes âgées.

Eric NgEric Ng, économiste : « C’est irresponsable de faire de la surenchère politique chaque cinq ans »

« Notre système de pension de vieillesse finira tôt ou tard par exploser si on continue à faire toutes sortes de promesses. » Tel est l’avis exprimé par l’économiste Eric Ng. Selon lui, l’heure doit être à la réforme, « dans un contexte où la population devient de plus en plus vieillissante ». Il explique que le ratio personnes actives vs retraités diminue et que les finances publiques seront insoutenables.

Faisant aussi état de la situation sanitaire, Eric Ng avance que le monde n’est plus à l’abri d’une épidémie mondiale. Raison pour laquelle il estime qu’il faut investir davantage dans notre système de santé. « Il faut cesser de politiser ce débat car c’est irresponsable de faire de la surenchère politique chaque cinq ans et promettre n’importe quoi. Si on persiste dans cette voie, nous témoignerons prochainement d’un conflit intergénérationnel entre les jeunes et les retraités », prévient l’économiste.

Des paroles et encore des paroles

C’est lors de la campagne électorale de 2005 qu’on commence à contempler la pension de vieillesse comme thème de campagne. Le Parti travailliste, qui dirige alors L’Alliance Sociale, s’engage à ne pas aller de l’avant avec le système de ciblage pour la pension de vieillesse, initié par le gouvernement MSM-MMM entre 2000 et 2005.

Neuf ans plus tard, c’est au tour de L’Alliance Lepep de venir avec une promesse de pension de vieillesse de Rs 5 000 alors qu’elle s’élève à Rs 3 600 à l’époque. La formule se révèle gagnante : L’Alliance Lepep remporte haut la main les élections. Durant la campagne électorale de 2019, L’Alliance Morisien s’engage à faire passer la pension à Rs 13 500 d’ici 2024.

Rs 2,4 milliards pour envoyer les personnes du troisième âge à La Réunion

Il y a deux semaines, Navin Ramgoolam, leader du Parti travailliste, a laissé entendre que l’État financera un déplacement à La Réunion pour ceux ayant atteint les 60 ans s’il redevient Premier ministre. Durant la semaine, il a nuancé ses propos en précisant que cette proposition doit d’abord être discutée et adoptée et que son vœu est de permettre à ceux qui n’ont jamais pris d’avion dans leur vie de le faire.

Mais, combien cela coûterait si cette mesure était appliquée à l’ensemble des retraités ? Il est à noter que le prix des billets d’avion fluctue dépendant de la période où le déplacement se fait, du moment de la commande du billet et de la demande lors la commande. Au mieux, le billet peut coûter Rs 9 500 par personne. Les prix peuvent aller jusqu’à Rs 15 000.

Si l’on fait le calcul à partir de Rs 9 500 le billet et l’on multiplie cela avec l’ensemble des seniors mauriciens, l’on arrive à une somme de Rs 2,4 milliards. Bien entendu, ces personnes ne voyageront pas tous en même temps. Un certain nombre ne pourra pas non plus voyager pour des raisons de santé dues à leur âge avancé. Navin Ramgoolam ne s’est cependant pas exprimé sur le logement et si c’est l’État qui prendra ceci en charge ou pas.

 

 

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