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Programme et projet de société : quelle crédibilité accorder à la classe politique ?

La classe politique traditionnelle est-elle véritablement sincère dans son intention d’opérer un vrai changement à Maurice ?

Au fur et à mesure que le pays se rapproche d’une échéance électorale, divers thèmes de campagnes reviendront dans les discours des politiciens. Les deux termes les plus utilisés sont programme pour un vrai changement ou projet de société. Quelle est la véritable valeur de ces termes ? Décryptage.

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«Un vrai programme pour un vrai changement », « un projet de société pour une rupture ». Il s’agit là des thèmes qui reviennent sans cesse dans les discours des partis politiques ces temps-ci. Et particulièrement ceux issus des rangs de l’opposition. De tels discours deviennent plus fréquents au fur et à mesure que l’on se rapproche d’une échéance électorale. Mais quels est le véritable poids et la crédibilité de ce genre de discours ? 

Le terme projet de société a complètement été dénaturé par une utilisation abusive et au final, la population ne comprend rien»

L’observateur politique et constitutionnaliste Milan Meetarbhan est de ceux qui croient que le discours de la classe politique en général souffre d’un déficit de crédibilité, pour la simple et bonne raison « qu’il n’y a plus vraiment d’idéologie dans le débat politique à Maurice ». « Aujourd’hui, le débat politique tourne surtout autour de l’appartenance ethnique, du soutien à une personnalité, plutôt que sur la base d’un véritable projet de réforme », ajoute-t-il. 

Étant d’avis que Maurice mérite mieux en 2022, l’avocat considère qu’il incombe aux politiciens de « rise up to the expectation, car la population attend mieux d’eux ». Prenant pour exemple les discours qui ont été prononcés lors des récents congrès politiques, Milan Meetarbhan constate qu’il n’y a rien de concret sur des « policy issues, alors que nous sommes à une période où le pays est en train de faire face à de sérieux défis ». 

Il met en avant un autre point : les premières discussions qui sont entamées lorsqu’il est question de sceller une alliance. « On constate tout le temps que les premières discussions vont tourner autour des responsabilités de chacun. Qui va occuper tel poste. C’est ce qui est en premier lieu évoqué avant que les partis souhaitant entrer en alliance se mettent d’accord sur un projet commun », déplore-t-il. 

Les politiciens de la vieille garde ont déjà une culture de mensonge car, pour eux, ‘moralite pa ranpli vant’»

L’avocat dit toutefois saluer le fait que le MMM, le PTr et le PMSD sont tombés d’accord pour constituer un comité qui se penchera sur les points d’un programme. Il dit toutefois regretter le fait que, dans la majorité des cas, les formations politiques décident de présenter leurs programmes à la veille des élections. « Ce n’est pas une bonne pratique. Lorsqu’un parti politique décide de présenter un programme à la veille d’une élection, c’est uniquement pour la forme. Il faut que cela soit rendu public bien avant les élections et ainsi encourager le débat avec la société civile et autres citoyens », fait part Milan Meetarbhan. 

Avis qui est d’ailleurs partagé par le député du PTr Shakeel Mohamed. « Débattre autour des propositions faites dans un programme est un exercice important, car cela permet au politicien de s’engager publiquement sur ses promesses. Mais à Maurice, la classe politique a peur du débat. Les politiciens refusent d’être confrontés à des idées contraires », observe-t-il.

Évoquant le terme projet de société, qui revient sans cesse ces temps-ci, Shakeel Mohamed est d’avis qu’il s’agit d’un terme qui a été pollué par nul autre que les politiciens. « Hélas, un projet de société se résume aujourd’hui à une petite illustration graphique que le politicien se contente de circuler au public », constate-t-il. 

Le débat politique tourne surtout autour de l’appartenance ethnique et du soutien à une personnalité, plutôt que sur la base d’un véritable projet de réforme»

L’ancien ministre du Travail est d’avis que ce dont Maurice a aujourd’hui besoin, c’est d’un tout nouveau chantier qui aidera à mettre en place une nouvelle phase de développement administratif et politique. « Il faudra que ce nouveau chantier vienne de l’avant avec des propositions pour revoir les pouvoirs du Premier ministre et le fonctionnement de la PSC, qui doit opérer dans une plus grande transparence », avance-t-il. « Mais force est de constater que le terme projet de société a complètement été dénaturé par une utilisation abusive et au final, la population ne comprend rien », regrette-t-il. 

Shakeel Mohamed fait cependant remarquer que les propositions creuses et les promesses politiciennes peuvent aussi être corrigées à travers la conscience citoyenne. Il soutient que les citadins doivent aussi savoir monter au créneau lorsqu’on les bombarde de promesses. « Lorsqu’un Premier ministre vient, par exemple, promettre la pension de vieillesse à plusieurs milliers de roupies, il est du devoir du Mauricien de questionner le Premier ministre sur la provenance des fonds qui seront utilisés pour financer cette promesse. Le citoyen doit aussi pouvoir demander à celui qui promet s’il compte avoir recours à des subterfuges pour financer une augmentation de la pension. Une augmentation de la pension impliquera-t-elle de nouvelles taxes sur le carburant, par exemple ? Ce sont autant de questions légitimes que le citoyen est en droit de poser », explique-t-il.

Le pédagogue et représentant de Think Mauritius, Faizal Jeerooburkhan, est, quant à lui, sceptique quant aux vraies intentions à vouloir présenter un programme qui pourra jeter de nouvelles bases pour une nouvelle société mauricienne. « Les politiciens de la vieille garde ont déjà une culture de mensonge car, pour eux, moralite pa ranpli vant. Il faudra, selon moi, avoir une nouvelle race de politiciens qui sera disposée à avoir un langage de vérité », déclare-t-il.

  • defimoteur

     

 

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