Nouveau coup de massue pour les consommateurs. Les prix des produits alimentaires ont de nouveau pris l’ascenseur en ce début de mois. Quel est le « mood » des consommateurs face à ces prix grimpants ? Tour d’horizon dans des supermarchés.
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10 h 42, le samedi 4 mars. Si le soleil brille de mille feux à Curepipe, on ne peut en dire autant de l’humeur des consommateurs en ce jour de courses. Face aux prix qui s’affichent dans les rayons du supermarché Sik Yuen, certains semblent sonnés. On entend même quelques-uns rouspéter. D’autres sont concentrés : ils scrutent d’un regard aiguisé les prix pour faire un choix judicieux.
Au rayon des produits surgelés, dont les prix ont flambé depuis le 1er mars, les clients s’arrêtent plus longtemps que prévu. Christiane est parmi ceux qui ne savent plus à quel saint se vouer. La Curepipienne de 60 ans confie dépendre de sa pension pour vivre. Elle se serrait déjà la ceinture en raison de la vie chère. Désormais, avec les nouvelles hausses de prix, elle est amenée à revoir son alimentation.
« Je dépends grandement des produits surgelés. J’en achetais suffisamment pour tout le mois. Mais avec la hausse des prix qu’accusent certains produits, je dois me résoudre à en acheter selon mes moyens. » Pour la sexagénaire, c’est un « coup dur ». « Le prix des légumes verts frais a déjà augmenté de manière excessive, les légumes surgelés me sauvaient la mise. Désormais, je dois également m’en priver », se lamente-t-elle.
Mick, 29 ans, révèle avoir, lui aussi, changé ses habitudes alimentaires face à la hausse continue des prix. Grandement dépendant des produits surgelés, il a décidé de couper la viande de son alimentation, devant le prix de la viande surgelée.« Généralement, on essaie tant bien que mal de se rabattre sur des substituts pour compenser, mais sur la viande, il n’y a pas de compromis. Je préfère ne pas en acheter. »
Pour David, 42 ans, parcourir les rayons des surgelés s’avère un véritable casse-tête en ce samedi matin. Père de deux enfants, l’habitant de Curepipe dit n’avoir d’autre choix que d’acheter des produits surgelés, car cela facilite la préparation du déjeuner des enfants pour l’école. « C’est cher, mais on ne peut pas faire autrement. Cela pèse lourd sur le budget, surtout lorsqu’on a deux enfants. Sans compter qu’on en dépend aussi pour emporter de quoi déjeuner au travail. »
Comment dire à un Mauricien de faire des concessions sur son thé du matin ? Boire le thé, c’est dans notre culture. Ils abusent !»
Interrogé sur l’impact de la hausse des prix du thé et de la bière sur le panier ménager, il rétorque : « Encore une fois, on devra débourser plus pour le thé. Dans notre famille, nous ne pouvons pas nous en passer. Quant à la bière, comme on est en période de jeûne, on digère mieux la nouvelle ! »
Avec l’augmentation du coût de la vie, Jesslyn, 58 ans, respecte à la lettre sa liste de courses. Pas question de dépasser le budget. Pour arriver à faire chauffer la marmite, elle fait des compromis sur certains produits afin de pouvoir acheter ce qu’elle considère essentiel pour son foyer. « Désormais, avec la hausse des prix des produits frigorifiés, je réduirai la fréquence à laquelle j’en achète. Mais il est impératif que je ramène mon thé à la maison. Aujourd’hui, il est difficile de se faire plaisir. Même l’alimentation nécessaire est devenue un luxe », souligne-t-elle, dépitée.
Et les consommateurs ne sont pas au bout de leurs peines. Car même le prix de la tomate en conserve fait rougir ! Pour de nombreux Mauriciens, qui s’étaient tournés vers ce produit face à la cherté des pommes d’amour au marché, il faudra se résoudre à tout bonnement faire une croix dessus. Mais Sabrina a une petite astuce.
« Quand le prix des tomates en conserve flambe, nous n’achetons qu’une boîte au lieu de deux. Nous préférons acheter des pommes d’amour fraîches au marché, malgré le prix, car elles se conservent bien au congélateur. Quand nous voulons en utiliser, nous les sortons et nous les écrasons en purée. Nous nous en servons pour un ‘satini’ ou même dans les ‘caris’. Cette astuce sauve la vie, surtout lorsque la pomme d’amour se vend à prix d’or ! », avance-t-elle.
Au supermarché Intermart de Floréal, même sentiment de ras-le-bol. « Citez-moi un produit alimentaire dont le prix n’a pas connu de hausse ? C’est désormais le quotidien des Mauriciens de prendre leurs sacs de courses et de parcourir les rayons en s’arrachant les cheveux face aux prix exorbitants de tous les produits alimentaires confondus ! » lâche Alain, 68 ans, un habitant du quartier.
En ce samedi, il est encore plus remonté devant la cherté du thé. « Et voilà que c’est au tour du thé ! Comment dire à un Mauricien de faire des concessions sur son thé du matin ? Boire le thé, c’est dans notre culture. Ils abusent ! »
Frustration partagée par Marilyn François, pour qui, désormais, faire ses courses est source de stress. « Les produits dont les prix ont accusé une hausse en ce début de mois composent tous la base du panier ménager. Les étiquettes changent tous les jours », fait-elle remarquer avec dépit.
Et comment fait-elle pour s’en sortir ? « On doit se résoudre à manger moins et à faire durer les ingrédients tout le mois. On s’efforce de changer notre alimentation, car nous avons les mains liées. Nous ne pouvons pas non plus nous priver complètement. Il faut bien qu’on mange ! Et savoir quoi manger est devenu un stress au retour du travail », soutient-elle.
Selon Marilyn François, c’est le sentiment qui anime la plupart des consommateurs. D’ailleurs, elle dit avoir observé qu’ils s’arrêtent en moyenne 5 à 10 minutes devant une étagère en essayant de décider quoi acheter. « D’une part, ils n’ont pas le choix et d’autre part, ils pensent à leur porte-monnaie et aux produits qui leur sont présentés. Parfois, on doit se rabattre sur un produit bas de gamme pour pouvoir manger. »
Et que dire du thé, dont le nouveau prix est une autre source de contrariété pour Marilyn François. Désormais, elle devra se résoudre à limiter ses tasses de thé afin d’éviter le gaspillage. « On ne peut faire une cruche de thé et en conserver. Il faut le faire par tasse pour boire à l’instant. Par malheur, si on doit jeter le thé, ça me fera mal au cœur. Aujourd’hui, je n’ose pas faire de gaspillage, même pas un grain de riz. »
D’autres hausses de prix attendues
Si le directeur des supermarchés Intermart, Ignace Lam, n’était pas en mesure de répondre à nos questions, Nooreza Fawzee, la directrice financière de Dream Price, dit observer un appauvrissement de la classe moyenne avec l’augmentation du coût de la vie. Et cela devrait continuer, malheureusement : « Avec la hausse du coût de l’électricité, les consommateurs commenceront à en ressentir les effets avec de nouvelles augmentations de prix, notamment des produits surgelés. » La solution, selon elle, serait alors de se tourner vers des produits plus abordables, « et même les produits en conserve ».
Autre facteur contribuant à la hausse des prix : la hausse de 10 % des frais de stockage par la Mauritius Freeport Development (MFD), fait savoir Yusuf Sambon, directeur de l’hypermarché Lolo et importateur de produits alimentaires. « Un nombre important de fournisseurs stockent leurs marchandises à la MFD. De ce fait, cette hausse se répercutera automatiquement sur les prix des produits et, finalement, sur les consommateurs. C’est un effet domino. »
S’ajoute à cela la dépréciation de la roupie face à l’euro et au dollar américain. « Une hausse des prix sur les produits importés sera inévitable », annonce Yusuf Sambon.
Avec la cascade d’augmentation des prix des produits alimentaires, il dit observer un changement dans le comportement du consommateur. « Chacun fait selon son budget. Mais les consommateurs continuent d’acheter les produits de nécessité. D’ailleurs, je suis satisfait de notre chiffre d’affaires pour le mois de février. »
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