Quand il était question de privatiser les centres de contrôle technique automobile, un des objectifs était d’éradiquer la corruption à la National Transport Authority. Toutefois, les habitudes des automobilistes ne disparaissent pas du jour au lendemain. Certains sont tentés de laisser quelques billets dans leurs voitures pour éviter des tracasseries. Mais la National Transport Authority veille au grain.
Publicité
Malgré tous les changements qu’on peut apporter, ce n’est pas du jour au lendemain que les vieux réflexes vont s’effacer. L’un des principaux objectifs de la privatisation des centres de contrôle technique automobile, outre une plus grande efficacité, était de mettre fin à la corruption qui avait cours.
Les automobilistes glissaient quelques billets aux officiers de la National Transport Authority (NTA) pour éviter toute tracasserie, afin d'avoir leur certificat de contrôle tehnique en bonne et due forme. La pratique a-t-elle vraiment disparu ? Si les mesures de sécurité et de surveillance mises en place ont contribué à rendre l’entreprise compliquée, certains automobilistes continuent de tenter leur chance. Les responsables d’Autocheck, le centre contrôle technique automobile de Plaine-Lauzun et SGS, celui de Forest-Side se confient.
Lucette Surrette, responsable de SGS, explique que, désormais, les automobilistes préfèrent « oublier » quelques billets dans leurs voitures. Ça arrive tous les jours, reconnaît-elle. Pour éviter tout malentendu, la politique est de demander aux clients de s’assurer que tous leurs effets personnels ont été retirés du véhicule. D’ailleurs, cette instruction est clairement stipulée dans le reçu donné aux clients après que ces derniers ont payé pour le test. « Nos contrôleurs ne prendront jamais cet argent, même s’ils en trouvent à l’intérieur des voitures », explique Lucette Surrette.
Rajen Moonsamy, responsable du centre Autocheck, raconte avoir également été témoin de ce genre de pratique. « Je ne dirais pas que cela arrive tous les jours, mais cela s'est produit deux ou trois fois. Quand on fait remarquer aux clients qu’ils ont oublié leur argent, ils s’énervent. »
Code d'intégrité
Pour éviter de tels problèmes, ce sont les contrôleurs seniors qui ouvrent les voitures et inspectent. « Les sommes varient », explique Rajen Moonsamy.
« Ça peut être Rs 100 ou Rs 200, dépendant de ce qu’ils avaient coutume de donner auparavant. Certaines habitudes ont la vie dure. » Des habitudes, qui ne produisent pas forcément les mêmes résultats aujourd’hui, d’après lui. L’ironie dans toute cette histoire, selon Rajen Moonsamy, c'est que les personnes qui proposent de l’argent n’ont pas forcément besoin de le faire pour passer l’examen. Ce responsable raconte un épisode avec un vieil homme qui lui a fait une proposition : « Mo donn ou enn ti kas, get mo loto enn kout. » Il a fallu lui expliquer que ce n’était pas nécessaire pour obtenir son Fitness Certificate. Finalement, il s’est avéré que sa voiture était en parfait état. Pourquoi avait-il proposé de l’argent ? « Lontan ti koumsa », a été sa réponse.
À SGS, il existe un code d’intégrité qui est signé annuellement par tous les employés. « Nous avons une politique claire sur le sujet. Nos salariés évoluent dans une atmosphère d’intégrité », assure Lucette Surrette. Un code qui présente toutefois quelques failles, comme le révèle Koshik Reesaul (voir interview), commissaire à la NTA.
Les professionnels sont sceptiques
Les professionnels qui sont au volant dans le cadre de leur métier ne sont pas encore totalement convaincus par la privatisation. Si l’efficacité et la modernisation des centres séduisent, des doutes persistent concernant la capacité des autorités à éradiquer la corruption, alors que certains regrettent que trop d'accent soit mis sur des détails qu’ils considèrent secondaires.
« Il y a eu définitivement de grosses améliorations concernant le temps d’attente et la qualité des infrastructures », explique Raffick Bahadoor, du Taxi Proprietors Union, mais ce n’était pas l’objectif principal. Les employés de la National Transport Authority (NTA) prenaient trop d’argent pour délivrer un Fitness Certificate. » Pourquoi pense-t-il que la situation n’a pas évolué ? À cause du nombre de véhicules de mauvaise qualité qui sont encore sur les routes. Selon Raffick Bahadoor, le gouvernement devrait aller plus loin en exigeant des certificats de contrôle technique de manière plus régulière. « Toutefois, le gouvernement n’est pas près de mettre en œuvre ce genre de projet. Les politiciens sont trop électoralistes et ils ont peur de la réaction des gens. » Voilà pourquoi l’objectif ne sera jamais réellement atteint, selon lui.
Sunil Jeewoonarain, de la Mauritius Bus Owners Cooperative Federation, se montre également élogieux concernant l’efficacité des nouveaux centres. « Le service est très rapide avec notamment un couloir dédié aux poids lourds. Mais les contrôleurs ont tendance à être trop exigeants sur des petits détails. » Selon lui, les propriétaires d’autobus sont d’accord de rendre aux normes leurs véhicules quand il s’agit de problèmes avec la suspension, les roues et les freins. Ils sont toutefois moins enclins à accepter un échec au test pour une fêlure dans la vitre qui recouvre les clignotants. « Les autobus roulent sur des routes de piètre qualité. C’est normal qu’ils soient un peu abîmés. Si les testeurs veulent aller aussi loin, que les autorités concernées commencent par nous donner des infrastructures routières de qualité », explique Sunil Jeewoonarain.
10 fois plus d’échecs aux examens
Avant l’ère de la privatisation, une infime partie des véhicules contrôlés, soit entre 1 et 2 % échouaient. Avec les centres privés, ce chiffre oscille aujourd’hui entre 20 et 25 %. L’explication est
simple : auparavant, les inspections se faisaient uniquement de manière visuelle, alors qu’aujourd’hui, il y a des appareils sophistiqués qui examinent la performance des parties importantes, notamment la suspension. Le taux d’échec des véhicules ne peut que grimper en flèche.
Lucette Surrette, de SGS, explique que beaucoup de véhicules échouent aux tests pour des problèmes mineurs. « Le plus souvent, les plaques d'immatriculation ne sont pas aux normes, ou encore, il y a des ampoules défectueuses. Les conducteurs peuvent revenir après quelques heures pour repasser le test sans frais additionnels. » Pour les problèmes plus sérieux, les automobilistes reviennent généralement le lendemain. Dans cette catégorie, les suspensions et les freins se retrouvent au sommet de la pyramide et ce sont des problèmes qui demandent un peu plus de temps pour être résolus.
Un constat que fait également Rajen Moonsamy d’Autocheck. « Les roues décalées et les vitres teintées font partie des problèmes mineurs. Mais pour les plus graves, on note beaucoup de problèmes de suspension. Cela implique plusieurs zones sensibles des véhicules, à la fois les roues et le volant. » Notre intervenant estime à 10 ou 15 % le nombre de problèmes ayant trait à la suspension. « Auparavant, on ne pouvait même pas tester cela, alors que c’est très important. » Ce dernier confirme aussi que 20 à 25 % des véhicules examinés au quotidien échouent.
D’énormes progrès ont également été faits s'agissant du temps d’attente. Plutôt qu’un jour de congé, quelques minutes suffisent aujourd’hui. « En fin de mois, il y a une petite attente, explique Lucette Surrette, de SGS. Les personnes continuent d’attendre le dernier moment pour renouveler leur Fitness Certificate, ce qui cause un rush. » En dehors des fins de mois, cette dernière estime à 30 ou 40 minutes le temps d’attente moyen pour décrocher son Fitness Certificate. Chez Autocheck, 300 véhicules sont examinés par jour en moyenne, mais en période de fin de mois, ce chiffre peut passer à 450, voire 500. « En matière d’efficacité, nous n’avons rien à envier aux centres européens », assure Rajen Moonsamy. Mais ce dernier estime qu’il y a encore des efforts à faire dans certains secteurs pour verrouiller davantage le secteur. « Savez-vous que les cyclomoteurs n’ont pas besoin de Fitness Certificate ? Pourtant, ils sont 117 244 sur nos routes et il s’agit d’un vrai danger. » Le problème, selon Rajen Moonsamy, réside dans le fait que la NTA ne dispose pas de suffisamment d’inspecteurs.
Koshik Reesaul, Commissaire à la NTA : «Certains contrôleurs ont laissé passer des véhicules sans les vérifier»
La privatisation des centres de contrôle technique automobile a-t-elle atteint les objectifs fixés ?
Avant la privatisation, le public devait faire de longues files d’attente. Souvent, on pouvait perdre toute une journée pour obtenir son Fitness Certificate. Aujourd’hui, on n’a même plus à prendre de rendez-vous. Vous arrivez et en trente minutes, vous avez fini. Par contre, les conducteurs ne sont pas au courant que la National Transport Authority (NTA) dispose également d'officiers sur place. Donc, s’il y a un problème quelconque avec les opérateurs du privé, ils peuvent jouer aux arbitres. Ce qui joue également en faveur des automobilistes, c’est le principe de one-stop shop : tous les services de la NTA sont aussi disponibles dans les centres de contrôle technique, hormis celui d’Autocheck, à Plaine-Lauzun, vu que nous sommes juste à côté.
Mais le plus important, c’est que nous sommes également connectés à tous les centres par CCTV et nous voyons tout ce qui se passe en direct. Je peux affirmer que la corruption a été réduite à 99,9 %. Désormais, il y a des examens techniques avec des équipements calibrés, en sus des examens visuels. Il est difficile de trafiquer ces équipements. Sur le plan visuel, certains contrôleurs ont laissé passer des véhicules sans vérifier. Nous avons eu quelques rapports en ce sens, notamment au centre de Curepipe et chez Autocheck. Nous avons posé des questions.
Que se passe-t-il dans de telles situations ?
Les contrôleurs concernés prennent la porte de sortie. Ils sont tous enregistrés auprès de la NTA et avant de les accorder le permis, ils passent un entretien et un test. Il faut franchir ces étapes pour être qualifiés. Nous avons rétracté le permis de quelques-uns.
Combien de contrôleurs sont concernés ?
Deux ou trois sont partis. En même temps, du côté des opérateurs, ils ont aussi pris les mesures nécessaires, vu qu’il s’agit avant tout de leurs employés. Ils ont été renvoyés. Nous poursuivons nos efforts également, car le Centre de l’Aventure était le seul qui refusait encore que nous installions nos caméras CCTV sur les lieux, mais ils viennent finalement d’accepter de le faire. Donc, c’est un autre aspect qui devrait également être couvert.
Les opérateurs privés expliquent que l’attitude des automobilistes n’a pas changé. Certains laissent traîner des billets dans leurs voitures, plutôt que dans une enveloppe…
Justement, il y a une ou deux personnes dans les centres de contrôle technique qui ont pris ces billets et c’est pour cela qu’ils ont été renvoyés. Ils ont été traduit devant des comités disciplinaires mis sur pied par leur employeur. Les centres de contrôle technique nous informent quand des sanctions sont prises et ainsi nous pouvons rayer ces contrôleurs de notre liste de contrôleurs reconnus. Dès lors, ils ne peuvent plus travailler dans un centre de contrôle technique. Tous les centres de contrôle technique sont reliés. Un véhicule qui échoue un test est « marqué ». En conséquence, le conducteur ne peut tenter d’aller dans un autre centre pour essayer d’obtenir son Fitness Certificate. On a donc éliminé les pots-de-vin à l’intérieur des centres.
Et à l’extérieur ?
On a eu vent d’agents à l’extérieur, mais on n’a aucune preuve concrète à ce jour. Auparavant, beaucoup d’argent circulait à l’intérieur même du centre, où l'on vous proposait de faire passer votre véhicule sans encombres contre paiement. Dorénavant, cette pratique est terminée. Toutefois, on ne peut contrôler ce qui se passe à l’extérieur, mais on fait le maximum à l’intérieur.
Les deux-roues de la catégorie ‘autocyle’ n’ont pas besoin de Fitness Certificate. Pourtant, ils sont plus de 100 000 sur nos routes. N’est-ce pas un manquement ?
Ces mobylettes n’ont effectivement pas besoin de Fitness Certificate. Cela n’empêche pas les inspecteurs de la NTA ou les policiers de verbaliser leurs propriétaire sur la route, s’ils ne respectent pas les règles, comme des clignotants qui ne fonctionnent pas, par exemple. L’idéal serait que ces deux-roues aient aussi à passer le test, mais c’est une décision politique. C’est la même chose concernant la possibilité de ramener de sept à cinq ans le délai pour qu’une voiture neuve ait à passer son contrôle technique.
Ces derniers jours, c’est le zoning pour les centres qui retient l’attention. Est-ce que cela ouvre la porte à un quatrième centre ?
Le zoning ne tardera pas à entrer en vigueur. C’est une affaire de deux ou trois mois. Nous allons concrétiser cela dès cette année. Quant à la possibilité d’ouvrir un quatrième centre nous devrons consulter les trois opérateurs avant.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !